jeudi 8 février 2018

46. Le compte est bon

Nicolas aime les chiffres. On s'en doutait avant qu'il parle parce qu'il alignait les chiffres magnétiques sur le tableau blanc. Maintenant que Nicolas parle, nous en avons la certitude.

Il compte souvent, en avant, en arrière. Il compte facilement jusqu'à quarante, il reprend à n'importe quel chiffre. Quel chiffre vient après le 25? Il hésite deux secondes puis dit "vingt-six". Puis il continue comme un boulet de canon "27, 28, 29..." Petite hésitation car changement de dizaine... "30, 31, 32..."

Rien de spécial, me diriez-vous. Nous en sommes tous capables. Oui, sauf que Nicolas n'a que cinq ans!

Je conduis la voiture, j'entends soudainement "cinquante". Je regarde mon compteur qui indique 47. Non, je n'ai pas dépassé la limite, ce n'est pas ma copilote qui me remet sur la bonne piste. C'est bien Nicolas, installé dans son siège au milieu de la voiture, qui a vu passer un panneau de limitation au bord de la route. "Vingt!" Le magasin à ma gauche offre 20% de rabais. "Onze huit!" Ah, nous venons de croiser un camion pompiers. Nicolas n'a pas encore compris les centaines, il sépare donc les chiffres par groupes de deux.

Le four indique l’heure : 17:47. Nicolas relève le quarante-sept. "47, 48, 49....... 50!" Il est fier, le cinquante est assez récent. Puis dans une logique qui est... ben logique "51, 52, 53" et j’en passe.

Contrairement à l’horloge du four, notre micro-ondes recule dans le temps, il indique les secondes qui restent. 47... Nicolas reprend le compte, il ne lit pas, il anticipe les chiffres "46, 45, 44, 43" etcetera.

Nicolas sait donc compter en avant, en arrière, et il fait clairement la différence.


Et nous sommes entourés de chiffres à la maison. Sympa comme sujet de conversation avec son gamin...


Quelques minutes plus tard, Nicolas va chercher son puzzle avec les chiffres en bois. Il sort deux chiffres, les aligne et dit tout fièrement "trente-sept". Bien! Je lui inverse les chiffres et pose la question ce que cela représente. Nicolas me regarde, je lis dans ses yeux qu'il veut connaître la réponse. Je lui donne la solution, Nicolas reprend le sept et le trois et va expliquer à maman que c'est le septante-trois. Puis il range les chiffres et en sort deux autres : "dix-huit"... Au bout d'un quart d'heure, je range ce puzzle et en sort un autre, avec des animaux. Nicolas, lui, n'en a pas envie et part à la cuisine lire l'horloge du four.


Est-ce que nous avons un petit génie à la maison? Non, je pense que chaque enfant a ses forces et ses faiblesses (sauf les enfants à Monsieur et Madame X qui sont, eux, parfaits...)

Je vous raconte ceci pour vous montrer une fois de plus que mon fils vit dans son monde à lui. Ça sert à quoi de savoir compter quand on vit sur une autre planète? Qu’on n’arrive pas à jouer avec quelqu’un d’autre, qu’on n’arrive pas à accepter une visite non annoncée sur le programme journalier? Qu’un changement de lieu reste difficile et un changement de siège dans la voiture est impossible? Que les nuggets de poulets ne se mangent plus au fast food parce qu’une seule fois nous les avons achetés à l’emporter...

Les chiffres lui permettent de se protéger. C'est une protection des situations imprévues, protection de ce qui n'est pas "normal", protection de ce qu'il n'a pas envie de voir ou vivre. Il se projette dans son monde imaginaire de chiffres pour ignorer le reste.

Peut-être que Nicolas ira travailler aux impôts quand il sera grand, comme son papa. Entre nous, je pense qu'il y a plusieurs personnes atteintes d'un TSA qui travaillent chez nous. Il font du bon travail, enfermés dans leur bureau individuel.

Avec certitude, quand Nicolas aura 18 ans, j'irai avec lui au casino. Il comptera les cartes et j’empocherai les gains. Les gains obtenus au casino ne sont pas taxés en Suisse :-)

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