jeudi 21 septembre 2017

30. Début de saison difficile

Est-ce que cette situation vous parle?

La nouvelle saison va commencer, et comme tout le monde vous êtes impatients que ça reprenne enfin. Vous avez des grands projets pour les mois qui suivent. Une nouvelle équipe s'est constituée, des renforts sur presque toutes les positions. Le noyau dur de l'année dernière est resté en place pour donner de la stabilité à l'équipe. Les objectifs sont élevés pour cette nouvelle saison, il faut qu'il y ait du progrès par rapport à l'année passée... Hélas, le début de saison ne se passe pas comme espéré. Les résultats ne sont pas ceux espérés. On cherche des explications, comment peaufiner le système, puis on cherche les fautifs. Les résultats, eux, ne sont toujours pas ceux escomptés. Combien de temps passera avant la première tête sacrifiée?

Non, je ne parle pas football! Ni FC Sion ni Constantin. Je laisse les autres parler du ballon rond, ils le font mille fois mieux que moi. Regardez donc le titre de ce blog!!! Je suis devenu connaisseur de l'autisme et de Nicolas avant tout.

Ma saison, c'est l'année scolaire. Comme Nicolas a commencé la vraie école à la rentrée, avec comme "goodie" deux nuits d'internat dans l'institut, nous avons changé l'équipe qui l'entoure: une nouvelle institutrice, l'équipe de l'internat, une nouvelle psychologue, des nouveaux responsables d'unités et une nouvelle directrice d'établissement. Ceux qui sont restés, donc le noyau stable, ce sont nous (les parents), la pédopsy et la logopodédiste. J'avoue, c'est un peu comme le FC Sion (même si nous avons plus de stabilité chez nous).

Les objectifs étaient clair. Nous ne visons pas la Champions League, nous voulons "juste" que Nicolas progresse, qu'il apprenne, qu'il devienne à moyen terme plus indépendant. Aujourd'hui encore, il est langé jour et nuit, il ne s'habille pas, il ne parle presque pas, il n'a pas la notion du danger... donc surveillance toute la journée - sauf quand il dort.

On s'attend à ce que les débuts à l'école soient difficiles, on s'attend qu'un petit autiste ait de la peine avec tout ce changement, mais on ne s'attendait pas à ce que ce soit ainsi!

Avec le changement du système, Nicolas a reculé. Il dort de nouveau mal, même à la maison. Du coup, il est plus fatigué. Du coup, il pleure beaucoup! Du coup, il dort encore plus mal...

Les séparations sont difficiles pour lui et pour nous. Mais tout le système n'est pas mal. S'il adore l'école, il a d'autant plus de mal avec l'internat. Oui, il n'a même pas cinq ans, c'est peu pour le mettre à l'internat deux nuits par semaine. Ce n'était pas une décision facile pour nous de le placer, mais c'est vital pour le reste de la famille. Il y a deux autres enfants, il y a des parents qui luttent tous les jours...

Et du coup, on commence à mettre le vital en question. Et si on changeait l'approche? Internat ou pas? Etait-ce vraiment le bon choix de le mettre dans cette école spécialisée, ou est-ce que nous aurions dû viser une école normale avec un soutien scolaire? Il y a quelques mois, nous avons envisagé de changer de canton parce que les soutiens scolaires dans le canton de Fribourg sont trois fois moins nombreux, 6 unités hebdomadaires chez nous contre 18 dans le canton de Vaud, à trente kilomètres d'ici. On aurait quand même dû déménager... Un changement s'impose?

Oui, je suis Valaisan! Non, je ne suis pas Christian Constantin. Tout le monde reste! Nous avons donc eu une première puis une deuxième discussion ouverte avec toute l'équipe. Mon épouse et moi sommes aujourd'hui convaincus que l'institut et l'internat sont la meilleure chose qui auraient pu arriver à Nicolas... et à nous! Quelques réglages fins par ci, un coup de tournevis par là... L'équipe fait preuve de beaucoup de compréhension et de flexibilité. 

Merci à toute l'équipe de nous avoir écouté! Nicolas est celui qui s'adapte le plus et le plus vite. Merci à toute l'équipe d'avoir accepté d'adapter vos routines aussi!

Je sens qu'on vise l'ascension... et peut-être même la coupe? Nicolas va faire beaucoup de progrès! Je vous tiendrai au courant.



