samedi 13 août 2022

141. L'heure c'est l'heure

Pour Johnny noir c'est noir, pour Daniel un chat est un chat, et pour Nicolas l'heure c'est l'heure.

Il règle lui-même ses journées comme une horloge suisse, et le moindre écart est aussi mal supporté que le retard d'un train suisse par un pendulaire.

Si une planification précise s'avère importante pour un enfant (autiste ou non) en période scolaire, les parents apprécient lâcher prise pendant les vacances. Comme les autistes ont besoin de prévisibilité et d'organisation, nous avons bien planifié et structuré les mois de juillet et août, jour par jour. L'heure et même la minute, c'est lui-même qui se les impose.

Le lever du matin est l'un des seuls moments qui n'est pas programmé d'avance. Cela arrive entre 6h15 et 6h45, sans réveil. Nicolas déjeune et prend ses médicaments. Ensuite, il joue jusqu'à 8h50, heure où il se repose dans la chambre. Retour à 9h50 pour la suite du jeu. Après le repas de midi (qu'il entame à 11h15 en sortant les Tupperware du réfrigérateur), il se retire dans sa chambre jusqu'à 13h50, heure qu'il annonce à haute voix lorsqu'il descend l'escalier comme un guet.

Pendant la journée, il fait des allers-retours à la cuisine pour guigner l'heure inscrite sur le four. Ou sur l'horloge de la salle à manger. Ou sur le portable à maman.

Même topo le soir : A 20h33, il se met en pyjama, brosse ses dents puis se couche. Le temps d'une histoire, Nicolas se relève et s'agite en chantant et dansant. A 21h31, il appelle maman pour qu'elle lui fasse un bisou. Il pose quelques questions pour se rassurer puis dodo.

Lorsque nous avons des invités, Nicolas veut savoir à quelle heure ils arrivent... et à quelle heure ils partent. Nous demandons à nos invités d'être bien à l'heure annoncée afin d'éviter des crises. Quelques minutes avant l'heure de départ annoncée, Nicolas leur rappelle qu'ils doivent partir dans quelques minutes! Sympa...

Gare aux invités qui arrivent avec dix minutes de retard et qui se font recevoir par notre fils comme du poisson pourri parce qu'il a eu le temps de monter les tours : "Vous êtes méchants, vous n'êtes pas à l'heure !" 

Nous avons essayé d'alléger le cadre en travaillant avec des laps de temps (p.ex. arrivée entre 11h30 et midi), en demandant de la flexibilité, en provoquant nous-même des retards, en supprimant les horloges dans la maison... mais cela ne marche pas. Nicolas s'est fixé ce cadre et il le suit à la minute près.

Nous en avons parlé à des professionnels mais n'avons pas reçu d'aide concrète, à part la ritaline et le risperidone qu'ils nous proposent et que nous refusons parce que nous avons déjà subi tout le parcours il y a quelques années.

Ses réactions peuvent vous paraître étranges lorsque vous lisez ces lignes. Nous vivons avec lui, et nous avons pris l'habitude de ses façons d'agir et réagir. Nous vivons avec les regards et les remarques des autres, cela a changé notre vie.

Nicolas a maintenant dix ans. Il est intelligent et s'est lui-même construit des stratégies pour mieux vivre son quotidien. Comme beaucoup de personnes TSA (ou toutes), il a besoin de structures. Il est capable de s'en créer si nous ne comblons pas entièrement ce besoin. 

J'entends d'autres parents d'enfants autistes qui me disent qu'ils ne structurent pas leur quotidien parce que c'est trop contraignant de tout organiser, parce qu'ils veulent laisser de la liberté à leur gamin ou tout simplement parce que leur enfant n'a pas besoin de planning. Je n'arrive pas à imaginer combien notre petit souffrirait d'un tel manque de structure, ou s'il n'était pas capable de se la créer.