samedi 29 décembre 2018

75. Ciao ciao 2018!

Une fois Noël passé, la période de l'année commence où les gens regrettent ne pas avoir tenu leurs résolutions de l'année passée. La clope au bec, ils s'aperçoivent que les cinq kilos en trop sont toujours là, les semelles des chaussures de sport ne sont pas encore usées, et tel et tel ami n'a pas encore été appelé. 

Pas chez moi! Non, je n'ai pas commencé à fumer. Je n'ai pas maigri non plus, je ne fais pas de sport... mais je ne prends plus de résolutions. Depuis quelques années, je vis au mode survie au jour le jour. Avec mon épouse, nous entamons un projet après l'autre, quand Nicolas nous laisse souffler! Et quand l'administration ne nous met pas de bâtons dans les roues.

2018 était une année compliquée. Pour plusieurs raisons:

2018, année combative
Nous nous sommes battus pour intégrer Nicolas partiellement à l'école "normale" comme cela se fait presque partout en Suisse. C'était un combat de huit mois avec les différents services scolaires et nous étions même en communication directe avec le conseiller d'état en charge de l'instruction publique. Tout ceci pour ne pas savoir le jour de la rentrée si Nicolas pourra aller à l'école! On se croirait dans le bush...
Quand enfin nous avons reçu la confirmation, nous étions si vidés que nous n'avons même pas pu nous en réjouir! 
Cerise (pourrie) sur le gâteau, ils nous ont fait comprendre que c'était une exception et que l'année prochaine, nous n'obtiendrons plus cette intégration partielle. Dans le canton de Fribourg, on dirait qu'ils préfèrent séparer les gens différents des personnes "normales".

2018, encore un diagnostic
En 2015, le diagnostic TSA (troubles du spectre de l'autisme) de Nicolas était presqu'un soulagement. Nous avons pu mettre un nom sur le comportement de notre fils.
En 2016, un deuxième TSA, type Asperger, chez l'ainé nous expliquait beaucoup de choses, mais nous aurions pu nous en passer
En 2018, nous avons eu très peur quand Nicolas, soudain, ne tenait plus sur ses jambes! Urgences, médecin spécialiste deux jours plus tard, IRM et radios dans la semaine. La doctoresse nous a parlé de cancer avant d'effectuer des examens approfondis. 
Puis une attente bien trop longue parce que la doctoresse n'était pas là plusieurs jours pour nous transmettre les résultats des tests...
Cette fois-ci, trois autres lettres nous frappent en pleine figure. AJI - arthrite juvénile idiopathique. Une maladie auto-immune, le corps qui s'auto-détruit...
En attendant la confirmation du diagnostic par le CHUV (les rapports de la première doctoresse et les images ont mis deux mois pour arriver à Lausanne), nous avons pris nos mesures, adapté notre style de vie, notre alimentation.
La suite des évènements reste ouverte. Prochain rendez-vous à Lausanne le 8 janvier.

2018, l'année du chien
Dans l'astrologie chinoise, l'année du chien a commencé le 16 février 2018 et se terminera le 19 février 2019. Notre année du chien a commencé en novembre 2017 et se terminera dans environ dix ans.
Comprenez-moi bien, notre chien guide Winny est adorable et fait du super travail. Nicolas a fait des super progrès grâce à Winny, et les déplacements ou les changements de situations deviennent moins pénibles grâce au chien.
C'est un chien attachant et un chien attaché. Très attaché à nous!
Mais un chien demande du travail et du temps... beaucoup de temps! Quand votre quotidien est déjà plein, c'est difficile de caser encore trois heures supplémentaire dans un jour.
Les promenades en forêt ne sont pas des promenades de plaisir parce qu'un labrador est attiré par les odeurs, par exemple celles des excréments humains. Et ils les bouffent quand on n'est pas attentif. 
En parallèle, la fondation propriétaire nous suit de près parce que Winny a pris deux kilos depuis qu'il habite chez nous. Ils disent qu'il est trop gros et qu'il doit maigrir. La véto dit qu'il est parfait. Winny s'en fout. Il bouffe ce qu'il trouve. Et puis mmmm...ince!
Nous assumons. Tous les jours, qu'il pleuve qu'il vente. Même quand nous avons la grippe, même quand Nicolas ne veut pas aller promener avec le chien et nous fait une crise. On promènera le chien à 21 heures quand Nicolas dort. Le chien prime, nous passons derrière. Parce que Winny fait désormais partie de la famille, et parce qu'un chien heureux travaille mieux.

2018, l'année de la décision
Après en avoir discuté longuement (le soir, après que Nicolas et le chien se sont couchés), nous avons pris la décision de déménager. Quand ça ne va pas dans ton environnement, il faut changer... l'environnement! 
Le canton de Fribourg ne permettra pas à notre fils de suivre une scolarité, nous changeons donc de canton. Notre maison est en vente, la rentrée scolaire 2019 se fera aux alentours de Lausanne. On s'approche de nos thérapeutes et du CHUV.
On s'approchera aussi du bon sens, Nicolas pourra aller à l'école suivre un cursus normal avec une aide à l'intégration.
On laissera encore de l'énergie et du fric pour la transaction et le déménagement. On en économisera en diminuant les trajets.

Ciao ciao 2018, je ne te regretterai pas.
Bienvenue à 2019! S'il te plaît, sois clémente avec nous.

samedi 22 décembre 2018

74. Joyeux Noël !

C'est presque Noël! Un point fixe pour pouvoir comparer l'évolution de Nicolas d'une année à l'autre. Et je peux vous dire qu'il a fait des grands progrès!

Si vous voulez savoir comment étaient les dernières fêtes de Noël, vous pouvez le relire ici (2016) et ici (2017).

Les vacances scolaires ont commencé. Nicolas sait qu'il a des vacances, qu'il les passera à la maison, que grand-maman passera quelques jours chez nous, que papa restera cinq jours à la maison avant de travailler deux jours, puis rebelote. Contrairement à l'année passée, Nicolas ne crise pas qu'il y ait ce changement de la routine.

Tous les soirs au coucher, Nicolas demande à ce qu'on raconte une histoire. "L'histoire du petit garçon!", ce qu'on invente spontanément selon la journée qui vient de s'écouler. Ce n'est pas difficile, nous captons son attention pendant trente secondes au maximum. 
Depuis une semaine, Nicolas veut entendre une histoire de Noël!