Précision: Hasard du calendrier, j'ai publié ceci quelques minutes avant l'attaque de M. Constantin sur M. Fringer! Non, pas de soucis, je n'attaquerai personne physiquement...

jeudi 7 septembre 2017

29. Smørrebrœd

J'attends ce jour avec impatience, il arrivera probablement en 2023 ou peut-être en 2026. Je serai avec Nicolas à la place de jeu ou dans un bistro. Nicolas me parlera comme aujourd'hui, en insistant sur chaque syllabe "Bakraka palakri reckeu". Je serai en face et j'essaierai de comprendre. Tu veux encore un jus de pomme? "Reckeu! Reu keu!!!" Tout à coup, un Monsieur à côté de nous se retournera en disant "Oh! Vous êtes danois? Moi aussi!" Ah bon???

Et c'est à ce moment que je réaliserai que Nicolas sait parler, qu'il essaie de m'expliquer son vécu et ses sentiments depuis 6 ou 9 ans, et que je n'ai rien compris parce qu'il parlait juste une autre langue. Le gentil Monsieur, Olav ou Gustav, me traduira le tout du danois, et en l'espace de quelques minutes je comprendrai énormément de choses sur le comportement de Nicolas. Il me dira pourquoi il crie souvent, pourquoi il ne peut pas passer de l'autre côté de la rue pour aller en ville, pourquoi les yaourts ne se mangent qu'avec la cuillère en plastic bleue, et pourquoi il s'assied toujours derrière à droite dans la voiture. Et du coup, en l'espace de quelques semaines, j'aurai appris le danois, et je pourrai enfin communiquer avec Nicolas.




Je dis danois parce qu'il y a beaucoup de AA et des ÖÖ dans son discours. Ça pourrait aussi être du suédois ou l'islandais. Quand j'y pense, il y a aussi pas mal de KRR et des CHCH dans ses mots... En tous cas, ce n'est pas du suisse-allemand ni le haut-valaisan, je le comprendrai! C'est peut-être du hongrois ou du bulgare?

C'est que la situation actuelle est assez frustrante. Nicolas essaie de me dire des choses, je vois dans son regard qu'il veut que je comprenne... et ce nul en face de lui ne comprend rien. Tu as faim? Il branle la tête. Tu veux sortir? Non plus. Faire un puzzle? Nicolas soupire, se lève et va chercher un pampers propre dans sa chambre. J'y étais presque...

J'ai dans ces moments un sentiment d'impuissance, et cela me dérange. C'est comme si vous devez expliquer à un mécanicien en italien ou en polonais que la voiture a un problème avec les freins. Vous regardez sur Google Translate comment cela se dit. Pas de problème jusqu'ici. Puis le mécano vous pose des questions. Vous comprenez grâce aux gestes mais comment lui dire qu'il y a un sifflement quand vous freinez à la descente mais plutôt un grincement à la montée. Et quand la voiture est froide, ça sonne plutôt comme un marteau qui tape... des finesses non négligeables pour une bonne prise en charge.

Il y a heureusement quelques moments de réussite. Quand, devant la télé ou la tablette, Nicolas me dit "Peppa Pig", "Mélodilous" ou "Barbapapa", je sais parfaitement ce qu'il veut. Hélas, la vie ne se résume pas aux dessins animés. J'aimerai bien pouvoir lui expliquer qu'il peut "être enfant" et faire des bêtises certains moments, mais qu'il faut être cool quand ce n'est pas le moment de de faire le con. "Peukrahkcha!" Comment? "Peuh kraah Kchah!" Il me regarde comme si j'étais un débile qui ne comprend rien. Je ne comprends rien! Au secours! Vite, Google Translate! Mais quelle langue dois-je sélectionner? Il y a les traductions azéri, zoulou et même yorouba. J'aurais plutôt essayé autistique, nicolasien ou même débile... Vous aurez compris, vous, que je n'ai pas trouvé la traduction.

Je continue donc à parcourir les places de jeu et parcs avec mon fils en espérant trouver Ingwarsson ou Igor qui me dévoilera ce secret de ma vie pas encore résolu...

mardi 5 septembre 2017

28. A Sabine


A toi, Sabine, que j’ai vu hier toute triste, fatiguée, désemparée. Tu ne t’appelles pas Sabine mais tu te reconnaitrais dans ces lignes. Notre discussion d’hier m’a chamboulé même si nous nous sommes vus que cinq ou dix minutes. Je dois me resituer, mettre l’église au milieu du village. De quoi je me plains? Pourquoi je râle?

