dimanche 22 juin 2025

Intérêt spécifique : un monopole ?

Comme tout être humain, un autiste s'intéresse à différentes choses. Souvent, moins de sujets les passionnent, mais comme le sujet en question est passionnant, un TSA s'intéresse d'autant plus à tout ce qui tourne autour du sujet. On parle d'intérêts restreints ou d'intérêts spécifiques (contrairement à la Banque Nationale Suisse qui parle d'intérêts négatifs, mais ça n'a rien à avoir ici parce que cela ne l'intéresse pas, lui).

Si vous suivez ce blog, vous savez que Nicolas adore les trains, qu'il connait le réseau ferroviaire suisse, les horaires, les gares ou les lignes de train.

Depuis quelques mois, il s'intéresse aussi au jeu Monopoly. Tout a commencé en novembre dernier lorsque nous avons sorti un vieux jeu de l'armoire, Monopoly junior édition Peppa Pig. Pour une fois, ce ne sont pas que les figures qui l'ont capté, mais également les règles de jeu. Trois jours plus tard, Nicolas est venu avec sa tablette et demandé si on pouvait acheter une application Monopoly.

Comme il a tendance à effacer les applis qui ne font pas ce qu'il a envie, j'ai refusé cette dépense. En lieu et place, il a reçu le "vrai" Monopoly à Noël. C'était l'amour au premier regard, et l'investissement a été amorti au bout de quelques jours déjà.

Comme le premier jour, chaque déballage du jeu est un régal : il enlève le couvercle avec le sourire aux oreilles, il sort le plateau de jeu avec les yeux scintillants, il réfléchit de l'orientation du plateau de jeu, il choisit son pion en le nettoyant pour qu'il brille... pendant que moi (ou un autre adulte) distribue l'argent, mélange et place les cartes Chance et Chancellerie.

Nicolas adore quand les autres doivent lui payer un loyer parce qu'ils tombent sur les cases qui lui appartiennent, il ronchonne quand cela lui arrive mais il passe quand même l'argent à son adversaire. Il aime gagner, il accepte de perdre (ce qui n'est pas le cas chez certains adultes). Ce qui lui fait le plus plaisir c'est quand son adversaire doit aller en prison.

Il arrive à rester concentré une heure voire 90 minutes sans problèmes, alors que d'autres tâches cérébrales le fatiguent au bout de la moitié du temps. 

Quand il n'en peut plus, il demande à compter l'argent, déterminer ainsi le gagnant puis d'aller se reposer pendant que l'adulte range tout dans le carton.

Le Monopoly fait du bien à notre fils !

Lorsque nous n'avons pas le temps ou pas assez de place pour jouer une heure, avant le repas ou dans la voiture, Nicolas joue symboliquement. 

- Papa, tu es le plus vieux, tu peux commencer. Lance les dés.
J'invente un chiffre : Six.
- 1, 2, 3, 4, 5, 6. Aarau. Tu peux acheter, ça coûte 100.-.

Symboliquement, cela signifie sans pion, sans plateau de jeu, sans argent... tout se fait dans la tête... dans SA tête ! Il a appris le plateau de jeu par cœur.
Nicolas fait un onze et achète Basel Steinenvorstadt. Comme il a fait onze, je dis avoir fait onze aussi.

- 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11. Chancellerie.
Il pioche symboliquement une carte et me dit : Tu dois payer 100.- à chaque jouer.

Quelle mauvaise foi... je fais semblant de lui donner 100.-.

Nicolas fait un huit, tombe sur La Chaux-de-Fonds, Avenue Léopold-Robert qu'il achète.

- Si tu fais deux, tu tombes chez moi et tu dois me payer 16.-.

Je lance un cinq et tombe sur Chance. Nicolas pioche la carte inexistante et lit : Reculez de trois cases ! Je recule trois cases, tombe sur La Chaux-de-Fonds et paie 16.- à mon fils. Il fait un dix et achète Lausanne Rue du Bourg. Je veille à ce que mes dés ne totalisent pas dix (pour ne pas devoir payer à nouveau), je fais donc onze... case prison !

Si vous avez vous-même un Monopoly, sortez le plateau de jeu et vérifiez le début de cette partie. Tout est juste, il n'invente rien. Vous constaterez que Nicolas a mémorisé les 40 cases de jeu, les couleurs des villes, leurs prix ainsi que l'emplacement des pions après chaque tour de jeu. 

La partie se prolonge encore dix ou quinze minutes avant que je fasse banqueroute. Je tombe toujours sur ses cases, lui jamais sur les miennes.

J'ai découvert sur un commerce en ligne qu'il existe un Monopoly édition tricheurs. Nicolas n'en veut pas, mais il a été sur le même site pour découvrir que le Monopoly existe également pour la France, l'Amérique, en Star Wars ou en Simpson.

- Papa, quelles villes sont en bleu dans la version française du Monopoly ?
- Papa, dans le Monopoly Simpson, de quelle couleur est la ville de Springfield ?
- Papa, quels sont les quatre trains qui figurent sur le Monopoly américain ?

Même en grandissant, il pose toujours plein de questions. Je n'arrive toujours pas à trouver les réponses à ses questions qui sont loin de changer la face de la lune. 

