jeudi 26 octobre 2017

34. Victoire d'étape

N'ayant toujours pas obtenu des copies des rapports écrits par Mme Stirnimann dans le
dossier de Nicolas auprès de l'assurance-invalidité, et ce après 2 lettres au Directeur lui-même, je me suis permis la semaine passée de les relancer par courrier. Cela fait onze mois et demi que nous avons envoyé notre demande auprès de l'AI, d'habitude ils ont refusé au bout d'une année... c'était donc le dernier moment pour obtenir ces informations auxquelles nous avons droit selon la loi sur l'information et la transparence.

Quand lundi soir j'ai vu une enveloppe relativement épaisse envoyée par l'AI dans le courrier, c'était clair pour moi qu'ils ont enfin envoyé lesdits documents. Je ne voulais pas m'énerver avant le repas du soir, j'ai donc laissé trainer l'enveloppe jusqu'au soir quand les enfants étaient couchés. 

Et là, la surprise!

L'AI considère Nicolas, et ce depuis ses quatre ans, comme impotent de degré moyen qui demande une prise en charge accrue de quatre à six heures par jour (en plus des deux heures considérées comme normales). Après plus de deux années de combat, l'assurance sociale officialise donc enfin ce que nous savons déjà. Pour nous, quelques sous vont tomber dans la tirelire tous les mois parce que nous nous occupons de notre fils plutôt que de le mettre dans un institut (ce qui coûterait probablement dix ou vingt fois plus cher au contribuable). Mais le plus important est que Nicolas est reconnu invalide, ce qui devrait l'aider plus tard, quand il sera grand, dans ses démarches administratives.

Si la joie était grande lundi soir, j'ai quand même beaucoup réfléchi la nuit... Pourquoi ce changement de cap soudain de l'AI? Ils passent de rien (avant ses quatre ans) à presque tout! Est-ce effectivement parce que Nicolas est impotent de degré moyen, ou est-ce qu'il y aurait d'autres raisons derrière?

On a quand même démontré à l'AI que nous sommes persévérants. Nous sommes devant le Tribunal Cantonal contre eux en ce qui concerne la période d'avant ses quatre ans. Et nous avons fait recours à leur décision de ne pas prendre en charge les mesures médicales au frère à Nicolas, autiste Asperger, parce qu'ils pensent que ça ne sert à rien de faire des thérapies si l'autisme n'est pas guerrissable. Notre pédopsychiatre à demandé à parler à leur medecin-conseil parce que les propos tenus par l'AI sont intenables. Nous avons aussi écrit à deux reprises à leur directeur. Et mon courrier du lecteur qui critique le fonctionnement de l'office cantonal de l'AI a été publié dans La Liberté, journal avec plus de 99'000 leucteurs. Il y a aussi ce blog qui entre-temps est lu par quelques lecteurs dont des professionnels de la santé.

Donc, nous dérangeons. 

Est-ce que l'octroi d'une allocation est lié au fait que nous dérangeons? Est-ce qu'ils achètent notre silence?

Devons-nous accepter cette décision parce que le résultat est juste pour nous? Mettre notre énergie ailleurs que dans les démarches administratives?
Ou devons-nous insister pour obtenir les rapports, ceci dans le but d'obtenir la justice pour toutes les autres familles dans un cas similaire mais qui ne "dérangent" pas?

Ma décision est prise. Je vous la communiquerai à la fin du délai de recours de 30 jours...

Bon week-end à tous!


Dans le prochain épisode de ce blog, je vous parlerai de notre famille qui s'agrandit...







mardi 17 octobre 2017

33. Ronnie the Runner

Voici une histoire que les plus jeunes d'entre vous auront la peine à comprendre, et que les plus âgés (style génération de mes parents) ont toujours eu de la peine à comprendre... les uns parce que ça paraît vieux est invraisemblable, les autres parce que c'était difficile de comprendre l'engouement des "jeunes" dans les années 80.

Dans les années 1985-1990, bien avant internet, streaming et téléchargement, nous les "jeunes" nous sommes plantés devant la télévision (couleur bien sûr) dès que nos devoirs étaient terminés. Nous avons allumé Sky Channel sur le canal 91, la chaîne anglaise qui diffusait des clips vidéo toute la journée. 

Le sommet, c'était l'émission Sky Trax quand Ronnie the Runner a couru, suivi de son cameraman, jusqu'aux archives pour dénicher la bande vidéo avec le clip souhaité par la personne qui a appelé. Une fois le sésame déniché, Ronnie à dû courir jusqu'aux magnétos pour y déposer la cassette et appuyer sur Play. Et le tout en dessous de 60 secondes... le délire! S'il y parvenait, le téléspectateur a gagné un disque et à pu regarder le clip. Inutile de vous dire que les appelants ont crié au téléphone! Run, Ronnie, run run run!!! Et encore, et toujours! Plus il hurlait au téléphone, plus les chances de gagner étaient grandes. 