Mon fils est autiste. Ca ne fait pas partie des maladies parce que cela ne guérit pas, c'est donc un handicap. Depuis deux ans et demi que le diagnostic est tombé, Francine et moi avons tout fait non pas pour le soigner mais pour qu’il ait des chances à s’en sortir tout seul plus tard. Même s’il ne guérira probablement jamais, il a fait des sacrés progrès !

Ton fils est malade. Il n'a pas juste une grippe, c'est du très sérieux! Il guérira grâce aux médecins, aux thérapeutes, au temps qu’il lui faudra. Mais surtout grâce à ses parents qui feront tout pour l’aider et qui lui donnent plein d’amour !

Vous avez introduit des changements dans son entourage, dans votre quotidien. Vous avez mis votre fils (encore plus) au centre. Il le sait, et ceci l’aidera à aller mieux plus vite.

Votre vie a basculé. Tu as peut-être l’impression que vous êtes du mauvais côté de la bascule, mais c’est peut-être le déclencheur pour autre chose ? Tout ce qui arrive dans la vie a un sens.

Il faut faire abstraction de ce que disent les autres. Tu es la maman, tu sais mieux que qui que ce soit ce qui est bien pour lui !

Vous avez fait des choix, il se pourrait que d’autres choix s’imposent. Se décider pour une chose signifie qu’on a fait un choix contre autre chose. Ce qui compte, c’est ton fils, tes autres enfants, toi, ton couple.
- Tes autres enfants. Même s’ils ne le disent pas, ils souffrent de la situation. Ils pourraient se sentir délaissés par l’attention que vous portez pour votre fils. Prenez soin de leur expliquer les choses. Permettez-leur de temps en temps des extras PARCE QUE ils sont si forts dans cette situation difficile.
- Ton couple. Même si tu n’as pas abordé le sujet, je m’imagine que le couple pourrait être mis à rude épreuve. Ce ne serait que normal d’avoir des tensions qui n’existaient pas avant. Moi, c’est le couple qui m’a permis de tenir. Quand l’un est en bas, l’autre peut le tirer en haut. Et l’inverse aussi. Prenez soin de vous aussi !

Il faut de la force, beaucoup de force ! Toute la force que tu lui donnes pour qu'il aille mieux. Puis encore de la force pour que les autres enfants ne se sentent pas trop seuls. Sans parler de la force pourqu'à la maison, il y a à manger sur la table et pour que les habits ne soient pas sals. Puis la force pour se lever le matin et aller travailler. Ce n'est pas parce qu'un enfant est malade qu'il n'y a plus de nécessités économiques... Et quand tu as trouvé sans savoir où toute cette force, il faut encore de la force pour te lever le matin et entamer une nouvelle journée... Puis de la force de ne pas écouter les mauvaises langues qui disent qu'ils ne te voient plus et que tu pourrais faire des efforts. C'est du n'importe quoi !!!

Ma vie n’est pas toujours facile, mais QUI a la vie toujours facile ? Je n’ai pas choisi les challenges qu’on m’a donnés, je n’ai pas l’impression d’avoir provoqué quoique ce soit, les diagnostics me sont tombés dessus. Je vis avec ce qui arrive, j’attaque ma vie d’une autre manière, j’ai l’impression de grandir tous les jours. J’ai fait des choix que d’autres personnes ne comprennent pas, je me prive régulièrement, mais je suis là pour mes enfants. Ils me le rendent régulièrement : un câlin, un sourire, un regard. Les autistes ne sont pas connus pour les grandes paroles ni pour exprimer leurs sentiments. Un regard content de quelqu'un qui est différent ou juste malade, c'est génial !

J’en parle ouvertement. J’écris, il paraît que j'ai même monté un blog. Cela m’aide. Le fait que tu as commencé d’en parler ouvertement t’aidera à mieux « digérer » le tout et de trouver de la force là où tu ne t'attends pas. Et surtout, ça fera taire les mauvaises langues, ça tuera les rumeurs. Je te félicite d’en parler. Le premier pas, si difficile à franchir, est fait.

Si nous pouvons faire quelque chose pour vous, et si ce n'est que boire un café et parler, dites-le nous. On sera là !