Puis il y a le sapin de Noël. Nicolas a voulu qu'il soit placé bien visible à l'entrée du salon! Et il faut laisser de la place pour que le Père Noël puisse déposer des cadeaux.



Voilà le mot magique: Cadeaux. Cette année, il en veut! Un camion de pompiers et un maillot de football rouge avec un 13 dessus. Non, il n'aime pas le foot, il transpose juste dans sa vie ce qu'il voit dans les dessins animés. Nous nous sommes mis d'accord avec le Père Noël pour que Nicolas ne soit pas déçu.

Nicolas sait que le Pere Noël ne passera que le 25. Mais depuis le début des vacances scolaires, il ne veut plus attendre les cadeaux. Je soupçonne la maîtresse ou une éducatrice d'avoir dit à Nicolas que le Pere Noël passera, et que Nicolas n'a pas entendu le "bientôt" ou le "dans quelques jours". Du coup c'est la crise à chaque fois qu'il passe devant le sapin qui n'a toujours pas de cadeaux à son pied.

On dirait même qu'il reste des longs moments seul dans la chambre pour laisser le temps au Père Noël de déposer les cadeaux. Puis il revient, regarde sous le sapin et se met à chialer "Les cadeaux! Je veux les cadeaux!" Puis, après notre réponse "Non, je ne veux pas attendre le 25!"

Oui, en douze mois Nicolas a fait de grands progrès. Ce n'est pas parce que Nicolas a fait des grands progrès que la vie avec lui devient facile.

Joyeux Noël!!!

jeudi 13 décembre 2018

73. Des mots sages

Lors du 1er Congrès National de l’autisme le 9 et 10 novembre 2018 a Berne, la Dr Evelyne Thommen a reçu devant plus de 600 personnes le premier Lifetime Achievement Award pour pour son implication et son engagement pour la cause de l’autisme tout au long de sa carrière.

Quelques jours plus tard, hasard du calendrier, j’ai eu la chance de suivre l’une de ses conférences devant un public bien moins nombreux. J’ai même pu discuter un peu avec elle en fin de manifestation organisée par Autisme Fribourg. Mme Thommen a parlé du rapport (disponible en allemand seulement - nous sommes bien en Suisse!) qui a incité le Conseil Fédéral à prendre des mesures pour le dépistage précoce et la pose du diagnostic, le conseil et la coordination ainsi que l'intervention précoce (rapport disponible ici).

Voici quelques récits de Mme Thommen durant la soirée qui m'ont marqués :
(dans le sens figuré, je n’ai pas enregistré la conférence, mes notes manuscrites ont été prises à la vitesse de ma main) 

« L’autisme se décrit mais ne se mesure pas. » 
Certains spécialistes disent qu’il y a autant de formes d’autisme que d’autistes.

« Le bon sens ne suffit pas »
en parlant du quotidien avec un autiste.

« En Suisse, il y à une inégalité de traitement. »
Et nous avons compris que nous ne sommes pas gâtés dans le canton de Fribourg!


« La classification 406 de l'AI - psychose primaires du jeune enfant - qui ne permet pas l'accès au mêmes prestation que le code 405 - troubles du spectre autistique - n'est donné quasimment qu'en suisse romande. Les offices AI des autres régions ne classifient plus des 406, code qui devrait ne plus exister depuis des années. »
Nous avons deux enfants avec un code 405, mais nous avons dû nous battre pour les deux!


« Il y a environ la moitié des jeunes autistes en Suisse qui peuvent suivre une thérapie précoce, faute de places disponibles. »
Heureusement que le Conseil Fédéral va mettre les moyens nécessaires...



« Les jeunes autistes genevois, bâlois, zurichois et tessinois suivent beaucoup plus souvent une thérapie précoce que ceux des autres régions. » 
C'est probablement lié au fait que les cinq centres agréés en Suisse se trouvent bien décentrés à Genève, Zurich, Bellinzone et deux à Bâle.
De plus, les Fribourgeois, et probablement certains autres, se battent encore avec l'assurance-invalidité qui ne veut pas comprendre l'importance d'une telle thérapie... 

« Pourquoi propose-t'on tant de psychothérapies à des autistes non verbaux plutôt que de la logopédie? »
Serait-ce parce qu’il y a trop de psychologues qui ont des crénaux horaires à remplir? 


Et à la fin, en discutant avec elle, les mots qui m’ont fait beaucoup plaisir : « Bravo pour votre blog! » C’est bien ce que j’ai entendu. Ai-je bien compris??? Je n'ai pas osé demander.

jeudi 15 novembre 2018

72. Good Doctor

J‘adore les séries télévisées. Nous enregistrons des saisons entières puis regardons un épisode par soir quand les enfants sont couchés. Nous n’arrivons pas à avancer plus vite avec notre état de fatigue, mais c’est le moment de détente tant attendu après un jour avec notre géniture...

Nous suivons ce qui touche de près de loin au domaine policier, que ce soit américain ou français. Nous avons suivi tous les experts (Miami, Manhattan, Las Vegas, Cyber), les NCIS et ses dérivés à New Orleans et Los Angeles, le mentaliste, Hawai 5-0 et j'en passe. Comme je suis marié à une infirmière, nous regardons aussi à ce qui touche au médical style Greys anatomy ou urgences 911. Et comme ma femme est aussi une princesse, même les comptes de fées ont été visionnés dans Once upon a time.

Là, nous arrivons au bout de nos enregistrements. "Nos" séries s'arrêtent au bout de quelques saisons, les scénaristes sont à court d'idées. Nous avons de la peine à renouveler notre répertoire. Il n'y a plus grand chose qui nous intéresse, et nous ne sommes pas abonnés à Netflix.

- "Good Doctor! C’est génial, et il y a un docteur autiste!" 
- Non, on ne regarde pas. 
- "Mais il faut absolument essayer, il y a un toubib autiste! Grave, le mec!" 
- Merci, j’ai compris. Nous avons essayé, à chaque fois nous avons éteint au bout de dix minutes. 
Non mais... Un autiste atteint comme Shaun qui travaille dans le service d'urgences d’un hôpital? Avec tout ce stress que cela implique, la foule qui court, le bruit des machines? A mon avis, cela reste de la fiction!

