jeudi 27 juillet 2017

23. Un sentiment d'injustice

Je ne suis pas jaloux du bonheur des autres, bien au contraire. Je ne suis pas raciste non plus. Mais là, je ressens un grand vide, une incompréhension, un sentiment d'injustice!!! 

La semaine, je me lève à 5h15 pour prendre le train à 6h04 et arriver au travail vers 6h40. En tenant compte d'une pause midi de trente minutes, mon dû journalier (en heures) est atteint vers 16h00. Mon employeur m'autorise à appliquer un horaire très flexible ce qui me rend service pour les nombreux rendez-vous médicaux et thérapeutiques avec mes fils (je veux m'impliquer dans leur suivi), mais aussi pour prendre le relais et garder Nicolas quand Francine a d'autres tâches à remplir.

Hier, j'ai même avancé mon réveil de trente minutes parce que j'ai dû quitter le boulot à 15h15 afin de chercher Nicolas au Jardin éducatif spécialisé une heure plus tard. Francine est partie avec notre voiture à Lausanne pour un rendez-vous chez la pédopsychiatre avec notre fils aîné, diagnostiqué Asperger (une forme d'autisme) en début d'année. À croire que l'autisme est de famille chez nous.

J'ai donc été chercher Nicolas à la crèche et on a été à pied à l'une de ses places de jeu préférées. Quand il se défoule au parc, j'admire le beau temps (en été), j'écris mes blogs sur mon portable et je parle d'autisme quand les gens me posent des questions sur le comportement bizarre de ce petit blondinet.

Hier, une dame qui surveilleit son neveu de 7 ans m'a parlé d'elle. De la beauté de la Suisse, de la sécurité qui règne ici, des assurances sociales qui lui permettent de vivre alors que ceci ne serait pas possible dans son pays. En fait, cela fait 3 ans qu'elle est à l'AI, elle avait un trouble psychique mais elle va mieux. C'est pratique, elle peut ainsi s'occuper de son neveu l'après-midi parce que la maman travaille. Le matin, elle dort parce qu'elle s'endort tard la nuit devant la télé. La rente AI n'est pas énorme mais elle permet de vivre. En plus, elle reçoit un petit quelque chose de sa soeur vu qu'elle garde le neveu... mais la vie est quand même chère en Suisse!

Je ne suis pas médecin ni psychologue non plus, je n'ai pas voulu poser de questions - la dame m'a raconté une bonne partie de sa vie sans que je lui demande quoique ce soit. Elle avait certainement ses soucis, mais elle n'avait ni l'air malade ni l'air malheureuse. Tant mieux si elle arrive à s'en sortir.

Vers 17h45, je suis rentré à la maison avec Nicolas, il fallait préparer le souper. Je prends le courrier, monte l'escalier et enlève les chaussures, la casquette et la veste à Nicolas (il a fait froid hier...) tout en feuilletant le courrier. Une lettre de l'assurance invalidité??? Serait-ce enfin une réponse aux questions que je leur ai posées en mars? Mon coeur se met à battre...

Fausse alerte! Mes questions d'antan restent sans réponse. Au contraire, je me pose plein de nouvelles questions!

L'AI a pris position à notre demande de prise en charge des mesures médicales pour notre ainé suite au diagnostic d'Asperger. Lui qui nous a posé plein de soucis pendant des années parce que les spécialistes consultés ont mis du temps à se prononcer. Une fois que nous avons reçu le diagnostic, nous avons rempli une demande AI pour la prise en charge des mesures médicales, donc un paiement des factures de médecin, psychologue, ergothérapeute etc. par l'assurance. L'ergothérapie et le groupe de compétences TSA lui ont fait du bien, il a quand même fait des progrès depuis le début de l'année! Quand on sait où soigner, c'est plus efficace!

La réponse de l'AI est la suivante :
Les assurés âgés de moins de 20 ans ont droit aux mesures médicales nécessaires au traitement d'infirmités congénitales reconnues... En cas de troubles du spectre autistique... des mesures médicales sont octroyées... quand les moyens nécessitant un traitement se sont manifestés avant l'accomplissement de la cinquième année. Mais QUI est diagnostiqué Asperger avant l'âge de 8 ou 10 ans??? Pourtant, c'est la loi en Suisse...

