mercredi 28 février 2018

48. Être papa d’un enfant autiste, c’est...

Avant d'être papa, je ne pouvais pas m'imaginer les influences que le fait d'avoir un enfant pourrait avoir sur ma vie.

Avant d'être papa d'un enfant avec autisme (ou avant de le savoir), je n'avais aucune idée des influences que cette différence aurait sur ma vie.

Mais en fait, que signifie être papa d'un enfant autiste? Voici dix constats que je partage volontiers avec vous :
  1. On reçoit une école de vie que beaucoup d’autres personnes n’ont pas, même en ayant suivi des cours dans les meilleures universités.
  2. On ne sait pas où on trouve l’energie pour se battre contre les autorités et assurances sociales... mais on la trouve toujours! Parce qu'on a arrêté de mettre de l'énergie pour se battre contre les inconnus, mais aussi les connus.
  3. On a appris à ignorer les regards méchants et les commentaires permanents dans la rue ou les magasins parce que... justement, on a décidé d’arrêter de mettre de l’énergie là-dedans.
  4. On sait se ressourcer dès que l’occasion se présente, même si ce n'est que pour une demi-heure, parce qu'on en a trop besoin.
  5. On réalise qu'on est de plus en plus isolé, parce que 
    - les uns se détournent de nous vu qu’ils ne savent pas comment aborder le sujet tabou (qui n’en est pas un),
    - les autres se distancent de nous parce qu'on parle beaucoup d’autisme, chose qui ne les intéresse pas,
    - et c’est nous qui évitons une partie de ceux qui restent parce qu’on en a marre de les entendre se plaindre en permanence du rhume de leur enfant ou, s’ils n’en ont pas, d’entendre les bons conseils comment gérer nos enfants (faut serrer la vis, faut les laisser crier...)
  6. Probablement parce qu'on s'isole, le flux Facebook se remplit de posts sur l‘autisme parce qu’on s'abonne à plein de sites et blogs qui parlent du sujet.
  7. On ne cherche pas une baby-sitter pour aller au restaurant ou au cinéma mais pour suivre une conférence sur l‘autisme.
  8. On sacrifie... non, on investit la moitié des vacances annuelles dans les rendez-vous médicaux et thérapeutiques de son enfant avec autisme. Pas parce qu’il y aurait une guérison en perspective, juste pour comprendre et être compris.
  9. On a ce sentiment bizarre, même trois ans après le diagnostic, d’appartenir à un autre groupe d’humains à chaque réunion ou sortie des associations pro-handicap ou groupements d’autisme. Merci à eux d’exister!
  10. On a énormément d’amour pour son enfant. Peut-être pas plus que pour un enfant neurotypique, mais un amour différent!
Et c’est comment d’être la maman d’un enfant avec autisme ? Posez lui la question. C’est probablement la même chose mais multiplié par dix. Sauf l’amour pour son enfant qui ne peut pas être multiplié par quelconque chiffre!


jeudi 15 février 2018

47. Quand je dors chez ma maîtresse, je ne dors pas!

Comme beaucoup de père et fils, Nicolas et moi avons quelques points en commun. L’un d’eux est que tous les deux, nous n’appliquons pas la phrase citée ci-dessus qui provient de je ne sais plus de quel comique. Moi parce que je n’ai pas de maîtresse (ma femme est bien trop bien et en plus, je suis probablement trop correct pour ça!) Nicolas, parce qu’il dort quand il passe la nuit chez sa maîtresse, ou plutôt à l'école.


Dormir ou ne pas dormir, telle est la question. Depuis tout petit, bien avant qu’un diagnostic de TSA* tombe, Nicolas dormait peu et mal. Quand il avait un an, il passait entre huit et dix heures dans le royaume du sommeil... par période de vingt-quatre heures! Style de 23 heures à 3 heures, de 10 heures à midi puis de 16 à 19 heures. Un enfant moyen de cet âge y passe entre 14 et 16 heures. Invivable pour les parents et toute la famille!