- "Il faut regarder Scorpion! Un groupe de surdoués qui sauve le monde. D'ailleurs, je pense bien que le rôle principal, Walter, est autiste." 
- J'ai regardé, je ne pense pas qu'il est autiste. C'est "juste" un mec hyper-intelligent qui, à cause de son haut potentiel intellectuel, n'arrive pas à communiquer avec ses alentours.

Tous les surdoués ne sont pas autistes, tous les autistes ne sont pas surdoués...

„Alors regarde Big Bang Theorie! Là, je suis sûr qu'il y en a un qui est autiste!“ 
J’ai essayé, j’essaie encore quand je voyage en train. Il y a des sketches qui me font sourire, mais Sheldon l’autiste ne me fait pas rire. 
Je ne dis pas qu’il joue mal, je pense plutôt que son rôle est mal écrit. Un intélo qui n’arrive pas à vivre une vie normale avec ses potes, cela arrive. Mais pourquoi doit-il être autiste?

Je n'arrive pas à crocher. Et pourtant, l'autisme intéresse! Est-ce que je n'aime pas parce que je compare nos enfants TSA avec les acteurs? Suis-je trop vieux? Trop ringard? 

Je pense juste que j'ai assez d'autisme dans ma vie sans en avoir encore à la télé. Est-ce que le boulanger continue à faire du pain à la maison quand il rentre du travail? Quand mes enfants sont couchés, je dois me changer les idées!

Nous avons donc réduit notre consommation TV pour plus parler ensemble ou lire des livres. Bien souvent des livres sur l'autisme ou écrits par des autistes... 

Là, ça passe. Parce que c'est la réalité et pas de la fiction!

lundi 5 novembre 2018

71. Un jour presque comme les autres

Le 5 novembre est un jour spécial pour nous. C'est l'anniversaire à Nicolas. Il a six ans aujourd’hui! 

Pour Nicolas, c'est un jour presque comme les autres. Pas de fête, pas de gâteau, pas de "joyeux anniversaire"! Pas parce que nous lui cachons sa fête, pas parce qu’il est modeste... c’est juste qu’il ne supporte pas tout changement de la routine. Il monte direct les tours et crie "Non! pas chanter!" ou "j'veux pas le gâteau!"

Et pourtant, il n'a pas peur des bougies, il aime quand on lui chante des chansons, il adore le gâteau... A croire que la combinaison entre les trois éléments le dérange.

Il y a un an, le jour des ses cinq ans, Nicolas a commencé à parler. Nous avons reçu Winny, notre chien guide, le 4 novembre 2017. Même pas 24 heures plus tard, Nicolas a adressé ses premières phrases au chien. Nous avons eu le même privilège environ deux semaines plus tard que Winny.

Aujourd'hui, nous savons que Nicolas ne supporte pas qu'on apporte, en chantant, un gâteau avec des bougies à table. Il a pu nous le dire, et nous pouvons respecter son désir. Les années précédentes, nous voulions surtout ne pas le priver de sa fête. Chaque année, ce fut la crise! Chaque année, nous avons essayé de deviner pourquoi il pourrait bien hurler "sans raison". 

Cette année, nous avons donc préparé le terrain:
- Alors Nicolas, cette année, pas de gâteau d'anniversaire? 
- Non, j'veux pas!
- Pas de chanson non plus?
- Non, pas chanter "Joyeux anniversaire"!
- Pas de bougie avec le six?
- Non, pas de bougies.
- Alors pas de cadeaux non plus?
- Ah si, les cadeaux, je veux quand même!

Heureusement qu'il a su nous l'expliquer... :-)

Bon anniversaire, mon grand garçon! Et plein de santé pour cette nouvelle année de vie!!!

mercredi 31 octobre 2018

70. Fichues statistiques

Ne croyez aucune statistique que vous n’avez pas manipulé vous-mêmes. Roger, mon premier professeurs de stats, prononçait souvent ces mots. Quelques années plus tard, quand j’ai enseigné occasionnellement les maths financières et donc aussi les statistiques aux banquiers, j’ai régulièrement répété ces sages paroles.

J’ai aimé ajouter des calculs de probabilités qui font partie intégrante des statistiques. Par exemple, si en termes de probabilités, vous avez une chance sur 165 millions de gagner le jackpot aux Euromillions, tout le monde y croit. Certains misent une fortune pour avoir 10 ou 100 chances sur 165’263’280... Si vous gagnez, vous vous en foutez qu’en fait, vous n’aviez aucune chance!

Le risque de mourir touché(e) par une météorite ou comète est cent fois plus grand que de gagner le pactole. Et pourtant, nous sommes tous sûrs que cela ne nous arrivera jamais. Mais si cela arrivait à l’un de vos proches, vous trouverez ceci injuste. Les statistiques vous auront menti.

De nos jours, dans les pays développés, il y a une probabilité de 1 sur 65 de naître avec un trouble du spectre autistique (TSA). Avec une moyenne de 1,5 enfants par famille, 1 famille sur 43 serait directement touchée par l'autisme. Sauf que souvent, là je parle de mes connaissances et pas de statistiques, une famille avec autiste aura plus de risques d’en avoir un deuxième. Cette corrélation supérieure à la moyenne fait descendre la probabilité chez les autres. Certes, tous les autistes ne sont pas autant dans le spectre que Nicolas. Certains ne seront diagnostiqués que très tardivement, voire jamais. Mais un TSA reste un TSA.

1 à 2 enfants sur 1000 seront atteints d’une arthrite juvénile idiopathique (AJI) avant leurs seize ans. Il s’agit là d’une maladie auto-immune qui inflamme puis détruit les articulations. La grande majorité des cas commence depuis les membres externes (genouds, coudes) et peut être ralenti ou même freiné par des médicaments. Rarement, cela se déclenche par l’intérieur comme la colonne vertébrale, et se répand depuis là sur les autres membres. Je n’ai pas trouvé de probabilité fiable, je l’estime donc à 1 sur 5000 voire 1 sur 10’000.