Puis avec beaucoup de finesse: Selon notre service médical, le syndrome Asperger est non guérissable. Il s'agit donc d'une affection qui nécessitera vraisemblablement pendant longtemps une thérapie sans que l'on puisse donner un pronostic favorable. 

La suite logique en conclusion: La demande est rejetée.

J'ai ce sentiment d'injustice en moi! Pourquoi lui qui a un handicap diagnostiqué n'obtient même pas la prise en charge par des thérapeutes alors qu'elle (la dame du parc) qui dit aller bien vit de la même assurance sociale?

Sur le site internet de l'AI s'affichent toujours leurs valeurs de travail :
DISPONIBILITE - TRANSPARENCE - CONFIANCE - RESPECT - EQUITE

Moi, je continue à chercher ces valeurs chez eux. Ailleurs que sur le site web...


dimanche 23 juillet 2017

22. Du changement dans l'air

Les autistes aiment tout ce qui est répétitif, les stéréotypes, les habitudes. Ils n'aiment pas le changement. J'ai souvent la scène de Rain Man devant moi : En cabale avec Charlie (Tom Cruise), Raymond (Dustin Hoffman) devait manger le mercredi du poisson pané et boire du soda orange. Quand enfin ils ont obtenu ceci dans un restaurant, Raymond - pourtant tout affamé - n'a pas voulu manger parce qu'il n'y avait que quatre sticks de poisson alors qu'il avait l'habitude d'en avoir huit. Enervé, Charlie coupe les sticks en deux pour en obtenir huit. C'est à ce moment que le cerveau à Raymond lui donne le feu vert pour les dévorer.

Même si je n'ai jamais vécu la même scène avec Nicolas, ça pourrait s'avérer être la réalité! Dans son quotidien, même si nous essayons de ne pas laisser des routines s'installer, Nicolas se fixe ses repères. Si 30 ans en arrière Rain Man n'avait pas eu le même menu toutes les semaines, il aurait mieux géré le changement.

En ce moment, il y a beaucoup (trop) de changements avec la fin de l'année scolaire et, en plus, l'annonce de la "grande" école dans un mois. La logopédiste est en vacances depuis deux semaines, l'éducatrice spécialisée à fini avec Nicolas début juillet. Il terminera pour de bon le jardin d'enfants spécialisé pour être scolarisé dès fin août dans un institut pour enfants handicapés et y faire sa première année Harmos. Pour s'assurer qu'il comprenne, nous avons tenu des listes avec des photos ou pictogrammes que nous avons enlevé ou tracé au fur et à mesure après chaque thérapie.

Nicolas n'extériorise pas ses sentiments mais on voit qu'il est triste. Il aime bien l'éducatrice qui le suit depuis 2 ans, il adore sa logopédiste. Il réalise qu'elles ne le voient plus. Il réalise qu'il y a encore du changement à venir.

Comme il n'arrive pas à s'exprimer (non, il ne parle toujours pas... pas plus qu'un mot à la fois), il se retire. Il se cache dans sa chambre, il se focalise sur sa tablette. Il rétrograde, il recule. J'espère que c'est pour mieux avancer, mais en fait je n'en sais rien. Il fait des choses "bébé" qu'il n'a plus fait depuis 3 ou 4 mois. C'est là que je réalise qu'en fait, il a fait des sacrés progrès en quelques mois!!! Il a le droit de faire une pause! Même si c'est de nouveau plus difficile pour nous.

Oui, ce n'est pas évident. Le changement est difficile pour les parents aussi. L'incertitude aussi. Je sais que la chose la plus constante dans une vie... c'est le changement! Je ne me plains pas, je dis ce que j'ai sur le cœur.

Dans cinq jour, Nicolas aura terminé avec le jardin d'enfants spécialisé. Départ pour 26 jours avec Nicolas, sans aucune thérapeute. 650 heures sans aucun soutien externe. J'angoisse! Je souhaite qu'il s'ouvrira de nouveau un peu en étant dans le cercle très fermé de sa famille!

