samedi 18 mars 2023

Réflexions sur notre système de santé

Voici un blog en 2 parties : 
- quelques réflexions sur le système de santé en Suisse, puis
- nos expériences avec ce même système de santé dans notre quotidien avec Nicolas (10 ans) qui vit avec un autisme et une arthrite juvénile.


Réflexions

Ayant habité presque cinq ans en Angleterre, pays dans lequel le système de santé était au bord du gouffre il y a vingt ans déjà, j'ai toujours été fier du système de santé suisse qui tient encore debout. Je ne dirai pas que je suis content de payer mes primes de caisse maladie qui augment d'année en année, mais au moins je sais que je reçois quelque chose en retour lorsque j'en ai besoin.

D'après l'office fédéral de la santé public, nous avons trop de médecins en Suisse, surtout des spécialistes. Trop de médecins veut dire trop de coûts, car chaque médecin qui pratique coûte de l'argent au système de santé.

Afin d'y remédier, le nombre d'étudiants admis en médecine a été réduit (numérus clausus). Suite à cela, la Suisse ne "produit" plus assez de médecins depuis une bonne dizaine d'années

Le nombre d'habitants en Suisse augmente en flèche, nous allons franchir les 9 millions d'habitants en 2023, une augmentation de 20% en vingt ans. Le nombre de médecins en Suisse, lui, baisse.

Une ordonnance fédérale a été établie récemment qui définit le nombre maximal de médecins admis par spécialité et par canton. En croyant ce qui est écrit noir sur blanc par nos autorités, nous avons trop de médecins dans notre pays.

Je connais de plus en plus de personnes qui n'ont plus de médecin traitant... parce qu'il n'y en a pas. Dans certaines villes, il faut plus de trente appels pour trouver un médecin disponible. Ces personnes sans médecin traitant se rendent donc aux urgences dans les hôpitaux pour une simple grippe parce que leur employeur exige un certificat médical dès le troisième ou cinquième jour d'absence.

Pour remédier à ce manque de médecins, les docteurs travaillent de plus en plus longtemps (j'ai même entendu à la radio qu'il y a des chirurgiens de plus de 80 ans qui opèrent encore). Heureusement, des médecins avec des diplômes étrangers viennent s'installer en Suisse (37,4% des médecins pratiquant en Suisse ont un diplôme étranger selon la FMH), même si je ne crois pas que ceci est une solution durable.



Comme ce blog parle du quotidien d'un papa d'autistes, je vais parler Autisme. Je réalise que nous avons eu beaucoup de chance de trouver une pédopsychiatre spécialisée en autisme il y a sept ou huit ans pour poser un diagnostic. Nous avons également une logopédiste et Nicolas va régulièrement à l'ergothérapie, après avoir attendu presqu'un an qu'une place se libère.

Aujourd'hui, selon les statistiques, entre 1 enfant sur 65 et 1 enfant sur 100 est touché par l'autisme. Ces statistiques tiennent uniquement compte des personnes diagnostiquées. 

Dans notre canton, lorsqu'un diagnostic d'autisme est posé par une entité spécialisée, les parents reçoivent une liste de plusieurs pages avec des pédopsychiatres, logo- et ergothérapeutes ou psychomotriciens à contacter. Débrouillez vous ! Mais il n'y a que peu de chances de trouver des intervenants rapidement, tout le monde a des listes d'attente d'une voire deux années... et pas certain que le prochain pédopsychiatre disponible connaisse bien l'autisme. 

Dans un canton voisin, le temps d'attente pour un tel diagnostic est de deux ans. Le parlement cantonal vient d'octroyer des fonds publics pour pouvoir diagnostiquer l'autisme chez les enfants. Tout reste à faire.

Je vous ai dit, nous avons de la chance !


Notre quotidien

Nous bénéficions de la prise en charge médicale de Nicolas par l'assurance invalidité (AI), du moins pour tout ce qui touche à l'autisme. L'AI paie les traitements et médicaments, mais ils ne nous trouvent pas les médecins ou thérapeutes.

Comme bon nombre d'autistes, Nicolas n'a pas ou pas assez de production de mélatonine, hormone du sommeil. Depuis bon nombre d'années, nous lui donnons quelques millilitres d'un sirop pour qu'il arrive s'endormir une petite heure plus tard.

Je ne considère pas ceci comme un médicament, la mélatonine est librement disponible dans les pharmacies dans de nombreux pays afin de remédier, par exemple, au Jet-lag.

Et soudain : STOP ! L'AI s'interroge pourquoi Nicolas a besoin de mélatonine depuis toutes ces années. Une petite demande écrite à notre pédopsychiatre, copie aux parents, pour qu'elle établisse un rapport médical pour justifier ces frais (environ Fr. 40.- par mois).

Comme notre pédopsychiatre est très compétente et surtout très occupée, ce rapport n'a pas été établi dans les délais octroyés. Un premier rappel (copie aux parents) puis un deuxième, puis une missive de l'assurance invalidité aux parents pour qu'on intervienne de suite auprès de notre médecin pour qu'elle établisse toute de suite ce rapport. 

A croire que c'est le travail des parents de courir après les médecins pour qu'ils répondent aux questions basiques des assurances sociales. 

Comme j'aime bien écrire, j'ai donc posé cette question à l'AI, en précisant que 1) il devient impossible de trouver un pédopsychiatre, 2) ces derniers sont très occupés, 3) la majorité des personnes autistes - enfants et adultes - ont besoin de mélatonine pour pouvoir s'endormir et finalement 4) nous les parents sommes déjà au bord du gouffre sans devoir courir derrière les médecins.

Environ six semaines plus tard, nous recevons un appel d'un service de médiation de l'AI qui 1) s'excuse du retard dans leur réponse à notre courrier, 2) nous informe que la demande de mélatonine a été validée et 3) qu'ils vont adapter le texte de leurs futurs courriers aux parents, ceci afin de ne pas offusquer d'autres parents. Ils ont en effet constaté que les médecins répondent de moins en moins aux demandes de l'assurance invalidité. Résultat principal de cet appel : Nicolas a toujours droit à la mélatonine.


Vous n'allez pas me croire mais c'est vrai : Quinze jours après avoir reçu la confirmation de la prise en charge de la mélatonine, l'AI nous envoie une copie de la lettre adressée à la pédopsychiatre. L'assurance invalidité demande à la doctoresse d'établir un rapport médical qui justifie les besoins de Nicolas en ergothérapie.


Je commence donc à comprendre pourquoi notre pays manque de médecins. Ce n'est pas la faute d'une population vieillissante. Les hypochondriaques n'en sont pas la cause ni le nombre restreint de nouveaux médecins formés. Si, aujourd'hui, la Suisse manque de médecins, c'est la faute à une bureaucratie qui prend le dessus !