vendredi 30 avril 2021

130. Dès qu'on pense

Le texte suivant n'engage que moi en tant que papa d'autistes. Je suis ni médecin ni pharmacien, mais c'est du vécu !


J'ai choisi ce titre « Dès qu'on pense » pour cette publication mais je vais parler de décompense. Phonétiquement, c’est presque juste.

Depuis quelques semaines, Nicolas est en pleine décompensation. Et nous, toute la famille, on déguste ! Alors, s'il y a des parents qui vivent une situation similaire avec leur petit : pensez-y !


Lorsque Nicolas avait deux ans, un pédopsychiatre a prescrit de la risperidone à notre fils. Il nous a conseillé de l'avoir en réserve, bien avant d'avoir posé un diagnostic, parce que Nicolas était très agité. Nous avons acheté une bouteille haute de 4 ou 5 centimètres. Le carton aurait pu contenir un litre de liquide parce qu'il contenait aussi la notice qui listait les effets secondaires de ce médicament. Il s'agit d'un neuroleptique, un médicament qui influence directement le système nerveux pour le calmer. Nous avons jeté la bouteille après la date de péremption sans en avoir donné à Nicolas.

Vers trois ans et demi, après avoir trouvé une pédopsychiatre qui a gagné notre entière confiance, nous avons commencé à donner ce médicament à raison de 0,25 ml deux fois par jour. Le quotidien était trop difficile, et il paraît que la risperidone est fréquemment administrée aux autistes et aux enfants très vifs.

Un demi mililitre par jour, ou un litre en six ans, c'est une dose minime... mais le patient qui en prend était minime aussi. C'est vrai que Nicolas s'est calmé, mais l'agitation était toujours très présente. La ritaline a fait une brève apparition mais nous l'avons rapidement stoppée, préférant un enfant superagité à un enfant absent.

Nicolas prend donc de la risperidone depuis plus de cinq ans. A petites doses, mais il en prend. A chaque période difficile, on nous conseille de doubler les doses pendant quelques semaines pour l'aider à passer ces moments durs. Nous ne l'avons jamais augmenté, notre but était de le débarrasser de ce médicament qui met du temps à pouvoir être stoppé.

Depuis quelques mois, nous nous sommes éloignés de tout médicament "classique". Entre l'arthrite juvénile et alléger son quotidien de TSA, Nicolas arrivait à une vingtaine de doses différentes par jour sans vraiment aller mieux. Nous avons tout stoppé pour lui donner des produits naturels à base de CBD, du cannabis médical, en toute transparence avec tous nos thérapeutes, y compris les médecins du CHUV qui n'y croient pas.

Le CBD a réussi à remplacer presque tous les médicaments. Les derniers clichés des articulations sont meilleurs que ceux quand Nicolas buvait des anti-inflammatoires à hautes doses. Il n'a donc plus besoin de filtres gastriques non plus, il dort sans mélatonine, substance qui l'a accompagné depuis six ans. C'est top !

Mais : nous n'arrivons pas à nous débarrasser de la risperidone ! Nous avons réduit la dose d’un quart. La réaction fut imminente, le lendemain déjà Nicolas partait en vrille! Il a mis des semaines à se normaliser. Il a arrêté de dormir seul dans sa chambre, il a peur des fantômes depuis...

Idem lors du passage à la moitié quelques mois plus tard. Contractions musculaires, déstabilisation psychique totale. C'est incroyable ce qu'une goute de liquide peut provoquer comme réaction quand elle n'est plus là. 

Nicolas décompense, il se décompose. Il paraît que ça peut même provoquer des hallucinations, et je pense bien qu'il en a. Les fantômes doivent bien venir de quelque part.

Ado, j'ai lu le livre "Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée". Elle a décrit en détail comment le manque d'héroïne se répercute sur l'être humain, cela m'a marqué. La désintoxication doit ressembler à l'enfer !

En voyant les réactions de Nicolas suite à la réduction des doses de risperidone, j'ai pensé à Christiane F et son enfer de la drogue. Ces prochaines semaines, Nicolas devra donc affronter les diables pour se sevrer de cette molécule. Nous le supporterons, nous l'accompagnerons. Période difficile !


Ce qui me choque : La risperidone est un médicament autorisé et remboursé par les caisses maladie. Ca rend addictif et dépendant, notre système de santé en subira des coûts pendant des décennies parce qu'il est prescrit en masse.

Nos traitements à base de CBD nous coutent quelques centaines de francs par mois et ne sont pas pris en charge par les caisses. Ils ne rendent pas dépendants mais, surtout, ils fonctionnent.

Alors, les autorités et les politiques, c'est pour quand le changement?