Nous avons changé la déco de la chambre, tourné le lit. Acheté un plus grand lit, re-tourné le sens des meubles... rien!
Les médecins consultés ont tenté de nous rassurer que certains enfants mettaient plus de temps à passer les nuits.
Des spécialistes nous ont conseillé de lui masser les jambes avec une huile spéciale, lui donner du thé machin, mettre des compresses truc ou faire avaler les granules machin-truc. Rien n'y fit.
D'autres parents nous ont dit que nous, on ne savait pas y faire, qu'on était trop gentils avec Nicolas, qu'il fallait le laisser pleurer. C'est qu'il ne pleurait pas... il était réveillé, bien réveillé! Et nous bien désespérés.

Aujourd'hui, nous savons que beaucoup d'autistes ont un manque de mélatonine, l'hormone du sommeil. En Amérique, vous pouvez acheter des capsules de mélatonine synthétique dans tous les drugs store. Ca aide contre le jet lag. En Suisse, il faut une ordonnance médicale, commander la mélatonine sous forme liquide bien en avance à la pharmacie internationale, la stocker dans le réfrigérateur et la consommer dans les 3 mois après ouverture. Malgré ces inonvénients, elle a aidé Nicolas à passer ses nuits, à quatre ans et demi! Merci la chimie!

C'était une nouvelle vie pour nous! Trois ou quatre mois de récupération... Jusqu'au jour cet automne où Nicolas a eu le grand déclic. Rentrée scolaire, arrivée du chien, la parole qui lui tombe dessus... Avec toute l'excitation liée aux changements, Nicolas a recommencé à se réveiller la nuit. A deux heures ou à trois heures et demi, tous les matins (ou presque). Pas question de se rendormir, il faut se lever, jouer avec ses jouets, regarder la télé, lire les livres. On a beau le fatiguer la veille: il s'endort tout crevé à vingt heures, il se réveille sept-huit heures plus tard!

Sauf quand il dort à l'école (donc chez sa maîtresse), deux nuits par semaine et quelques week-ends par année. Là, il dort comme un caillou, ils doivent le réveiller le matin pour aller à l'école. Je comprends, il doit être fatigué...

J'avoue que j'ai soupçonné les surveillants de se mettre les boules quies dans les oreilles pour ne pas l'entendre. Honte à moi! J'ai imaginé qu'ils lui donnaient un somnifère dose cheval dans son verre d'eau avant le coucher, qu'ils l'enfermaient dans une pièce insonorisée pour ne pas l'entendre la nuit... Mais non, rien de ça, Nicolas dort quand il est à l'internat. Nicolas se réveille la nuit quand il est à la maison.


D'autres parents vont au cinéma puis partent danser quand les enfants ne sont pas à la maison. Nous, on se couche de bonne heure. Question de survie...

La semaine dernière, nous avons été voir notre pédopsychiatre, spécialisée sur les enfants autistes. Elle dit que c'est normal pour un autiste de se réveiller la nuit. Que souvent, les enfants se comportent autrement à l'extérieur qu'à la maison. Et que c'est à la maison que le stress sort. C'est vrai, on le constate aussi quand il rentre de l'école les autres jours: Il se défoule chez nous parce qu'il a été cadré toute la journée à l'école.

Nous changeons donc le dosage de mélatonine. Quand il se réveille la nuit - pssssht - une giclée de cette hormone dans la bouche, il se rendort trente minutes plus tard. Et moi (si c'est moi qui me suis levé), je me recouche, non pas à côté de la maîtresse mais à côté de la femme de sa vie! C’est mieux!!


Bonne récupération!

Vous êtes déçus de ce post? Mais... vous avez cru quoi quand vous avez lu le titre de ce blog? :-D

*Trouble du spectre autistique










jeudi 8 février 2018

46. Le compte est bon

Nicolas aime les chiffres. On s'en doutait avant qu'il parle parce qu'il alignait les chiffres magnétiques sur le tableau blanc. Maintenant que Nicolas parle, nous en avons la certitude.

