mercredi 30 décembre 2020

127. Annus horribilis?

Actuellement, les gens ne se souhaitent plus une "bonne année" mais une "meilleure année". 

En effet, l'année qui se termine a commencé par un virus en Chine qui a amené une peinurie de papier toilettes dans la riche Suisse. Il y a eu la proclamation officielle de la pandémie, la première mobilisation de l'armée Suisse depuis la deuxième guerre mondiale, le confinement, pas assez puis trop de masques, encore plus de peurs provoquées par des ordres puis contre-ordres donnés par nos autorités. 2020 aura vu apparaître (et disparaître) des spécialistes dans beaucoup de domaines et la naissance de petites gueguerres entre la Confédération suisse et les cantons

Pour certains, hélas, l'année 2020 aura aussi été celle du départ d'un ou plusieurs proches. L'année qui touche à sa fin était horrible! 

Je n'ose presque pas le dire, mais pour nous, l'an 2020 était la meilleure année depuis longtemps! J'ai eu la chance de pouvoir continuer à travailler même s'il fallait s'adapter et être plus flexible. Grâce au télétravail, il n'y avait presque plus de trajets pour aller au bureau, j'ai donc gagné du temps précieux pour la famille. Mon employeur a versé le salaire ponctuellement et dans son intégralité, ce qui a aidé pour tout le reste. 

Avec Nicolas, nous étions habitués à un état de confinement depuis bientôt 8 ans, parce que nous avons réalisé depuis longtemps que c'est à la maison que ça se passe le mieux avec lui. Bien avant le confinement, nous avons biffé de notre quotidien les repas au restaurant et les voyages à l'étranger.

Par contre, 2020 a été l'année des grands changements chez nous. L'école à la maison dès la mi-mars nous a fait réaliser une fois de plus quel potentiel dormait en notre petit Nicolas. Le déménagement durant l'été fut un grand pas pour toute la famille : le fait de partir du centre-ville pour habiter dans un quartier rural a permis à Nicolas de s'ouvrir encore et encore. Le changement de canton a permis à notre fiston de fréquenter un programme scolaire digne de ce nom. Et le changement géographique nous a permis de trouver des nouvelles thérapeutes, très bénéfiques pour Nicolas.

Certes, tout cela a demandé un engagement exceptionnel, de la persévérance, de la force et beaucoup d'énergie, sussi de la chance. Mais le résultat est positif. Tout travail mérite son salaire.

Donc, ceux qui me souhaitent une "meilleure année", je leur réponds tout égoiste : "Merci, mais la même me suffirait!"

A vous, tout en vous remerciant de votre fidèle lecture, je vous souhaite une excellente année 2021 remplie de bonheur et de santé!

mercredi 23 décembre 2020

126. Muet

"Muet, ça s'écrit avec un T à la fin. Mais on ne dit pas le T, c'est un T muet. Quand c'est le pluriel, on ajoute un S qui est aussi muet." Paroles de Nicolas, futur prophète de la grammaire française. 

Puis il ajoute: "On dit le T quand c'est féminin, mais là on écrit muette, avec TTE à la fin. Et quand c'est le pluriel, on ajoute un S. Le S ne se prononce pas, il et muet."

Nicolas adore prendre le train. Pour lui faire plaisir, nous faisons régulièrement des trajets en train le week-end. Nicolas connait tous les arrêts sur les différents parcours que nous prenons. Il est tellement content qu'il a de la peine à se contenir, il devient agité. Nicolas n'arrive pas à rester assis, il parcourt les couloirs en annonçant les prochaines gares, bien avant que le haut-parleur du wagon ne le dise: "Ding-ding-ding. Prochain arrêt, Domdidier. Domdidier, ça s'écrit avec un R, mais le R ne se prononce pas. Il est muet. ER ça se dit é." 

Quelques passagers regardent et sourient, d'autres l'ignorent.

Le train repart. "Ding-ding-ding. Prochain arrêt, Avenches. Ça s'écrit avec un S à la fin. C'est un S muet, on ne dit pas le S."

Nicolas prend le souffle: "Ding-ding-ding. Prochain arrêt, Faoug. Faoug, ça s'écrit avec un G à la fin, mais le G ne se dit pas. C'est un G muet." 

"Ding-ding-ding. Prochain arrêt, Morat..." Oui, vous devinez juste, le T ne se prononce pas, Nicolas le proclame à haute voix. Les passagers qui ignoraient Nicolas avant lèvent leurs yeux au ciel. Deux personnes âgées assises à côté de nous soupirent. Eux, ils l'entendent depuis un quart d'heure. Que devrais-je dire, moi?

Nous sortons à Morat pour acheter une tarte à la crème à la boulangerie avant de prendre le prochain train qui nous ramène à la maison. Nicolas voit toutes les douceurs dans la vitrine et voudrait acheter un petit pain au chocolat, voeu que je lui accorde. En mâchant son snack, il dit: "Pain au chocolat, ça s'écrit avec un T. On ne dit pas le T, il et muet." Il réfléchit avant d'ajouter "Dans pain, il y a un N. C'est un N muet..."

A croire que toutes les lettres peuvent être muettes, mais quelqu'un ne l'est définitivement pas: Nicolas.