Vive la rentrée scolaire... encore plus que d'habitude en 2017!!!




dimanche 16 juillet 2017

21. Game, set and match

En ce jour où King Roger jouera sa douzième finale à Wimbledon pour gagner (je l'espère) son huitième trophée au Sud-est de Londres, il est clair que c'est lui le plus grand champion de tennis et que probablement nous ne reverrons plus quelqu'un comme lui de notre vivant.

Je suis en admiration devant un homme comme lui qui arrive en plus à gérer son sport, ses enfants, les sponsors, médias etc. tout en restant modeste. Même s'il est probablement presque parfait, mon héros de la raquette, ce n'est pas lui! C'est Nicolas!!! 

Explications: En août 2016, nous avons suivi une thérapie familiale intensive durant trois semaines dans le seul centre thérapeutique pour autistes en Suisse qui focalise sur les petits et non sur les adultes. D'ailleurs, l'une des conditions pour être admis dans ce centre était que Nicolas ait moins que 4 ans. Je vous épargne les détails, mais c'était très intensif pour toute la famille. Il y a eu des bons résultats car d'un côté nous avons appris à "lire" et anticiper notre fils. De l'autre côté, Nicolas s'est enfin ouvert un petit peu et il a réalisé qu'il n'était pas seul dans son spectre.

Quand nous sommes rentrés à la maison, Nicolas a pour la première fois de sa vie réalisé que nous avions des chats et - comme nous habitons à Fribourg - des mouches. Malheureusement, il s'est avéré qu'il a une phobie des insectes, et nous avons pu voir sur sa face que cela a dû être affreux pour lui de partager la maison avec quelques mouches. C'était affreux pour nos oreilles aussi parce qu'à la longue, notre ouille ne supporte pas cent décibels.

Nous avons essayé de fermer les fenêtres, utiliser des sprays, poser des diffuseurs de citronnelle, suspendre des bandes collantes... rien à faire, impossible de se débarrasser des mouches. Comment faire en habitant Fribourg (réputé pour ses vaches forcément accompagnées de mouches) avec Nicolas qui passe son temps dehors?

Le problème s'est réglé au bout de deux mois quand les mois froids sont venus et les insectes disparus. Ouf! De toute façon, il aura oublié sa peur d'ici le printemps...

Tu parles! Sa mouchophobie s'est intensifiée de manière exponentielle avec l'arrivée des températures plus clémentes en 2017. Le quotidien est devenu (encore plus) ingérable! Nous en avons parlé en séance de réseau avec tous les thérapeutes, personne - même pas les grands calibres - n'a su porter conseil. On ne peut pas interdire à une mouche d'exister... surtout pas à Fribourg. Point final!

J'en ai parlé lors du Skype mensuel avec notre post-thérapeute de la thérapie intensive, il s'appelle aussi Nicolas! Il nous a donné une idée : Pourquoi ne pas transformer son ennemi juré, sa pire crainte, en compagnon de jeu? Quoi??? Jouer avec une mouche??? Autant que cela paraît abstrait, autant ça a marché...

Nous avons donc acheté une tapette à mouches à Nicolas et l'avons accrochée à une hauteur où elle lui est accessible. Après un peu d'entraînement, il a compris le système. Dès qu'un insecte volant apparaît, Nicolas s'en donne à cœur joie : Coup droit, revers croisé, smash! Trente zéro... encore un coup droit puis un retour gagnant, et c'est un à zéro pour Nicolas. La tapette reste au repos jusqu'à la prochaine mouche. 




Je me contente de mon rôle de ramasseur de balles... enfin de mouches. Et je couvre la partie journalistique par ce blog.

"New balls, please!" L'approvisionnement se fait automatiquement. Notre fiston prend sa raquette et se met au jeu. Quelle technique! Il ferait des jaloux parmi les stars du circuit! En plus, Nicolas ne se fait pas éliminer au premier ou deuxième tour, lui. Il tient le coup jusqu'à dimanche quand se jouent les finales. Pour recommencer le lundi.

Nicolas, tu es et tu restes mon héros!



mardi 4 juillet 2017

20. Bobo

Vous connaissez celle-ci ?

"Docteur, que se passe-t-il? Quand je touche mon genou, j'ai mal. Quand j'appuie sur sur le ventre, j'ai mal. Quand je touche mon nez, j'ai mal. Si j'appuie sur mon oreille j'ai aussi mal... en fait, j'ai des douleurs dès que je touche un endroit de mon corps."
Le médecin ausculte et pose son diagnostic : "Vous avez une fracture du doigt!"

