vendredi 9 octobre 2020

122. Jour 1

J'aime jouer. Avec Nicolas, je joue quasiment tous les jours. Hélas, Nicolas n’a jamais joué avec moi. Certes, je lui cours après, je le chatouille, on rigole ensemble. Je lui monte des circuits de train, des maisons en légo, des tours en briques de bois. Une fois préparé le terrain, Nicolas joue. 
Mais jamais, nous n’avons joué ensemble. 
Jamais il ne m’aurait laissé participer à son histoire. 
Jamais il ne m’a prêté une figurine qui aurait pu, elle, s’intégrer dans son histoire. 
Pour un papa, joueur ou non, ceci est frustrant!

Et tout à coup arriva le jour 1. En fait, c’était le jour 2891 de sa vie, mais vu l'évènement j’ai décidé de remettre le compteur à zéro: Nicolas joue avec moi! 

Après le souper, j’ai eu droit à ma figurine qui, elle, reçu un rôle dans son univers de jeu. Et comme cette figurine a fait rire Nicolas, s’en est suivie une deuxième et même une troisième. Nicolas était aux anges, il rigolait... il pleurait de rire, il ne voulait pas aller dormir alors que ses yeux tombaient. 

« Bonne nuit, Nicolas! »
« Papa, demain tu joues avec moi après le souper? »
« Oui, Nicolas. »
Roooooonfle...

Jour 2: en se réveillant, Nicolas demande à maman: 
« Ce soir, je peux jouer avec papa? » 
Il paraît qu’il a posé la même question une vingtaine de fois avant que je rentre du travail. Au repas du soir, Nicolas n’a pris qu’une petite portion avant de ranger son assiette et de me tirer par là manche pour monter dans sa chambre. La joie était lisible sur son visage!

Allongé sur le sol de sa chambre, j’ai eu droit au récit de la même histoire que mes trois figurines avaient joué la veille. Mais je n’étais plus l’acteur, j’étais spectateur. Mes tentatives de reprendre au moins l’une des figurines et de modifier l’histoire ont échoué. Au bout du troisième essai, Nicolas a sorti une nouvelle figurine de la caisse, me l'a donnée, mais cette dernière n’a pas réussi à s’intégrer dans l’histoire.

Jour 3: idem au jour 2, sauf que je n’ai pas eu besoin de demander pour recevoir la figurine. 
« Papa, tu joues avec Suma, le chien. » 
C'est comme au cinéma, le même film tous les soirs. Avec moi comme seul spectateur. Et une figurine dans ma main qui n'a pas envie de regarder le film mais d'y participer.

Jour 4: Rebellote! Sauf que Nicolas se met entre son terrain de jeu et moi, par peur que ma figurine pénètre sur sa surface.

C’est l’autisme, les choses se répètent. Toujours cette joie d’attendre papa qui doit « jouer » avec. Toujours le même jeu, toujours la même histoire. Hier soir, je me suis installé sur son lit, bien plus confortable que le tapis par terre. Et la figurine a lu les nouvelles sur mon portable avec moi.

Nicolas adore jouer avec son papa! 
J’ai adoré le jour 1, un nouveau chapitre à commencé. Comme chantait Louane:

« C’est le jour 1, celui qu’on retient, celui qui s’efface quand tu me remplaces... »

« Je veux un jour numéro 2... »

Le jour 2 a été chouette aussi. Mais je n’ai pas eu besoin d’attendre 100 jours pour avoir un « jour sans » comme la chanteuse.

Là, je sais que Nicolas est prêt pour le prochain « jour 1 ». Il arrivera peut être dans une semaine, dans un mois... ou plus tard. Ce nouveau jour 1 ouvrira encore un nouveau chapitre qui se chevauche avec d’autres chapitres ouverts dans notre vie.

Au moins, chaque nouveau chapitre nous permet d’aller de l’avant. Parce que le livre de la vie se lit depuis le début.