Je lui dis de consulter Chat GPT, tout en sachant qu'il a lui-même désinstallé cette application de sa tablette qui ne sait pas prononcer les noms de certaines gares. 


Comme l'année scolaire touche à son terme, comme Nicolas a bien travaillé et que les vacances d'été approchent, nous lui avons acheté la version locale du Monopoly, Jura-Nord vaudois. Les règles sont les mêmes, mais au lieu d'acheter Zurich Paradeplatz, c'est la case Grandson qui ruine son adversaire. 

C'est marrant de retrouver la gare d'Orbe ou de visiter les grottes de Vallorbe, la Chance est remplacée par le flash info de la radio locale.

Un nouveau jeu, c'était donc un nouveau challenge pour Nicolas qui a dû mémoriser un nouveau plateau de jeu (les prix sont restés les mêmes). Il a également dû se renseigner sur ce qu'était la Maison d'Ailleurs ou la Fabrique Cornu. Mais au bout de trois jours, il a tout compris et mémorisé.

Il a douze ans et demi, et il m'impressionne. Il m'impressionne sur tout ce qu'il sait (surtout ce qui n'est pas important dans la vie), sur tout ce qu'il apprend mais surtout la vitesse de son apprentissage.

Il est différent, il sera toujours différent, mais il continue à m'impressionner !

Lorsqu'il aura dix-huit ans, il pourra venir au Casino avec moi. Il pourra observer, apprendre puis compter les cartes pour me dire au Black Jack si je tire une autre carte ou non. Avec les gains, je lui achèterai toutes les versions de tous les Monopoly qui existent sur cette planète. 

dimanche 16 mars 2025

Tchipiti

En 2025 aussi, la terre continue à tourner, la vie continue, les questions à Nicolas continuent... même si elles deviennent de plus en plus élaborées.

"Papa, il y a combien de voies à la gare de Solothurn ?"
"Papa, il faut changer où le train pour aller de Porrentruy à Genève Aéroport ?"
"Papa, il y a combien d'étages à la gare de Lucerne ?"

Grâce à l'appli CFF installée il y a quelques mois (voir ma dernière publication), Nicolas connait par coeur toutes ces réponses, et il ne manque pas de le faire savoir : 
"Onze, si l'on tient compte de la voie 21. A Bienne et à Renens, mais si tu prends le train de et cinq, aussi à Delémont. Cinq."

Nicolas s'intéresse aussi plus à l'international :
"Papa, est-ce qu'il y a des trains directs pour aller de Fribourg en Suisse jusqu'à Fribourg-en-Breisgau ?"
"Papa, il faut changer où pour aller en train de Lausanne à Londres ?"
"Papa, il y a combien de gares à Bruxelles ?"

Et pour ne pas s'arrêter aux chemins de fer, Nicolas a introduit des questions géographiques :
"Papa, quelle est la troisième plus grande ville du canton de Thurgovie ?"
"Papa, il y a combien d'habitants à La Chaux-de-Fonds ?"
"Papa, est-ce qu'à Bienne il y a plus de gens qui parlent allemand ou le français ?"

Si, à chaque "papa", je recevais un franc... je n'aurais plus besoin d'aller travailler ! Si, au moins, il y avait un million à gagner après la quinzième réponse, comme à la télé... Mais, en 2025, "papa" ne sait plus tout, comme les anciennes générations pouvaient nous le faire croire. 

"Papa" a donc pris une grande décision : on adopte un chat ! Nous avons déjà un chien, un autre chat, des poissons et même un hérisson qui nous rend régulièrement visite, mais papa a décidé de faire appel à un autre type de chat. Un chat qui sait tout. Je l'ai appelé "Tchipiti"... ben ouais, un collègue a appelé son canari "Tchipi", le père à Pinocchio s'appelait Gepetto, pourquoi ne pas appeler notre nouveau chat Tchipiti ?

Et ça a marché ! Nicolas passe de longs moments à jouer avec son chat Tchipiti :
"Quelle est la cinquième plus grande ville du canton d'Appenzell ?"
"Comment s'appellent toutes les gares de Hambourg ?"
"Combien de temps vit un serpent ?"
"Comment on fait des enfants ?"

Le chat Tchipiti est merveilleux, il a une réponse à toute question (même à la dernière !). Et papa se détend un peu plus et apprend des nouvelles choses (même s'il connaissant déjà la dernière réponse).

Mais, hélas, toute bonne chose a une fin. Au bout de trois semaines, Nicolas a décidé de se séparer de son chat Tchipiti, qui était pourtant si gentil, qui ne miaulait pas au milieu de la nuit et qui a su répondre à toutes les questions. Nicolas a désinstallé l'application parce que Chat GPT dit toujours "Brock-Chocolaterie" au lieu de dire "Broc-Chocolaterie". C'est un C muet, on ne le prononce pas.

Alors, vous les Elon, Donald ou Vladimir qui cherchez à conquérir le monde. Si vous voulez mettre la population dans votre poche, commencez à la base. Rendez vous populaires auprès de la population, et cela commence par une prononciation correcte des noms des gares !

"Papa, il y a un train direct de Broc-Chocolaterie à Murten/Morat ?"