La génération de mes parents n'ont pas compris comment on a pu avoir tant de plaisir à suivre cette émission, de plus en anglais... 
Les jeunes d'aujourd'hui ne comprennent pas pourquoi c'était fun. La technique d'antan leur paraît bien ringarde. Cassette vidéo? Courir?? Pourquoi ne pas aller sur youtube voir les vidéos?
Et vous, vous n'aurez probablement pas compris le lien de mon souvenir avec Nicolas. 

Ben, c'est l'histoire qui est arrivée hier, que Francine m'a racontée toute stressée au téléphone, qui m'a fait revenir ces souvenirs de trente ans en arrière.

Hier, Nicolas a eu rendez-vous chez la logopédiste. D'habitude, sans Nicolas, le trajet se fait en 7-8 minutes. Avec Nicolas, nous planifions 20-30 minutes parce qu'il tape sur les panneaux publicitaires, observe la structure du goudron, touche chaque chiffre qu'il voit. Hier, il a battu son record de parcours : 3 minutes, et ceci sans assistance! Style Ronnie the Runner justement. Hélas...

Dès que maman lui a enfilé les baskets à la maison, Nicolas est descendu l'escalier où il nous attend d'habitude. Hier, il n'a pas attendu. Il a commencé à courir. Quand Francine avait mis ses chaussures et fermé la porte à clé, elle s'est rendu compte que Nicolas avait déjà traversé la route en courant. Elle avait 200 mètres de retard, Nicolas courait encore et à traversé deux autres routes. Il ne s'arrête pas, il ne regarde pas... il court! Et plus elle criait pour qu'il s'arrête, plus il courait vite, plus les gens se retournaient... sans toutefois arrêter Nicolas! Francine, qui fait pourtant de l'exercice régulièrement, a réussi à arrêter Nicolas devant la porte de la logo, après 5 routes traversées, dont deux routes principales!

Nicolas "the Runner" à donc réussi à boucler son parcours. Il a eu droit aux cris qu'il croyait encourageants. Par contre, il n'a pas eu droit aux lauriers du public! Quoique... il n'avait pas l'air de prendre les grondements de maman au sérieux. Et de plus il a eu droit à son heure de logopédie qu'il adore!

Nicolas a eu beaucoup de chance hier. Merci à son ange gardien!

Le prochain qui me dit qu'on peut sans autre laisser Nicolas sans surveillance un quart d'heure, je lui pète la figure...


jeudi 12 octobre 2017

32. Voici les clés de ton bonheur - il est où le bonheur?

Petit coup de blues aujourd'hui en écoutant la radio. Gérard Lenorman chantait la chanson qui nous avait aidé à choisir le prénom de notre petit dernier. 

Comme j'ai toujours aimé le Saint-Nicolas (je me suis même mis dans sa peau quelques années autour du 6 décembre), que c'est en plus le Saint patron de Fribourg qui nous héberge depuis onze ans, qu'on a voulu éviter les anglicismes... et comme j'aime la mélodie de "Voici les clés", le choix est tombé sur le prénom Nicolas. 

Vous connaissez les paroles? Je les trouve très positives et encourageantes.

Voici les clés de ton bonheur, il n'attend plus que toi
Appelle-moi si par malheur elles n'ouvraient pas
Na na na...

Tu sais toujours où me trouver moi je ne bouge pas
Moi je t'aime

Mais n'oublie pas l'anniversaire de Nicolas

Nous avons écouté cette chanson pendant son baptême. Je me vois encore, tout content, à imaginer un avenir rempli de bonheur pour Nicolas!

D'où mon coup de blues... y a-t-il du bonheur dans la vie que j'offre à Nicolas? C'est quoi ces clés pourries que je lui ai donné sur son chemin? Et il ne peut même pas m'appeler, il ne parle pas...

Nous avons donc mis au monde un enfant autiste dans un contexte difficile, au milieu d'une société qui peine à accepter la différence. C'est ça le bonheur? J'aurai plutôt dû choisir une chanson de Christophe Maé... Il est où le bonheur, il est où?

A même pas cinq ans, Nicolas est souvent soumis aux regards méchants des gens, p.ex. dans les lieux publics ou sur les places de jeu. Il ne porte pas de casquette "je suis différent", on ne le promène pas dans un fauteuil roulant. Les gens pensent donc qu'il est juste sauvage ou mal élevé. Cela se transmet dans leur regard et même des reproches des personnes les plus convaincues (d'elles-même). Il y a même des inconnus qui ont essayé de le "cadrer" en lui retenant les bras quand il fait son flapping (il bouge les bras très vite de haut en bas, comme s'il essayait de s'envoler ou d'enlever un pansement collé sur ses doigts - beaucoup d'autistes font régulièrement ces gestes pour se rassurer).

C'est donc le bonheur pour Nicolas de ne pas pouvoir se lacher quand il en a besoin? Le rôle des parents est de protéger leur enfant. Nous, on ne le protège pas seulement de ces inconnus, mais aussi des risques de la ville, p.ex. le trafic routier. Il est exposé à ce risque car il ne connaît pas la notion du danger. Un panneau publicitaire intéressant sur le trottoir d'en face? On doit être vigileant car Nicolas, lui, ne l'est pas... C'est ça le bonheur? De ne pas savoir quand il se fera écraser par une voiture?