« Dès qu'on pense... »

Et vous, parents d'autistes qui me lisez. Réflechissez deux fois avant de donner la risperidone à votre enfant, même si le quotidien est insupportable. 



jeudi 1 avril 2021

129. Boum!

Nicolas grandit, Nicolas se développe bien, Nicolas fait des grands progrès. C’est super ! Le déménagement dans un canton où il peut aller à l’école lui fait du bien !

« Mais ce que votre fils est sage ! »

« Il a fait des grands progrès ces derniers mois ! »

« Je ne l’ai pas reconnu, tellement il a changé en bien depuis la dernière fois ! »

Que ce soit sa maitresse, des amis, l’ergothérapeute, la dentiste ou la voisine, tout le monde en a plein des louanges pour notre fils. On pourrait presque croire qu’il n’est plus autiste…

Mais détrompez-vous ! On naît autiste, et jusqu’à preuve du contraire, on meurt autiste. Et nous nous rendons compte tous les jours que Nicolas est bien autiste.

Nicolas se contient. Il respecte les règles imposées. Il absorbe tout comme une éponge, et il retient tout ce qu’il a absorbé. Et il se retient…

Pendant les heures de cours à l’école, on ne parle pas ; on écoute, on travaille.

A la récréation, les enfants sortent, courent, crient. Nicolas le sait même s’il ne supporte pas ce bruit. C’est comme ça.

Après la pause, c’est de nouveau le silence et la concentration.

A la fin du cours, quand la cloche sonne, les enfants courent dehors en criant.

Nicolas rentre à pied avec sa maman. Il est courageux, il se retient.

Dès qu’il a franchi le pas de porte à la maison, Nicolas explose. Il tape sur les meubles, il crie, il court dans la maison. Toute l’énergie qui s’est accumulée en lui, qu’il a retenu en lui, tout doit sortir. Vous ne vous rendez pas compte ce que ceci signifie. Pour nous qui habitons avec Nicolas, c’est comme l’effet de détonation d’une bombe. Et boum !

 

Idem lorsque nous avons des invités. Cela n’arrive pas trop souvent avec ce sale virus qui traine, mais nous estimons avoir droit à une vie de temps en temps tout en assumant les conséquences.

Nous prévenons Nicolas des invités lorsque nous lui présentons son planning mensuel. Il sait que cela fait partie du mois en cours, et il en parle tous les jours. Oui, nous planifions les visites de mai en avril. 

La veille de la visite, Nicolas commence à monter les tours : « Je ne dis pas bonjour ! », « Je ne veux pas manger avec eux ! », « Ils vont partir après avoir mangé ! »

Lors de l’arrivée de nos invités, il s’isole dans sa chambre.

Il mange dans un coin loin de nous.

Après le repas, il dit aux invités qu’ils peuvent partir parce qu’ils ont fini de manger. 

Dès que nos invités ont franchi le pas de la porte, la sirène se met en marche à 120 décibels : « Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! » En fait, c’est Nicolas qui crie parce qu’il doit laisser sortir tout ce qu’il a accumulé en lui ces dernières heures. Une situation en dehors de la normalité, des gens qui ne font pas partie de notre maison et probablement un repas qui a duré trop longtemps, tout cela l’a trop stressé.

Après la sirène, c’est l’explosion : Boum !

Maman ou papa fera office de démineur chez Nicolas pendant que l’autre range la cuisine…


La semaine passée, nous avons été au CHUV pour voir le développement de son arthrite juvénile. Je tiens à préciser que l’équipe du CHUV est extraordinaire : A chaque contrôle, Nicolas dispose du même box au onzième étage. Nous pouvons y aller avec notre chien d’accompagnement, rare sont les attentes supérieures à cinq minutes même en période de Covid. Bravo !

La dernière fois par contre, ils avaient du retard parce qu’un médecin était malade. Du coup, tous les boxes étaient occupés et nous avons dû patienter quelques minutes à la réception avant de poursuivre l’attente dans un box. Nous avons dit à Nicolas que tout allait rentrer dans l’ordre sous peu, mais on a pu apercevoir sur son visage qu’il en souffrait. Dès que nous avons pu entrer dans le box, Nicolas a tout lâché. Le stress de l’hôpital, mais surtout le fait que ça se passe autrement que d’habitude, tout cela l’a poussé au-delà de ses limites. Des cris, des pleurs…

Et là, quelque chose d’inattendu arriva : La doctoresse est venue tout de suite pour la consultation parce qu’elle connait bien Nicolas. Du coup, elle s’est rendue compte que c’était compliqué. Elle n’a pas dit « oh ce qu’il est sage » ou « quel gentil garçon qui grandit » ou quelque chose de ce genre.

Un être humain autre que papa, maman ou ses frères s’est rendu compte de la difficulté de la situation. Même si elle n’a rien pu changer, cela fait du bien !