En plus d’être autiste, Nicolas vient d’être diagnostiqué d’une arthrite juvénile idiopathique venant de la colonne vertébrale. Comme il ne semble pas avoir de corrélation entre le TSA et l'AJI, la probabilité d'avoir un enfant AJI-TSA est entre 1 sur 325'000 et 1 sur 650'000. Je savais que mon Nicolas tellement aimé était très spécial, mais à tel point...!!!


La spécialiste propose de commencer rapidement à lui injecter des médicaments biologiques, complété par des médicaments de chimiothérapie toutes les semaines. Il faudrait lui ajouter d'autres médicaments pour atténuer les effets secondaires de ces traitements lourds.

Nous avons demandé un deuxième avis à un autre médecin. Nous n'avons pas de doutes sur les symptomes mais espérons pouvoir lui donner une autre forme de traitement. Quand je pense que pour un autiste, couper les ongles ou les cheveux est déjà extrêmement lourd à supporter... mais comment allons-nous faire des injections toutes les semaines???

Vu la rareté du cas, il est difficile de trouver des groupes de discussion à ce sujet. Heureusement que j'ai épousé une femme merveilleuse qui s'informe sur et se forme en autisme afin de lier ses connaissances avec les traitements à venir.


Selon les statistiques, 40% des enfants seront en rémission au bout de 8 à 10 ans de traitement. Oui, vous avez bien lu 8 à 10 ans, pas 8 à 10 semaines ou mois...

Mais notre cher Nicolas sera le cas sur un million qui sera guéri au bout d'une année de traitement déjà! Nous ferons tout ce qu'il faudra pour qu'il brise toutes les statistiques!!!

samedi 20 octobre 2018

69. Notre système de santé

C’est la saison où ils annoncent les hausses de primes des caisses-maladies. Comme chaque année, toute la population suisse est scandalisée de la politique incapable de freiner les coûts de la santé, des médecins qui gagnent trop et du citoyen moyen qui n’arrive bientôt plus à payer ses cotisations. La honte, quoi!

Chez nous, cette année, ce ne sera « que » deux pour cent d’augmentation. Depuis notre retour en Suisse en 2006, nos coûts de santé ont plus que doublé. Mais nous les payons volontiers parce que nous recevons quelque chose en retour. 

Lorsque nous habitions en Angleterre, le système a prélevé plus du tiers de notre salaire pour financer un système de santé où il fallait attendre douze heure aux urgences pour obtenir un Dafalgan, cinq semaines pour aller chez le dentiste lorsqu'une dent s'est fracturée, ou dix mois pour obtenir de la physiothérapie contre des maux de dos dûs a la grossesse... sans blague!

Depuis trois semaines, nous avons de gros soucis de santé avec Nicolas. Il a commencé par se plaindre de douleurs aux jambes avant de ne plus tenir debout par moments. Visite médicale, prise de sang, ultrasons en moins d'une semaine! Depuis notre passage aux urgences samedi passé, ils nous ont envoyé chez une spécialiste lundi déjà, nous avons eu droit à des radiographies et une IRM. Sous anesthésie générale parce qu’un autiste n’arriverait pas à tenir tranquille dans le tube. Winny, le chien guide, à même pu venir avec en salle! 

Nicolas a reçu une chaise roulante le lendemain où les jambes l’ont lâché. Et des médicaments contre les douleurs, et d’autres anti-inflammatoires. 

Ce matin, sept jours après l'entrée aux urgences, nous avons eu droit aux résultats. Ils ont exclu une tumeur et une leucémie, ils disent que c'est une arthrite juvénile.

Oui, nous avons eu peur! En sept jours, j’ai pris cinq ans et perdu trois kilos. Une arthrite juvénile n’a rien d’anodin, mais ce n’est pas mortel.

Résultat des courses: Nous payons une fortune tous les mois pour pouvoir compter sur des médecins compétents en Suisse. Et entre nous: je payerai même plus s’ils obligeraient les toubibs à suivre des cours de psychologie, histoire de ne pas vous confronter avec des diagnostics fatals possibles avant d’avoir des résultats...

Et je payerai volontiers encore plus s’ils n’attendaient pas le lendemain des analyses pour vous annoncer les bonnes nouvelles...

lundi 1 octobre 2018

68. La Marie

C’est l’automne, et j’adore! Il y a plein de feuilles sèches par terre qui font du bruit quand je marche. Scroutch scroutch scroutch! Lors des sorties avec maman et/ou papa et Winny, on va souvent à la Marie. Winny peut courir parce qu’il n’y a pas de voitures, et moi je peux faire des bricolages.

Maman m’a expliqué qui était Marie. C’etait une gentille dame, mais je n’ai pas compris pourquoi ils l’ont mise derrière les barreaux...



En plus des feuilles, il y a des bouts de bois par terre, des cailloux, des écorces d’arbres. J’ai découvert mon talent artistique ici. Vous avez bien lu: artiste, pas autiste!

Après avoir construit des petits bateaux, je me suis mis au Land-art. Je bricole des personnages et des animaux. Je mets plus d’énergie à mettre en place les détails plutôt que la figure elle-même. D'abord le visage, puis les boutons pour fermer la veste... quatre boutons, sinon le froid va entrer. Puis la ceinture, les chaussettes... et le nez!

Chaque caillou et chaque bout de bois est soigneusement sélectionné. Voici le cochon et le loup. C’est un gentil loup, le petit cochon n’a pas peur.






Après avoir terminé ces heuvres d'art, je lance deux-trois fois un gros bâton vers Winny avant de reprendre le travail sur mes sculptures.

Papa, lui, est super content. Il dit que j’arrive à m’éloigner du concret et à faire fonctionner mon imagination. De plus, je m’occupe tout seul. Il a le temps d'écrire un blog sur son portable pendant que Winny ronge un bâton. Cela me donnera du matériel pour les prochaines figurines!

vendredi 28 septembre 2018

67. Pris au mot

La vie nous apprend qu’on peut faire entièrement confiance à certaines personnes, mais qu’il faut se méfier des autres. 

On dit que les autistes vous prennent toujours au mot. Le mot prononcé, pas celui du sens figuré. Leur compréhension est basée sur ce qui est dit. Un chat est un chat, point final. Le mensonge, ils ne connaissent pas.

Si quelqu’un tombe dans les pommes, l’autiste comprendra que cette personne a dû glisser dans le rayon « fruits et légumes » du supermarché. Une langue de bois doit faire mal dans la bouche. Une équipe de foot n’aura aucune chance de gagner la coupe s’ils ont un pied en finale... l’autre équipe aura deux pieds pour jouer et gagner.

