jeudi 27 février 2020

106. Tous égaux?


Manon* a huit ans. Elle aime aller à l’école parce qu’elle y a appris à lire et à écrire. Manon aime lire des livres, surtout les histoires qui parlent d’animaux, comme les chevaux, les chiens et les chats. Ces derniers mois, son institutrice a remarqué que Manon clignait des yeux quand elle a dû copier des phrases depuis le tableau noir. La maîtresse l'a mise au premier rang et a averti ses parents. 

Quelques jours plus tard, Manon a été avec sa maman chez l’opticien. Depuis quelques semaines, Manon porte une paire de lunettes à l’école, comme plusieurs de ses copines. Elle apprécie ses lunettes et elle remarque qu’elle est moins fatiguée après l’école. Quand elle a terminé ses devoirs, Manon a encore le temps et l’énergie de faire ce qu’elle aime : Lire une histoire ! 

Sa maman est aussi contente parce que l'assurance maladie vient de rembourser la paire de lunettes. Pas besoin de se serrer encore plus la ceinture ce mois-ci.

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Luca* a onze ans. Il va à l’école en Ferrari – c’est comme ça qu’il appelle son fauteuil roulant sur lequel il se déplace depuis presque trois ans. Il a une maladie rare, les muscles de ses jambes sont trop faibles pour le porter. Cela s’appelle une dystrophie musculaire. 

Pendant la récréation, lorsque ses camarades jouent au football, Luca dessine. Il sort son petit cahier et fait des portraits des autres enfants. Il a développé un vrai talent pour ceci, plusieurs copains ne jouent plus au foot pendant la pause car ils préfèrent regarder Luca dessiner. 

Le mardi après-midi, quand sa classe va au cours de gym, sa maman vient le chercher pour l’amener en physiothérapie. Même si Luca ne se rend pas à la salle de gymnastique, la commune a dû construire un ascenseur pour lui permettre l'accès à la salle qui se trouve au sous-sol. Le peuple Suisse a voté une loi qui oblige les collectivités publiques à permettre l'accès à toute personne aux installations accessibles au public.

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Kevin* a treize ans. Il souffre d’une mucoviscidose, une maladie qui touche les poumons et les voies respiratoires. Il suit le cours de gym mais il peut s’arrêter à tout moment si l’effort est trop violent pour lui. 

Kevin rate plusieurs cours chaque semaine parce qu’il doit aller à la physiothérapie tous les jours. Il prend des médicaments puissants qui le fatiguent. Il paraît que ses médicaments coûtent 140'000 francs par année, heureusement que c’est payé par l’assurance invalidité.

Depuis le début de l’année scolaire, Kevin a été hospitalisé deux fois pendant une semaine entière. Pour rattraper le retard dû aux absences, l’école lui met à disposition un cours d’appui tous les mercredis après-midi. Tout le monde fait des efforts pour que Kevin puisse passer l’année scolaire. 

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Nicolas a sept ans. C’est un enfant avec troubles du spectre de l’autisme. Il ne porte pas de lunettes, il a ni chaise roulante ni troubles respiratoires. Son cerveau fonctionne autrement que celui des autres enfants ce qui rend une communication difficile.

Dans son école, Nicolas n’apprend pas à lire et à écrire, il apprend à se comporter en groupe. Ses parents se sont battus pour que Nicolas puisse intégrer une « vraie » école au moins un jour par semaine. Avec une stagiaire qui l’accompagne socialement, Nicolas suit le programme scolaire hebdomadaire en un seul jour. 

Parce que cette intégration se passe si bien, il peut depuis peu aller deux jours à l’école toutes les semaines. Nicolas aime calculer et lire ; il lit tout ce qui lui tombe sous les yeux. Par contre, il a de la peine quand l'ambiance s'agite et qu'il y a du bruit, par exemple lors de cours sous forme d'ateliers, pendant la gym ou la récréation. A ce moment, il met son pamir (protège-ouïe) et peut quitter la classe un petit moment pour se calmer.

L’année prochaine, Nicolas ne pourra probablement plus aller à l’école. Les responsables estiment que Nicolas a assez bénéficié des mesures d’aide. Ce n’est plus possible de faire sans arrêt des exceptions pour un enfant. Le règlement ne prévoit d'ailleurs pas qu'un enfant puisse quitter la classe ou zapper la récréation.

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J'espère qu'ils ne vont pas continuer dans cette logique. Je crains qu'un jour, ils enlèveront les lunettes à Manon, le fauteuil à Luca et les médicaments et thérapies à Kevin parce que les autres enfants ne peuvent pas bénéficier des mêmes mesures d'aide…




*prénoms fictifs



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