Nicolas devra certainement se battre encore plus que les autres enfants de son âge. Il le fait déjà maintenant. Il essaie encore et encore quand il veut réussir. Par bonheur, il est fort ce gamin! Il réussira quand ce sera nécessaire!

Et comme le dit la chanson, je serai là pour lui. Là pour l'aider à trouver les bons côtés des choses, trouver le bonheur qui viendra forcément un jour! Tu sauras où me trouver...

Voici les clés, ne les perds pas sur le pont des Soupirs
Elles sont en or on ne sait jamais ça peut servir
Ne t'en fais pas, j'ai ce qu'il faut, on n'est jamais perdant
Quand on aime

Et n'oublie pas l'anniversaire de Nicolas


Et oui, c'est bientôt l'anniversaire de Nicolas. Avec un cadeau très spécial à la clé... Serais-ce le bonheur? Peut-être pas au début, mais après... Je vous en dirai plus début novembre :-)

Pour finir, je reprends la suite des paroles de Christophe Maé:

Mais il fait pas de bruit l'bonheur, non, il n'en fait pas
C'est con le bonheur, ouais
Car c'est souvent après qu'on sait qu'il était là


J'arrête donc de me plaindre. Il y a d'autres enfants qui sont bien plus mals que Nicolas!





PS: Vous savez qui a composé puis interprété dans une autre langue "Voici les clés" en 1976? La réponse ici. Et oui, qui l'eût cru? 





dimanche 1 octobre 2017

31. Le Valais dans les gênes

On est Valaisan où on ne l'est pas. On naît Valaisan, on ne le devient pas.

Il y a ceux qui aimeraient bien l'être mais qui ne le seront jamais, malgré le fait qu'ils y vivent depuis des décennies. Tous leurs efforts pour le devenir resteront vains.

Moi, je le suis. Mon passeport fournit la confirmation : Lieu d'origine Anniviers VS. Même si je n'ai passé que la première moitié de ma vie en Valais, je reste Valaisan. Dans l'âme et sur le papier. J'ai marié une Valaisanne tout aussi éloignée de ce canton que moi. Nos enfants sont donc Valaisans. Leur carte d'identité indique le même lieu d'origine que le mien.

Nicolas n'est donc pas seulement autiste mais aussi Valaisan. Il n'y a pas d'attaches, il n'y a même pas mis les pieds cette année-ci (les trajets avec lui sont difficiles à gérer). Si je sais depuis presque cinq ans qu'il est Valaisan sur le papier, je sais depuis quelques jours qu'il a aussi des gênes de ce canton.

Pourquoi ?

Il a toujours une bouteille prête à être servie. En effet, son nouveau "jeu" consiste à sortir les boissons et les mettre sur la table pour que tout le monde ait à boire. Dès qu'il se lève le matin, même à cinq heures, il court au frigo et sort les bouteilles et les berlingots pour tout poser sur la table du salon. Retour à la cuisine pour ouvrir et vider le tiroir boissons. Puis un troisième et quatrième trajet vers l'armoire de cuisine où nous gardons les réserves de jus de fruits.

Pour éviter des cris et d'autres situations compliquées, nous le laissons faire. Par contre, même s'il est Valaisan, il n'a pas le droit de toucher les bouteilles en verre (vin, bière, alcools forts...). Normal, il n'a même pas cinq ans !

Donc voici de quoi a l'air notre table de salon à cinq heures et quart le matin.

Vous reprenez la même photo et avancez l'horloge de quinze heures. La position des bouteilles n'a pas changé d'un centimètre. Non parce que Nicolas n'a pas joué avec, mais parce qu'il remet chaque bouteille au même endroit après l'avoir utilisé. Je me verse un peu de jus de pomme et pose le berlingot au même endroit orienté sud - cinq secondes plus tard Nicolas l'a remis "juste", donc coté nord. Impossible d'enlever une bouteille vide de la table; elle ne sera retirée que le soir, au coucher de Nicolas. 

Ainsi les bouteilles se promènent à la queue leu leu. Est-ce que le positionnement d'une boisson dépend de la teneur de sucre du contenu ? De la forme géométrique, du poids restant du contenant ? Y a-t-il un lien avec l'ordre alphabétique ou le pourcentage d'agents conservateurs ? Si ça se trouve, les bouteilles forment une carte au trésor... Ou une sculpture secrète inca ? Est-ce une forme diabolique qui maintient son niveau d'atteinte...??? Ou est-ce "juste" parce qu'il est autiste?

Je n'arrive pas à trouver le sens et la signification de cette parade millimétrée. Peut-être que je devrais quand même rajouter une bouteille de vin dans ce défilé (elle sera vide le soir) ? On est Valaisan ou on ne l'est pas !

Santé!