Ne placez pas du sarcasme quand vous communiquez avec un autiste. Ne faites pas d’allusions cachées, évitez l’humour. Certes, l’intelligence de l’autiste lui permettra peut-être de comprendre qu’il pourrait y avoir un autre sens, mais il ne le comprendra pas forcément. 

Depuis que Nicolas parle, je confirme que ce qu’il comprend est autre chose que ce qu’un enfant neurotypique interprèterai. Voici deux exemples de ces derniers jours:

Vendredi, après avoir subi une gastro toute la nuit, nous n’avons pas envoyé Nicolas à l'école. Comme il était affaibli, il est resté sur notre lit à regarder des dessins animés une partie de la journée. Il a dû avoir mal aux bras à force de s’appuyer dessus; en tout cas il a changé de position chaque trente secondes.
Comme j’étais couché à côté de lui, je lui ai suggéré de s’appuyer sur moi - il serait mieux. Tout à coup, il a commencé à presser sur mon ventre avec son doigt. L’air déçu que rien ne se passe, il touche mon genou puis mon nez... Mais que fais-tu là? « J’appuie sur papa pour guérir! »

Dimanche, dans la voiture, nous avons passé devant l'école à Nicolas. Oh! Regarde dehors! Tu sais où nous sommes ici? Nicolas regarde dehors la vitre puis répond très court: « oui, nous sommes dans la voiture. »

Résultat : Ce n’est pas parce que l’enfant a commencé à parler que la communication devient plus facile! Le reste non plus, d’ailleurs...



jeudi 13 septembre 2018

66. Rencontre des chiens d‘accompagnement pour autiste

Samedi passé a eu lieu la rencontre annuelle des familles qui vivent avec un chien d’accompagnement pour autiste. Il y en a une trentaine en activité en Suisse, dont notre Winny.

Winny a eu la possibilité de renifler d’autres chiens dans un lieu très familier. Pour nous, c’était l’occasion de retourner à l’école des chiens à Allschwil près de Bâle, pour voir les formateurs et les bébés labradors. Pour moi en plus - je n’arrive pas à m’en abstenir - c'était l'occasion d'observer les autres enfants atteints d’autisme.

Quand on a un enfant neurotypique*, on peut comparer tous les jours avec les autres enfants du quartier, les grands cousins, les enfants de collègues etc.
Quand on a un enfant autiste, on a beaucoup de doutes, et l'occasion de comparer à des paires est plus rare.

Je sais bien qu’il ne faut pas comparer parce que chaque enfant et chaque autiste est différent. Je le fais quand même lors de ce genre de sorties avec l'assocation Autisme Suisse, au cabinet de pédopsychiatrie ou tout simplement là où nous rencontrons des autistes. J’imagine Nicolas à dix ans comme tel enfant, à douze ans comme celui-ci, à quinze ans... C’est plus fort que moi.


Nous sommes arrivés à l'école des chiens avant l'heure fixée afin d'éviter à Nicolas de devoir entrer dans un grand groupe de personnes avec beaucoup de bruit. Nous avons vu arriver  les familles avec leur enfants et leur chien d’accompagnement. Première surprise: Personne n’a mis le harnais de travail au chien. Certes, on était entre nous dans un lieu qu'on connaissait. 
Les chiens ont tous passé les trois premiers mois de leur vie ici, et ils y ont effectué leur formation de huit mois. 
Les parents et enfants ont également tous passé par ce bâtiment à de nombreuses reprises pour les tests, les formalités puis la prise en charge du labrador.

Prochaine surprise: la quasi-totalité des enfants avec autisme se tenaient à la laisse du chien lequel était dirigé par un parent. Nicolas ne fait jamais ceci! Soit il suit Winny quand celui-ci porte son bleu de travail, soit Nicolas marche à quelques mètres de Winny, chacun son chemin. Ils font les deux la distinction entre travail et loisirs.

Comme partout, nous avons rencontré des parents très attentionnés, et d'autres qui ont profité pour poser leur chien et leur gamin dès qu'ils le pouvaient. C'est pratique quand il y a une personne pour garder les chiens et un clown pour distraire les enfants... mais je les comprends, un enfant différent demande énormément de travail.

Nous avons aussi rencontré des enfants de six à quinze ans. Quelques uns m'ont tendu la main en arrivant, tout en tournant la tête quand ils m'ont dit bonjour. On leur a appris qu'on dit bonjour en arrivant même quand on ne connait pas la personne. Trop chou!

J'ai rapidement pu identifier certains autistes à leur état d'être général, leur regard, leur comportement. D'autres, je ne me suis aperçu qu'au troisième ou quatrième contact que c'était eux l'autiste de la famille! Des sacrés gamins qui donnent de l'espoir!

Je ne veux ni juger ou comparer. J'ai juste besoin de me rassurer quant à l'avenir de Nicolas et son développement. Mon impression était qu'il y avait une corrélation entre les parents et leur enfant autiste: Plus les parents donnaient de l'attention à leur enfant pendant cette sortie, moins on remarquait la différence de l'enfant par rapport aux neurotypiques*. En d'autres termes: les autistes perceptibles au premier regard étaient souvent ceux dont les parents se sont assis pour boire des verres sans trop s'occuper du gamin.

J'ai donc beaucoup d'espoir pour l'avenir de Nicolas!

La suite de notre après-midi: Nicolas a tenu une bonne heure avant de vouloir partir à la maison. Il a dit au revoir aux autres ("Au revoir aux autres") en faisant un signe de la main puis nous a attendu patiemment dans la voiture du temps que nous disions au revoir aux autres.

Bilan de la journée: On pourrait voir les côtés négatifs. Nous avons fait plus de quatre heures de route pour rester une heure sur place. Nous n'avons que très peu pu discuter avec d'autres parents parce que nous sommes partis quand d'autres sont arrivés (ce n'est pas facile de se déplacer pour une heure fixe quand on a un enfant différent).

Je vois le côté positif, outre les quelques rencontres faites: Une année en arrière, Nicolas n'aurait pas tenu plus d'un quart d'heure lors d'une sortie pareille! L'année prochaine, on restera deux heures, et dans trois ans ils devront nous chasser quand il fait nuit...





