jeudi 17 décembre 2020

125. Enquêtes et études

Avant d'obtenir le diagnostic de TSA (trouble du spectre de l'autisme) pour Nicolas il y a cinq ans, mes connaissances en autisme se limitaient au film Rain Man. Depuis, le quotidien avec mon fils m'a beaucoup appris... par exemple que ce film avec Dustin Hoffman n'est plus d'actualité de nos jours. En 2020 encore, je réalise tous les jours que mon apprentissage n'est de loin pas terminé.

Nous parlons de Nicolas et d'autisme en général autour de nous pour que notre entourage comprenne un peu mieux ce que nous vivons. J'écris ce blog depuis quatre ans en espérant participer à une meilleure connaissance de l'autisme dans la population.

En tant que parents d'autistes, nous participons régulièrement à des études liées à l'autisme. Nous participons à des visioconférences, remplissons des questionnaires, passons des longs moments au téléphone avec les enquêteurs pour parler du quotidien en tant que maman, des comportements défis d'un jeune autiste, pour tester la réaction d'un jeune TSA lorsqu'on lui présente des images, évoquer les aides concrètes qu'on aurait besoin, évaluer les prestations de l'assurance-invalidité, etc. 

Les enquêtes se font par différentes universités, des associations nationales ou régionales, des étudiants Bachelor ou des jeunes qui écrivent leur travail personnel de maturité. En contrepartie pour notre participation à l'étude, nous demandons juste une copie par e-mail du document présenté lorsque le travail est terminé.

Au début, je me suis senti honoré de pouvoir participer à ces études. Mon feedback aidera à situer les problèmes et à y remédier. Mes commentaires allaient améliorer le monde.

Avec le temps, n'ayant reçu que deux fois un retour concret, j'ai hésité à donner de mon temps... mais j'ai continué à le faire. Trop souvent, il fallait multiplier par deux ou trois le besoin de temps nécessaire indiqué lorsque l'étude nous a été présenté. Le fait de faire plus d'une heure de trajet pour la participation n'a pas été honoré par un merci. L'interview sensée durer une heure a pris la soirée entière, ou il fallait bloquer les six prochains samedis à 15h00 précises pour raconter notre semaine par Skype à un jeune doctorant. Pas de possibilité de décaler le rendez-vous de quelques heures: "Ah non, je ne travaille pas le samedi soir!" Et pourtant, c'est votre thèse, pas la mienne.

Si des jeunes étudiants obtiennent de bonnes notes grâce à leurs recherches sur un sujet "moderne" et leur engagement, certaines études professionnelles et très complètes sont transmises à nos autorités politiques, aux diverses administrations, aux assurances sociales dans le but de modifier quelque chose de concret. 

Les résultats de ces études sont toujours très semblables et reflètent ce que nous (et d'autres parents) répondons lors des enquêtes:

- L'autisme existe réellement. De plus en plus d'enfants sont touchés. Actuellement, ce chiffre s'élève à 1 enfant sur 65 environ.

- Il n'y a pas assez de capacités pour diagnostiquer un TSA en Suisse. Souvent, plusieurs années s'écoulent entre les premières suspicions et la pose du diagnostic.

- Une prise en charge précoce est hautement recommandée et utile pour les enfants avec autisme. Si les thérapies ont lieu au plus jeune âge, il y a de bonnes chances d'améliorer le quotidien de la personne touchée et de toute la famille.

- Les familles avec des jeunes autistes sont souvent désemparés et auraient besoin d'un accompagnement professionnel, d'une prise en charge ponctuelle de l'enfant, des participations financières pour les thérapies... et de soutien psychologique.

Une grande étude a été menée en 2015 sur le plan national. Suite à cela, le Conseil fédéral a émis en 2018 des recommandations aux cantons. Il entend encourager les personnes avec TSA de manière à ce qu'elles puissent participer aussi pleinement que possible à la vie sociale. Il a fixé dans ce but trois axes d'intervention prioritaires: 1) Le dépistage précoce, 2) le conseil et la coordination, ainsi que 3) l'intervention précoce. 

Depuis ces recommandations, peu a changé. Pire encore, des cantons vont à l'encontre des recommandations du Conseil fédéral. Les capacités de détection ont été réduites. Nous ne trouvons pas la moindre trace d'une coordination entre les offices touchés. L'assurance invalidité a revu sa pratique et réduit les prestations.

A quoi servent donc ces études? A occuper des enquêteurs et à remplir des classeurs fédéraux? Ou à se donner la bonne conscience?

De mon côté, j'ai déchanté. J'ai perdu ma naïveté et mon espoir d'améliorer le monde. Je garderai dorénavant mon temps et mon énergie pour moi et ma famille. Je refuserai de participer à d'autres enquêtes.

J'aurai plus de temps et je continuerai d'écrire :-)


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