Je ne me plains pas du tout! Il y a 3 ans, Nicolas commençait tout juste à parler. Il a commencé à suivre un programme scolaire digne de ce nom 4 mois en arrière. Il a appris énormément de choses en peu de temps, et il s'en souvient. C'est super ce qu'il fait. Un beau cadeau de Noël!

C'est juste qu'au bout de quelques arrêts de train, ses paroles saoulent. Pas besoin de sabrer le Champagne pour les fêtes, écouter Nicolas fait le même effet que quelques bonnes bouteilles...

Joyeux Noël!



PS: "Noël, il y a deux points sur le E. Ca s'appelle un accent tréma..."

jeudi 17 décembre 2020

125. Enquêtes et études

Avant d'obtenir le diagnostic de TSA (trouble du spectre de l'autisme) pour Nicolas il y a cinq ans, mes connaissances en autisme se limitaient au film Rain Man. Depuis, le quotidien avec mon fils m'a beaucoup appris... par exemple que ce film avec Dustin Hoffman n'est plus d'actualité de nos jours. En 2020 encore, je réalise tous les jours que mon apprentissage n'est de loin pas terminé.

Nous parlons de Nicolas et d'autisme en général autour de nous pour que notre entourage comprenne un peu mieux ce que nous vivons. J'écris ce blog depuis quatre ans en espérant participer à une meilleure connaissance de l'autisme dans la population.

En tant que parents d'autistes, nous participons régulièrement à des études liées à l'autisme. Nous participons à des visioconférences, remplissons des questionnaires, passons des longs moments au téléphone avec les enquêteurs pour parler du quotidien en tant que maman, des comportements défis d'un jeune autiste, pour tester la réaction d'un jeune TSA lorsqu'on lui présente des images, évoquer les aides concrètes qu'on aurait besoin, évaluer les prestations de l'assurance-invalidité, etc. 

Les enquêtes se font par différentes universités, des associations nationales ou régionales, des étudiants Bachelor ou des jeunes qui écrivent leur travail personnel de maturité. En contrepartie pour notre participation à l'étude, nous demandons juste une copie par e-mail du document présenté lorsque le travail est terminé.

Au début, je me suis senti honoré de pouvoir participer à ces études. Mon feedback aidera à situer les problèmes et à y remédier. Mes commentaires allaient améliorer le monde.

Avec le temps, n'ayant reçu que deux fois un retour concret, j'ai hésité à donner de mon temps... mais j'ai continué à le faire. Trop souvent, il fallait multiplier par deux ou trois le besoin de temps nécessaire indiqué lorsque l'étude nous a été présenté. Le fait de faire plus d'une heure de trajet pour la participation n'a pas été honoré par un merci. L'interview sensée durer une heure a pris la soirée entière, ou il fallait bloquer les six prochains samedis à 15h00 précises pour raconter notre semaine par Skype à un jeune doctorant. Pas de possibilité de décaler le rendez-vous de quelques heures: "Ah non, je ne travaille pas le samedi soir!" Et pourtant, c'est votre thèse, pas la mienne.

Si des jeunes étudiants obtiennent de bonnes notes grâce à leurs recherches sur un sujet "moderne" et leur engagement, certaines études professionnelles et très complètes sont transmises à nos autorités politiques, aux diverses administrations, aux assurances sociales dans le but de modifier quelque chose de concret. 

Les résultats de ces études sont toujours très semblables et reflètent ce que nous (et d'autres parents) répondons lors des enquêtes:

- L'autisme existe réellement. De plus en plus d'enfants sont touchés. Actuellement, ce chiffre s'élève à 1 enfant sur 65 environ.

- Il n'y a pas assez de capacités pour diagnostiquer un TSA en Suisse. Souvent, plusieurs années s'écoulent entre les premières suspicions et la pose du diagnostic.

- Une prise en charge précoce est hautement recommandée et utile pour les enfants avec autisme. Si les thérapies ont lieu au plus jeune âge, il y a de bonnes chances d'améliorer le quotidien de la personne touchée et de toute la famille.

- Les familles avec des jeunes autistes sont souvent désemparés et auraient besoin d'un accompagnement professionnel, d'une prise en charge ponctuelle de l'enfant, des participations financières pour les thérapies... et de soutien psychologique.

Une grande étude a été menée en 2015 sur le plan national. Suite à cela, le Conseil fédéral a émis en 2018 des recommandations aux cantons. Il entend encourager les personnes avec TSA de manière à ce qu'elles puissent participer aussi pleinement que possible à la vie sociale. Il a fixé dans ce but trois axes d'intervention prioritaires: 1) Le dépistage précoce, 2) le conseil et la coordination, ainsi que 3) l'intervention précoce. 

Depuis ces recommandations, peu a changé. Pire encore, des cantons vont à l'encontre des recommandations du Conseil fédéral. Les capacités de détection ont été réduites. Nous ne trouvons pas la moindre trace d'une coordination entre les offices touchés. L'assurance invalidité a revu sa pratique et réduit les prestations.

A quoi servent donc ces études? A occuper des enquêteurs et à remplir des classeurs fédéraux? Ou à se donner la bonne conscience?

De mon côté, j'ai déchanté. J'ai perdu ma naïveté et mon espoir d'améliorer le monde. Je garderai dorénavant mon temps et mon énergie pour moi et ma famille. Je refuserai de participer à d'autres enquêtes.

J'aurai plus de temps et je continuerai d'écrire :-)