*neurotypique: les personnes qui ne sont pas atteintes d'autisme

mardi 4 septembre 2018

65. Bruno

Contre toute attente, notre famille vient encore de s'agrandir. Bruno nous a rejoint samedi passé et participe à toutes les activités familiales depuis.
Heureusement que notre table propose une sixième place pour Bruno.
Une chance qu'il y a un grand matelas dans la chambre à Nicolas pour lui et Bruno.
Nous avons bien fait d’acheter un mini-bus lors de l’arrivée de Winny, notre chien-guide. Bruno arrive à s'assoir à côté de Nicolas.

Nous ne savons pas quel âge a Bruno, il a à peu près la même taille que Nicolas. Il doit être asiatique, probablement chinois. Nicolas lui prête donc ses t-shirts et son pyjama. Non, pas les culottes... quand même! Mais Nicolas se charge d’habiller Bruno.

Il est non verbal comme l’était Nicolas un an en arrière. Du coup, Nicolas se charge de tout. Il parle pour Bruno. Il sait ce que Bruno veut, et il le sert comme si c'était son petit frère. Il doit y avoir un lien, mais je ne sais pas lequel.

Bruno, c'est le grand ours brun (d'où son nom) en peluche que nous avons acheté chez IKEA la semaine passée. Pour faire connaissance, nous l'avons assis sur la chaise à Nicolas samedi matin au lever. Nicolas s'est joint à lui dès son réveil, comme si c'étaient les meilleurs copains depuis toujours!

Nous nous en doutions, nous avons maintenant la certitude grâce à Bruno: Nicolas est entré dans la phase du jeu symbolique. En moyenne, un enfant joue à faire semblant à partir de l'âge de trois ans. Notre grand garçon vient de commencer à imiter des situations de vie, vers cinq ans et demi.

C'est super! Nous avons un petit autiste qui arrive à s'ouvrir, à faire fonctionner son imagination, à créer des situations de vie, à renforcer ses habilités sociales. Nicolas s'occupe de son compagnon comme si c'était son petit frère. Il lui donne à manger, il lui attache la ceinture de sécurité, il l'habille. En d'autres termes, Nicolas se développe, il découvre des nouveaux aspects de la vie, il se rend compte qu'il n'est pas seul.

Je m'en fiche que Bruno n’est qu’une peluche. Je m’en balance des classements, des statistiques et des moyennes. Ce qui compte, c'est que Nicolas a fait un pas en avant - un grand pas même!

A quand Brunette? Ce sera probablement la prochaine étape. Nous ne sommes pas pressés, nous apprécions trop observer les deux potes!


jeudi 23 août 2018

64. Monsieur 100’000 volts

Vous connaissez Monsieur 100'000 volts? Non, pas Gilbert Bécaud... l'autre!

Il tourne, il court, il saute... il arrive probablement à 30'000 pas sur la journée. Et ce n'est pas exagéré!

Il va chercher une chaise pour chercher le paquet de biscuits "caché" au sommet de l'armoire puis il me l'amène au salon en courant pour l'ouvrir. Pendant que je lui ouvre ce sésame, j'entends la chaise se déplacer vers les armoires hautes de la cuisine. Il veut un autre verre, et les verres sont fragiles donc rangés en hauteur...


Après le premier biscuit, il va sur le trampoline et saute trente secondes. Il revient en courant boire un peu d'eau puis repart sauter sur le trampoline. Une minute plus tard - taptaptaptaptap - j'entends ses pas qui l'amènent vers le prochain biscuit.


"Il", c'est Nicolas. Il ne s'arrête jamais. Même trois (petites) doses quotidiennes de neuroleptiques n’arrivent pas à le freiner.


Si la Suisse a de la peine à réaliser la sortie nucléaire pour 2050, je suggère aux ingénieurs de gagner de l'énergie en se branchant sur les semelles de Nicolas. Nous pourrions éteindre toutes les centrales nucléaires rapidement!

Mais voilà... 


Depuis une semaine, l’impensable est arrivé : Monsieur 100’000 volts s’est calmé! D’un coup! Pour la deuxième fois de sa vie, Nicolas est tombé malade. Une mononucléose qui l’a assommé!

D’un jour à l’autre, Nicolas ne s'est plus levé de la journée, ou juste pour aller se coucher sur un autre lit, le notre. Puis retour sur le sien dès qu’il fait nuit. Il faut bien distinguer le jour de la nuit...


Dix-huit, non vingt heures de sommeil par jour! Et beaucoup de fièvre. Il n’a rien mangé pendant cinq jours. Nous lui avons juste donné de l’eau à la cuillère pour qu’il ne se déshydrate pas trop. Le toubib, c'était par téléphone. La prise de sang pour le diagnostic était programmée le soir, après la fermeture du cabinet médical. Il ne faut pas contaminer les autres enfants quand on a un mononucléose, et notre pédiatre est très flexible. Merci à elle!


Imaginez-vous Nicolas qui dort, Nicolas qui est calme: c'est un nouveau gamin! Après plus de cinq ans, nous nous sommes retrouvés avec un enfant... différent! Oui il est différent tout le temps - mais la c'était différent. Un sentiment de jamais-vu!


J'ai pris gout au calme, à l'enfant silencieux qui me laisse lire un livre à côté de lui sans me l'arracher.

Cette situation a duré cinq jours. Et Nicolas est redevenu l’ancien après même pas une semaine. Même Roger Federer a mis deux mois en 2008 pour se remettre de sa mononucléose!


Nicolas est de nouveau celui que nous connaissons. L’avenir énergétique de la Suisse est sauvé...


lundi 13 août 2018

63. Les vrais héros

Très régulièrement, des gens me disent que ce que nous (les parents) faisons au quotidien pour Nicolas était super. Je leur réponds que nous n’avons pas le choix, et que nous assumons juste notre rôle de maman et de papa.

Nicolas fait beaucoup plus que nous. Il s’investit dans l’apprentissage de nouvelles choses, il s’adapte au quotidien dans un monde qui n’est pas le sien, il progresse dans un contexte difficile. Bravo à toi !

