jeudi 18 janvier 2018

44. Un coup de chance?

L’autre jour, en parlant de Nicolas, quelqu'un m’a dit que Nicolas semblait avoir fait d'énormes progrès et que j’avais de la chance que ça se développe ainsi. Il y a eu d'autres commentaires qui vont dans cette direction.

Je ne suis pas d’accord. Oui, Nicolas a fait des progrès phénoménaux ces derniers mois! Non, ce n’est pas de la chance! Celui qui gagne à un concours a de la chance. Si Nicolas progresse, c’est le résultat du travail que nous accomplissons tous les jours depuis trois ans! Et de son travail à lui, aussi!

Nicolas s’est ouvert au monde. Il a commencé à parler - je dirais même que c’est devenu une batoille! Il arrive à s’exprimer quand il veut quelque chose, du coup fait beaucoup moins de crises nerveuses comme il les faisait tous les jours quelques mois en arrière.

Mais est-ce vraiment de la chance?
  • Toute la famille a suivi une thérapie intensive spécialisée de trois semaines pendant les vacances d'été 2016 (qui a de plus couté une fortune). Ceci nous a appris à mieux "lire" le comportement à Nicolas. Cette thérapie nous a demandé des grands sacrifices - autant au niveau financier qu'au niveau des vacances "perdues".
  • Ce sont Francine et moi qui faisons la thérapie individuelle avec Nicolas une heure par jour depuis 18 mois pour appliquer ce que nous avons appris dans cette thérapie intensive.
  • Ce sont aussi elle et moi qui rencontrons quasi tous les mois les spécialistes de l'autisme, soit par Skype, soit à Bâle (sur mes jours de congé).
  • Ce sont ma femme et moi qui vont avec Nicolas chez la pédopsychiatre chaque trimestre à Lausanne, à une heure de route d'ici.
  • C'est toute la famille qui sort de sa zone de confort tous les jours pour faire revenir Nicolas dans notre sphère. Nous supportons ses cris et ses crises quand il doit redescendre sur terre.
  • Ce sont nous qui attirons son attention et son intérêt pour qu'il ait envie de s'ouvrir, d'apprendre, de jouer avec d'autres personnes.
  • Ce sont mes fils, mais aussi ma femme et moi qui parlons avec Nicolas pour qu'il répète... qu'il ait envie de répéter et d'apprendre à parler.
  • C'est toute la famille qui a accepté de prendre un chien d'accompagnement pour autistes pour que Nicolas puisse - on l'espérait - faire plus de progrès.
  • Avant d'obtenir le chien, il y avait de l'administratif à faire, des visites à l'école de chiens, accueillir les instructeurs des chiens... Non, nous n'avons pas de secrétaire personnelle qui nous a déchargé.
  • C'est Francine qui, en plus de toutes ses tâches ménagères et la gestion familiale, fait tous les jours une grande promenade avec le chien, le brosse, contrôle ses oreilles, ses dents etc. C'est un investissement de trois heures quotidiennes au minimum.
  • C'est moi qui me lève tous les matins à cinq heures pour sortir le chien qu'il puisse faire ses besoins. Nous n’avons pas engagé un promeneur de chien.
  • C'est aussi moi qui me couche une demie-heure plus tard le soir, justement pour sortir avec le chien.
  • C'est notre premier fils qui, pendant la pause de midi et au lieu de faire ses devoirs, sort régulièrement avec le chien.
  • C'est ma femme qui, au lieu de profiter du ramassage scolaire organisée par l'école, fait les trajets avec Nicolas et le chien en bus et à pied, justement pour créer ce lien entre l'animal et l'autiste.
  • C'est toujours mon épouse qui amène Nicolas plusieurs fois par semaine à la logopédie ou d'autres thérapies, toujours à pied et avec le chien. C'est aussi elle qui attend patiemment sur place parce que la thérapie risque de durer quinze ou cinquante minutes - selon la forme et l'humeur à Nicolas.
  • Ce sont Francine ou moi qui conduisons nos deux autres fils à des thérapies pour frères d'autiste. Pour eux, c'est aussi lourd à porter! Non, il n'y a pas une grande offre sur Fribourg.
  • C'est moi qui ai abandonné mon travail pourtant intéressant et bien payé pour un autre job juste parce que celui me donne avant tout la flexibilité dans les heures de travail, nécessaire pour accompagner Nicolas.
  • C'est aussi moi qui sacrifie plus de la moitié de mes vacances annuelles, justement pour rencontrer les thérapeutes et assister aux différents réseaux.
  • Nous avons aussi investi beaucoup de temps dans notre bataille avec l'assurance-invalidité pour qu'ils comprennent ce qu'est l'autisme. Non, toujours pas de secrétaire personnelle. Pas d'avocats non plus, juste nous!
  • Nous essayons aussi, d'une façon ou d'une autre, de faire connaître l'autisme dans la région. Personne ne nous oblige de le faire, mais si nous arrivons à éviter à d'autres parents de vivre la même chose que nous parce qu'il y a(vait) tellement d'ignorants parmi les professionnels de la santé et la population, nous le faisons.
Nous n'avons pas besoin de félicitations ou d'une tapette amicale sur les épaules pour ce que nous faisons. Nous le faisons pour le bien de notre fils, de notre famille. Mais s’il vous plaît, arrêtez de nous dire que nous avons de la chance parce que notre fils se développe bien. Cela devient agaçant. 

Ca m'énerve aussi que des gens croient que tout va bien maintenant parce que Nicolas fait des progrès. Nicolas reste autiste, son comportement reste, le quotidien reste lourd à porter.

Est-ce que vous dites au vigneron qui plante sa vigne, qui l’arrose, la taille, la sulfate, l’attache et la vendange qu’il a de la chance parce que le raisin pousse? Est-ce que le fermier qui rentre son blé à de la chance parce que la nature a fait pousser les céréales? Non!

Alors, pourquoi nous on aurait de la chance?

3 commentaires:

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

Coucou..
Ce n est pas vous qui avez de la chance mais nicolas d avoir des parents comme vous...🌼🌼🌼

Bise et chaleur à vous 5... (6)