C'est LA question que je me pose avec Nicolas... il a mal partout! Et il a l'index bien tordu (en fait les deux, mais je ne connais pas le pluriel d'index...). Depuis le petit mois qu'il prononce quelques mots (non, il ne dit toujours pas papa ou maman), il dit souvent "Bobo, bobo, bobo!" Mais c'est un bobo où on lit sur le visage qu'il n'est vraiment pas bien!

Il y a des gens qui ont des douleurs chroniques et qui ne peuvent pas s'en débarasser. Cela doit être affreux, je ne peux pas imaginer combien ils souffrent. Eux, ils peuvent nous dire qu'ils ont mal au dos, au genou ou à la main, et à défaut de pouvoir leur enlever la douleur, nous pouvons compatir.

Nicolas dit qu'il a mal, on voit sur sa face qu'il a mal, mais on ne sait pas où. Est-ce qu'il a bien compris le sens du mot "bobo"? Oui, j'en suis certain! Mais il est où ton bobo??? "Bobo, bobo, bobo!" Ici? Là? "Bobo, bobo"...

Lors d'un cours de formation pour parents d'autistes, ils ont conseillé de donner du paracétamol (p.ex. Dafalgan ou panadol) quand un enfant autiste est différent (dans le sens: différent de l'habitude) ou s'il se plaint de douleurs. S'il ne va pas visiblement mieux au bout d'une heure, c'est qu'il faut aller consulter un médecin. Cela me paraît très logique, mais à ce rythme, Nicolas boirait plus de chimie que d'eau...

Certains autistes ont très peu de sensibilités. Même s'ils sont malades ou s'ils ont subi un choc physique, ils ne ressentent pas grand chose. Cela peut être dangereux parce qu'il faut être particulièrement attentif aux symptômes pour ne pas rater quelque chose de grave, par exemple une hémorragie intérieure.

Par contre, et c'est plutôt la généralité, les autistes ont une hypersensibilité, ils ressentent donc des sensations (bruit, vent, douleurs...) beaucoup plus fortes que nous. Nicolas en fait partie! Une Harley qui passe devant la maison? Nicolas se bouche tout de suite les oreilles et commence presque à pleurer. Le vent qui souffle à la place de jeu? Impossible d'y rester, sauf s'il fait zéro degrés (ou moins) parce qu'il a un bonnet pour couvrir ses oreilles.

Nicolas est donc hypersensible. Et pourtant, il se jette contre les armoires, il court contre un mur, il se laisse tomber par terre... puis "bobo, bobo!" Là au moins, c'est évident pourquoi il a mal! Mais quand tout à coup il vient se plaindre "bobo" pendant qu'il fait son puzzle, je me pose quand même des questions...

Je vous rassure, on a été voir la pédiatre. Mieux encore, la pédiatre vient chez nous à la maison parce que Nicolas ne supporte pas la salle d'attente chez le médecin, ou plutôt les gens dans la salle d'attente. Qui l'eut cru que ceci existe encore en 2017? Nicolas va donc bien... physiquement. Ses doigts tordus ne sont pas fracturés. Mais Nicolas a mal. "Bobo!" Les autres thérapeutes n'ont rien découvert non plus. J'ai aussi mal... mal aux oreilles à force d'entendre ces quatre lettres, mal au crâne à force de réfléchir...

Il a quand même pas attendu quatre ans et demi pour prononcer les premiers mots afin de nous dire qu'il a mal? Ce pauvre gamin aurait-il souffert tout ce temps avant de se faire comprendre? Serait-ce une de ses peluches qu'il appellerait Bobo? Mais pourquoi tire-t-il une tête quand il prononce ce nom? 

J'en arrive au bout de mon latin. Si vous avez des indices ce que ça pourrait être, n'hésitez pas à laisser un message sur ce post. Il suffit de cliquer sur "enregistrer un commentaire" et d'écrire puis choisir "anonyme" avant d'envoyer (si vous n'êtes pas connecté sur Google+). Vous pouvez bien sûr signer même si vous sélectionnez "anonyme".

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