Mais les vrais héros, ce sont les frères à Nicolas ! Ils subissent beaucoup de choses depuis que Nicolas est né, et ce à leur insu ! Personne ne leur a demandé s’ils veulent un frère autiste. Ils doivent vivre avec cet handicap qui n'est pas le leur, vivre avec ses cris au quotidien, son influence sur et sa non-participation à la vie familiale. 

Certes, ses frères ont chacun leur chambre pour s’isoler, mais chez nous certaines choses se font en famille, par exemple les repas. Croyez-moi, ses frères ont eu besoin de l’isolement bien plus vite que les autres enfants de leur âge.

L'un d'eux vit aussi avec une forme d'autisme, le syndrome d'Asperger. Cela rend la vie plus compliquée, mais n'a (à mon avis) rien à avoir avec l'autisme infantile de Nicolas. 

Les deux doivent faire beaucoup de sacrifices! Comme maman et papa doivent concentrer leur énergie pour cadrer Nicolas, c’est du temps qu'ils ne passent pas avec ses frères. Des devoirs à vérifier ou un examen à répéter pour demain? Ca attendra neuf heures quand Nicolas sera couché. 

Sans parler qu’il n’y a presque plus de sorties au restaurant ou au cinéma, plus de vacances à l’hôtel ou en avion. Depuis quatre ans, nous partons en vacances là où la voiture nous amène en trois heures max, et nous y louons un appartement insonorisé ou une maison dans un endroit perdu. 

Un ado préfèrerait visiter une belle ville, des vacances au bord de la mer ou un hôtel avec de l’animation. Et non, Nicolas ne supporterait pas tout ce monde et ce bruit qui va avec. Quand nous visitons une ville, nous nous séparons : un parent part avec les grands, l'autre se rend avec Nicolas à une place de jeux. Lors des dernières vacances, nous avons même déposé ses frères devant un musée intéressant à Milan ou à Turin pour les chercher quelques heures plus tard.

Pour un frère, ça doit être ultra-difficile d’avoir un frère autiste comme Nicolas. Tu as un chien, tout le monde t’adore. Si tu as une jolie soeur, tu as plein de copains. Mais si tu as un frère autiste... les gens te contournent. Ça pourrait être contagieux...

Chaque copain qui pourrait potentiellement nous rendre visite a d’abord droit à une théorie sur le comportement de Nicolas, sur l’autisme et sur ce qu’il ne faut surtout pas faire. On doit passer pour des parents débiles! Qui en fait les frais? Exact, les frères à Nicolas parce qu’ils ne peuvent (presque) pas inviter d’amis.

Pour faire face à une vie pareille, il existe des groupes de parole pour frères d’autistes, menés par un psychiatre ou une psychologue. A Zürich (en allemand), à Genève et même à Lausanne. Mais pas dans le canton où nous habitons. Au rythme où Fribourg s’adapte à l’autisme, ils auront quelque chose à l’âge de la retraite. Notre deuxième va donc régulièrement à Lausanne pour aller parler de sa vie avec ses frères. Donc, des samedis "perdus" à cause du frangin. 

Malgré tout cela, ils adorent leur frère. Ils jouent avec lorsqu'il est "ouvert", ils le surveillent quand maman cuisine. Et le grand autiste arrive des fois même à calmer le petit ! A croire qu'ils naviguent sur le mêmes ondes...

Bravo donc à nos deux premiers enfants ! Vous avez du mérite ! Vous êtes des héros !!!

jeudi 2 août 2018

62. Fare la spesa (faire les courses)

Nous voilà, enfin, en vacances. Toute la famille, nous avons même pris Winny avec nous. Il y a juste les chats qui sont restés à la maison où ils sont entre de très bonnes mains de nos amis house-sitters. Merci à eux!

J'aime les vacances, mais je ne me rappelle pas les avoir attendues autant que cette année-ci. Les combats pour la prochaine rentrée scolaire (pour laquelle nous n'avons toujours pas de réponse définitive) m'ont vidé émotionnellement.

Après avoir traversé le tunnel du Grand Saint-Bernard en voiture, j'ai annoncé aux enfants que nous sommes maintenant en Italie. Nicolas a fait sa première crise: "Non, je ne veux pas aller en Italie! JE - NE - VEUX - PAS - ALLER - EN - ITALIE !!!" Au moins, cette fois-ci, nous savons pourquoi il crise parce qu'il sait parler.

Nous avons donc changé d'itinéraire parce que seul le fait d'aller en France a calmé Nicolas. Au lieu de passer par Aosta et Torino pour aller près de Casale Monferrato, nous avons passé par Aoste et Turin pour aller quelque part au Piémont. Par chance, Viviana qui nous loue la maison parle très bien le français ce qui a facilité un peu l'arrivée au nouveau lieu.

Non, il ne faut pas mentir à ses enfants. Mais comme Nicolas est intelligent, il s'est très vite rendu compte que nous sommes en Italie, et il l'a accepté. J'imagine que le fait de ne pas être au même endroit que l'année passée (en Italie donc) l'a rassuré même s'il dit avoir bien aimé les vacances en 2017.

Pour l'instant, ce qui est le plus difficile, c'est la chaleur. Trente-sept degrés et beaucoup d'humidité, avec les moustiques qui vont avec. Winny, ce pauvre chien-guide, souffre deux fois plus des températures élevées même si nous le faisons pas travailler. 

Comme nous ne tentons plus l'expérience avec Nicolas d'aller dormir dans un hôtel et manger dans un restaurant, nous louons une maison et cuisinons nous-même ou allons chercher des pizzas. Le lendemain de notre arrivée, nous avons donc fait les stocks de nourriture: fruits et légumes, pain et viande, et beaucoup à boire. La vieille dame devant moi  à la caisse m'a dit (je crois) qu'elle n'avait encore jamais fait une si grande "spesa" de toute sa vie. Il faut s'organiser... j'essaie de grouper mes courses parce que je ne veux pas passer mes vacances dans le centre commercial!

Je ne pensais pas dire si vrai... Tous les centres commerciaux ici sont climatisés, ils ont tous un grand coin jeux pour les enfants, voire même une garderie. Et ils acceptent les chiens. 