Il compte souvent, en avant, en arrière. Il compte facilement jusqu'à quarante, il reprend à n'importe quel chiffre. Quel chiffre vient après le 25? Il hésite deux secondes puis dit "vingt-six". Puis il continue comme un boulet de canon "27, 28, 29..." Petite hésitation car changement de dizaine... "30, 31, 32..."

Rien de spécial, me diriez-vous. Nous en sommes tous capables. Oui, sauf que Nicolas n'a que cinq ans!

Je conduis la voiture, j'entends soudainement "cinquante". Je regarde mon compteur qui indique 47. Non, je n'ai pas dépassé la limite, ce n'est pas ma copilote qui me remet sur la bonne piste. C'est bien Nicolas, installé dans son siège au milieu de la voiture, qui a vu passer un panneau de limitation au bord de la route. "Vingt!" Le magasin à ma gauche offre 20% de rabais. "Onze huit!" Ah, nous venons de croiser un camion pompiers. Nicolas n'a pas encore compris les centaines, il sépare donc les chiffres par groupes de deux.

Le four indique l’heure : 17:47. Nicolas relève le quarante-sept. "47, 48, 49....... 50!" Il est fier, le cinquante est assez récent. Puis dans une logique qui est... ben logique "51, 52, 53" et j’en passe.

Contrairement à l’horloge du four, notre micro-ondes recule dans le temps, il indique les secondes qui restent. 47... Nicolas reprend le compte, il ne lit pas, il anticipe les chiffres "46, 45, 44, 43" etcetera.

Nicolas sait donc compter en avant, en arrière, et il fait clairement la différence.


Et nous sommes entourés de chiffres à la maison. Sympa comme sujet de conversation avec son gamin...


Quelques minutes plus tard, Nicolas va chercher son puzzle avec les chiffres en bois. Il sort deux chiffres, les aligne et dit tout fièrement "trente-sept". Bien! Je lui inverse les chiffres et pose la question ce que cela représente. Nicolas me regarde, je lis dans ses yeux qu'il veut connaître la réponse. Je lui donne la solution, Nicolas reprend le sept et le trois et va expliquer à maman que c'est le septante-trois. Puis il range les chiffres et en sort deux autres : "dix-huit"... Au bout d'un quart d'heure, je range ce puzzle et en sort un autre, avec des animaux. Nicolas, lui, n'en a pas envie et part à la cuisine lire l'horloge du four.


Est-ce que nous avons un petit génie à la maison? Non, je pense que chaque enfant a ses forces et ses faiblesses (sauf les enfants à Monsieur et Madame X qui sont, eux, parfaits...)

Je vous raconte ceci pour vous montrer une fois de plus que mon fils vit dans son monde à lui. Ça sert à quoi de savoir compter quand on vit sur une autre planète? Qu’on n’arrive pas à jouer avec quelqu’un d’autre, qu’on n’arrive pas à accepter une visite non annoncée sur le programme journalier? Qu’un changement de lieu reste difficile et un changement de siège dans la voiture est impossible? Que les nuggets de poulets ne se mangent plus au fast food parce qu’une seule fois nous les avons achetés à l’emporter...

Les chiffres lui permettent de se protéger. C'est une protection des situations imprévues, protection de ce qui n'est pas "normal", protection de ce qu'il n'a pas envie de voir ou vivre. Il se projette dans son monde imaginaire de chiffres pour ignorer le reste.

Peut-être que Nicolas ira travailler aux impôts quand il sera grand, comme son papa. Entre nous, je pense qu'il y a plusieurs personnes atteintes d'un TSA qui travaillent chez nous. Il font du bon travail, enfermés dans leur bureau individuel.

Avec certitude, quand Nicolas aura 18 ans, j'irai avec lui au casino. Il comptera les cartes et j’empocherai les gains. Les gains obtenus au casino ne sont pas taxés en Suisse :-)