samedi 4 décembre 2021

134. Cache cache

En bon citoyen suisse, j'ai effectué mon service militaire obligatoire lorsque j'ai été jeune. Je n'ai pas aimé faire ceci, mais je vais vous raconter une histoire qui est arrivée lors de mon dernier cours de répétition.

Un matin de février, lors de l'appel matinal, le sergent-major a annoncé l'effectif de la troupe au capitaine, comme tous les matins. "Batterie Etat-Major à l'appel. Effectif 117, présents 66. 6 hommes à la garde, 4 en cuisine, 2 en congé, 2 à l'infirmerie, 37 hommes détachés."

Le capitaine réfléchit une seconde et demande : "Détachés où?"

Un peu embarrassé, le sergent-major répond : "Par ci, par là... En fait, je ne sais pas. Peut-être qu'ils sont encore en chambre. Ou aux toilettes. Ils ne sont pas là."

Vous le saviez déjà qu'en cas de guerre, ce n'est pas l'armée qui sauvera la population suisse.

Le capitaine s'excite, devient rouge, il pousse des cris, la crise... il explose. Il nous a fait comprendre que l'appel du matin était le moment le plus important de la journée, que tout le monde devait y être pour qu'il puisse nous informer des choses importantes... 
La troupe n'était pas impressionnée par son blabla. 

Lorsque le commandant nous fait comprendre que personne ne rentrerait à la maison samedi si tout le monde n'était pas sur la place d'appel dans quinze minutes, la recherche intensive des hommes manquants a commencé.

Nous en avons retrouvé une quinzaine restés dans leur lit, quelques uns squattaient déjà à la cantine. Deux ou trois étaient cachés derrière une baraque pour téléphoner à leur chérie. Trois ont encore profité de l'eau chaude que la douche offrait en abondance le matin, quatre jouaient aux cartes au dépôt matériel.

Le sergent-major a fait et refait les comptes, mais il manquait encore une personne. Mais qui? Tout le monde essayait de se souvenir de la sortie d'hier... 
Il y avait les habitués et les nouveaux, ceux qu'on connaissait bien et ceux qu'on évitait. Ceux dont on connaissait le prénom et les autres qui avaient juste un nom de famille. Mais qui manquait? 
Le fourrier passait à travers ses listes pour vérifier si nous étions bien 117, ou si quelqu'un aurait été licencié entretemps?

C'est à ce moment-là que le soldat Dupont se glisse sous la barrière, un sachet avec des croissants dans la main, un petit pain dans la bouche. Tout le monde s'en foutait d'où il venait... ce qui comptait c'est qu'on était 117 et qu'on pouvait rentrer à la maison samedi matin.


Changement de sujet.

Nicolas est fan de peluches. Il collectionne tout ce qu'il reçoit, et jamais il n'en perdrait une. Je pense qu'il en a 117 mais je ne les ai pas comptés.

Il a ses favoris, et il y a celles qui passent leur temps dans une caisse ou un sac avec d'autres peluches. Il y a les grandes peluches et les petites, les animaux de la ferme, ceux de la jungle, les héros de BD ou livres... Chaque peluche a un nom et Nicolas s'en rappelle même s'il n'a plus joué avec telle ou telle peluche depuis longtemps.

Il arrive que tout à coup, il cherche Grisou le lapin ou Tinky Winky le Teletubbie. Nicolas vide sa caisse, il cherche dans son armoire, il monte les tours, il se met à pleurer jusqu'à ce qu'il (ou quelqu'un d'autre) trouve la peluche recherchée. 

Nous avons essayé de faire un peu de place et donné des vieilles peluches à la charité sans en informer notre fils. Ca a été le drame quelques jours plus tard lorsqu'il n'a plus trouvé Camille le renard et Sophie la perruche. Pour protéger nos nerfs, nous ne procéderons plus à ce genre d'actions à l'avenir.

L'autre soir, Nicolas était dans son lit vers 21 heures, prêt à s'endormir. 
Avec un regard fatigué, Nicolas demande de dormir avec sa peluche de Georges Pig. Je regarde sur le meuble à côté du lit, sur l'étagère, dans son filet suspendu rempli de peluches... Pas de trace de Georges.

Comme Nicolas a joué l'après-midi avec ce cochon, il doit forcément être au salon. Ou à la cuisine. Rien. Ni à la buanderie ni dans la machine à laver. Est-ce qu'il est sorti au jardin cet après-midi? 

Nicolas se lève et l'appelle : "Georges, où es-tu?" 
Non mais... Tu crois vraiment que la peluche va te répondre??? 

"GEORGES!"

Nous ouvrons les armoires les unes après les autres. Je pense que Nicolas possède 117 peluches, mais je suis certain que nous avons 42 portes d'armoires et tiroirs dans notre cuisine. Et 14 dans le salon. 

Hélas, Georges ne se trouve derrière aucune de ces portes. Ni dans le meuble de la salle de bain, ni dans la penderie à l'entrée. Par contre, nous avons trouvé 4 autres peluches réfugiées dans des armoires ou tiroirs.

Là, un bout de tissu rose pointe derrière les livres de la bibliothèque! C'est Pepa, la soeur de Georges. 

"Noooon! Je ne veux pas Pepa! Je veux Georges!!!"

Nicolas s'énerve et monte les tours. "J'ai perdu Georges! Georges est parti!" Des larmes montent dans ses yeux. Moi aussi je vais me mettre à chialer. "Mais non, on va le trouver ton Georges..."

Avec des lampes torches, nous nous mettons à chercher Georges dans le jardin. Nous avons trouvé Petit poilu dans la cabane de jardin et Mickey dans la boîte aux lettres. Georges, lui, n'y est pas.

Nous craignons le pire : est-ce que le chien aurait dévoré ce cochon en peluche?

Désespérés, nous nous apprêtons vers 21h45 à annoncer à Nicolas que Georges ne dormira pas avec lui ce soir, qu'on le trouvera demain... en espérant que Nicolas arrivera quand même à dormir quelques heures. 

Nous retrouvons Nicolas couché dans son lit, il sert contre lui une peluche rose... Georges!!!

Fâché mais soulagé qu'il soit bel et bien "vivant", je demande à Nicolas où il a trouvé Georges. Mais Nicolas ne répond pas, il est sur le point de s'endormir. Tant mieux pour lui!

Je sais déjà que demain, il cherchera la peluche de Titeuf ou Simon le lapin et que le même cirque recommencera.

Est-ce qu'il faut commencer à mettre des GPS dans toutes ses peluches pour les traquer et éviter un tel cirque? 

J'ouvre une armoire, enlève le tigre vert et l'écureuil brun dont je ne me souviens plus des prénoms pour m'accorder un verre. Je vais les appeler Jim (Bean) et Jack (Daniels).

Georges est rose. Le quotidien avec un enfant autiste ne l'est pas...


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