Le résultat des courses (façon de parler) est que nous allons quasiment tous les jours faire des courses. Oh que non, nous ne sommes pas des adeptes du shopping! J'en connais d'autres qui passent leur vacances à choisir un t-shirt qu'ils ne mettront plus jamais ou des boucles d'oreilles en toque qui infectera l'organe dans une semaine. Ce n'est pas notre style. Nous mangeons une glace à la sortie des caisses du supermarché, bien au frais, Winny allongé à nos pieds, pendant que Nicolas grimpe sur un avion ou monte un cheval. Et nous attendons patiemment l'ouverture de la garderie pour y déposer notre garçon.

Oui, c'est bête de faire six cent kilomètres pour boire des verres dans un hypermarché. On avait l'espoir que cela se passera autrement. L'espoir fait vivre...

Quoique... les glaces italiennes sont bien meilleures que chez nous!!!




lundi 23 juillet 2018

61. Un conte de fées?

Il était un fois, dans un pays pas si loin d’ici - à Fribourg - un peuple. Ils s’appelaient les « P » parce qu’ils vivaient en paix. C’etait un peuple de professionnels, persévérants et même performants. Ils partageaient leur pain pour qu’il y en a assez pour tout le monde. Les P étaient pédagogues, professeurs, pédiatres, psychiatres ou juste parents. Ils avaient beaucoup de patience et de persévérance. Tout allait bien dans leur monde... s’il n’y avait pas les « T ».

Les « T », on les appelait aussi les « Ta », étaient souvent des théoriciens, parfois des terribles, tardant à avancer. Les Ta avaient un super pouvoir, celui d’arreter le temps et celui d’arreter tout sauf le temps. 

Les P donnaient une partie de leur pécune aux Ta, en échange ces derniers leur mettaient à disposition les infrastructures, comme les hôpitaux ou les écoles. Les Ta décidaient de tout comme dans le bon vieux temps, sans néanmoins essayer de comprendre ce qui aurait pu changer dans le pays des P. Par exemple, les Ta essayaient de remplir un home pour enfants handicapés à long terme, même s’il n’y en avait pas assez. Un, deux, trois, t’es dedans, tu ne ressortiras pas. Pourquoi laisser ces murs à moitié vides? 

Les P, très psychologues, parlaient pour essayer trouver des solutions, pour dire que la vie a changé. Les Ta se taisaient. Ils ne répondaient même plus au courriers ou courriels parce qu’ils ne voulaient pas qu’il y ait du changement. 

Les P pressaient pour avancer, les Ta tiraient au... distributeur un café. Puis ils se tiraient... en vacances. Sans les Ta, les P n’avaient même pas le droit de respirer... sauf s’ils avaient demandé une autorisation écrite auparavant.

Oui, les Ta avaient le pouvoir de décision. En contrepartie, les P pouvaient choisir l’un des leurs, en général un beau parleur polyvalent, pour conseiller et même devenir chef des Ta. Hélas, bien trop souvent, le P élu devenait un Ta par la suite, un poly-Type.

Les P avaient le choix : se taire ou changer de royaume.

- Alors, il vient ce conte de fées?
- Relisez le titre... il y a un point d’interrogation dans « Un conte de fées? » parce que ce n’en est pas un. Un conte de fées, ça se termine bien!

La suite de l’histoire ? Probablement après les vacances des Ta.

lundi 16 juillet 2018

60. Vive les vacances...

Si vous avez lu mon dernier blogpost, vous savez que je n’aime pas les vacances scolaires.

Vous savez quoi? Je ne suis pas le seul! Nicolas ne les aime pas non plus.

Dimanche soir, en se couchant, Nicolas pose la question:
"Aujourd’hui, c’est dimanche?"
"Oui, Nicolas."
Il sourit. "Demain c'est lundi. Demain, je vais à l'école!"
"Euh... non. Demain, c'est congé. Tu as des vacances."
Le niveau de décibels se multiplie par dix : "Nooooooooon! Je ne veux pas des vacances! Je veux aller à l'école!"

Franchement: quel enfant insiste pour ne pas avoir des vacances?

Son pouls monte, il devient rouge... et après des cris et des pleurs, il s'endort tout excité parce que la fatigue a enfin pris le dessus. Il se réveillera à minuit, la nuit sera mouvementée... une de plus!

Et pourtant, nous lui avons fait un planning mensuel pour juillet, un autre pour août. Une case par jour, avec une ou deux images de ce qu’il fera chaque jour. C’est du boulot, mais cela l’aide à comprendre, à se préparer, à anticiper. C'est important pour un autiste.


Nous travaillons ainsi depuis plus de deux ans, à lui montrer un planning sommaire des périodes spéciales comme les vacances. Tous les soirs, nous traçons le jour qui vient de s'écouler, et il sait plus ou moins quelle activité principale, quelle visite ou quel lieu l'attend le lendemain. Oui, ceci demande de la planification et de l'organisation. Mon épouse a préparé tout ça bien en avance.

De plus, nous préparons le planning quotidien tous les soirs pour le lendemain en scratchant des pictos et des photos sur un tableau qui représente le jour, même avec les prévisions météo du jour au sommet! Pourquoi? Pour que le cerveau à Nicolas puisse se préparer de ce qui l'attend dès qu'il se lève le matin.

Une activité terminée? Nicolas demande à enlever le pictogramme. La visite est partie? Nicolas court vers son plan et dé-scratche la photo. Et hop! dans la boîte des pictos.

Cela peut amener de la frustration quand il y a des imprévus. Une visite surprise ou un rendez-vous médical annulé de dernière minute risque de déclencher des crises chez Nicolas parce que son planning journalier indique autre chose.

Nous le faisons pour que Nicolas puisse se situer dans l'échelle du temps. Beaucoup d'autistes fonctionnent comme ça. Les uns réagissent mieux aux dessins, certains aux pictogrammes, d'autres aux photos. Ce qui reste identique, c'est qu'ils se basent sur des visuels.

L'anticipation aide donc un autiste. Hélas, il y a aussi les routines. Et les vacances, ce n'est pas une routine. C'est du changement, même s'il peut l'anticiper.

La première semaine de vacances a donc passé. Il n'en reste "plus que" six. J'espère très sincèrement qu'au bout de la septième semaine, les vacances ne sont pas devenus une routine pour Nicolas. Qu'il ne crie pas "non, je ne veux pas aller à l'école! Je veux des vacances!"

Quoique... il serait devenu un enfant "normal"!