mercredi 12 juillet 2023

Jongleurs

Sans vouloir nous vanter, je ne peux pas le nier : en tant que parents d'autistes, on développe des compétences dont on n'avait pas connaissance avant. 

Perso, j'arrive à "éteindre" mes oreilles lorsque je n'ai plus envie d'écouter un bruit qui m'énerve ou de couper court à une discussion qui ne m'intéresse pas. J'ai aussi réussi à élargir mon regard sur la vie en général. Parlant du regard, j'ai appris à ignorer le regard des autres lorsqu'ils me dérangent. J'ai également renforcé mon esprit de combattant pour des choses auxquelles j'estime avoir droit, par exemple le droit de scolariser mon fils ou d'obtenir qu'on tienne compte de sa différence.

En plus de cela, un parent d'autiste apprend à jongler. Pas avec des quilles ou des balles sous un chapiteau, mais dans la vie réelle. "Jongler" consiste à garder toute composante de votre quotidien en l'air pour éviter qu'un élément tombe par terre et se brise... et souvent provoque des réactions en chaîne. Je vous ai régulièrement parlé de notre combat avec les assurances sociales, les autorités ou l'organisation avec les médicaments, voici les dernières réussites de ma chère et tendre épouse.

Nicolas va à l'école primaire ordinaire à environ 50%. Peut-on parler qu'un enfant est scolarisé s'il passe la moitié de son temps ailleurs qu'à l'école? C'est une question que nous nous posons aussi, mais ce n'est pas le sujet de cette publication.

D'un côté, vu son besoin de soutien et d'encadrement, l'école ne veut et ne peut pas accueillir notre fils plus souvent. De l'autre côté, il faut avouer que Nicolas est très fatigué par la stimulation permanente dans la classe, la cour de récréation et surtout les transitions lors du trajet scolaire.

Les demi-journées non scolarisées, il va chaque semaine à la logothérapie et l'ergothérapie. Cette année-ci, il a également participé à un groupe de compétences sociales afin d'apprendre les bases d'une vie avec d'autres enfants.

Cela demande du temps pour l'amener et le chercher, certes, mais aussi pour différentes réunions avec les thérapeutes avant et après une thérapie. Le fait de préparer Nicolas aux thérapies, de faire le taxi tout en promenant le chien pendant la thérapie, puis de débriefer fiston après chaque séance est un travail à plus de 50%, qui lui n'est pas valorisé. Mais avant tout, tout cela demande un talent d'organisation!

Si certains thérapeutes demandent depuis février déjà quel jour de semaine et à quelle heure la thérapie pourrait avoir lieu à la rentrée, les écoles ne font pas leur horaire avant les vacances d'été. Sans insister, insister et insister encore, impossible de savoir quel sera l'horaire à Nicolas en août. Je comprends que les salles spéciales comme halle de gymnastique ou piscines sont attribuées aux classes fin juin seulement pour la prochaine rentrée, je comprends que l'horaire de classe sera établi par la maîtresse une fois que l'emploi des salles est connu seulement. J'ai plus de peine à comprendre pourquoi il n'est pas possible de faire tout ce travail durant le printemps déjà. Un travail prévisible peut être fait en avance.

En parallèle, nous ne savons pas avant le mois de mai si Nicolas aura encore telle ou telle thérapie l'année prochaine, pourtant jugée importante pour un enfant sur le spectre de l'autisme, mais peut-être pas nécessaire pour les décideurs parce qu'il a déjà bénéficié de la logothérapie ces deux dernières années, par exemple.

S'ajoute à tout cela le fait que les créneaux horaires disponibles se font rares chez la logothérapeute. Certaines écoles savent en avril déjà quel enfant ira quand à l'école à quel endroit, ou alors le planning de leurs enfants sera fait sur la base du planning des thérapeutes.

Et il y a aussi des bonnes surprises de dernière minute : une unité hebdomadaire de psychomotricité scolaire a été octroyée, et ce sur le temps d'école. C'est du super-flexible, à dispo, on trouvera un créneau horaire qui conviendra à Nicolas... ou pas. 

Afin de ne pas surcharger notre fils, nous avons décidé de biffer l'ergothérapie. Il en aurait toujours besoin mais cela ne sert à rien de le surcharger. C'est pour la même raison qu'on attend toujours avant de l'inscrire au cours de piscine ou un autre sport.

La fin de l'année scolaire se rapproche. Il ne reste donc plus qu'à établir l'horaire, avec des casses-tête style "ah non, le mardi je ne travaille pas", "mercredi mon cabinet est plein", "s'il va à l'école jeudi après-midi, il aura forcément la piscine" ou "j'enseigne dans une autre école le vendredi matin", tout ceci combiné avec des restrictions de ne pas l'envoyer 2 jours entiers de suite à l'école, ni moins d'une heure et demie à la fois car les transitions sont trop compliquées. Aucune restriction par contre de notre part, on calque notre vie sur les besoins de Nicolas.

Etant restée sans nouvelles, mon épouse a donc pris le bâton de pèlerin la dernière semaine de cours pour établir l'horaire à la prochaine rentrée de Nicolas. Au bout de xx mails, appels téléphoniques et messages WhatsApp, elle a tenu en main, l'avant-dernier jour de l'année scolaire, un planning qui tient la route et qui ne surchargera pas Nicolas à la rentrée, tout en lui permettant de suivre les thérapies nécessaires. 

Lorsque Nicolas aura fini sa scolarité, ma chérie pourra s'engager au Cirque Knie ! Là au moins, ses talents d'organisatrice et de jongleuse seront reconnus. Bravo !


Pour ceux qui veulent connaître son programme, voici quelques indices pour connaître son planning :
- Nicolas ira à l'école tous les jours du lundi au vendredi pendant au moins 2 unités.
- Il n'ira pas à la logopédie le mardi et pas à la psychomotricité le vendredi.
- Le psychométricien ne fait pas de thérapies le jeudi.
- Nicolas n'ira pas à l'école le lundi et mercredi après-midi.
- En tout, il suivra 18 unités scolaires par semaine, réparties sur 5 demi-journées. 
- Pour plus d'infos, si vous voulez connaître les disponibilités des personnes s'occupant de Nicolas, veuillez faire un e-mail pour le thérapeute A, WhatsApp pour B, téléphone pour C et D (en dehors des heures de bureau mais pas trop tard le soir), sans oublier de mettre la direction de l'école en copie si cela concerne le scolaire... 

Vous êtes d'accord qu'il faut des talents ni connus ni reconnus?