mardi 29 septembre 2020

121. Aller de l'avant, c'est bien. Faire attention, c'est mieux!

Un grand comique allemand - Otto - a raconté l'histoire de sa grand-mère qui est tombée de l’échelle en lavant ses vitres. Son médecin lui a donc interdit de monter sur les échelles pendant le rétablissement. Depuis, il a peur pour sa grand-maman à chaque fois qu’elle grimpe les gouttières lorsqu'elle lave ses fenêtres...

Pourquoi ce gag débile pour commencer ce blog? Parce que Nicolas fait un peu la même chose que cette vieille femme: il fait n’importe quoi pour atteindre son objectif!

Il a une tête dure comme le granit valaisan. Quand il a une idée en tête, il ne l'a pas ailleurs...

Comme les pleurs et les cris ne servent à plus grand chose devant ses parents devenus durs comme du rock et insensibles aux décibels, Nicolas invente des stratégies pour arriver à ses fins par ses propres moyens.

Un bruit récurent et strident sort du salon: iiiii-iiiii-iiiiiiiiiii. Nicolas pousse la grande chaise à travers la pièce pour accéder au planning journalier, accroché à deux mètres de hauteur, justement pour qu’il ne puisse pas y toucher! Il décroche le planning, enlève la douche et sa tâche ménagère - mettre la table - pour grimper à nouveau sur la chaise et accrocher le planning en espérant que nous n'ayons rien vu.

Résultat des courses? Nicolas a quand même mis la table, pris sa douche... et nous avons baissé le clou de 50 centimètres pour qu'il arrête ses acrobaties.

Un grand bruit parvient du jardin: Pinggggggg! Est-ce un avion qui s'est crashé dans notre jardin? Pas loin... Nicolas a laissé tomber la grande échelle lorsqu'il a essayé de la porter pour monter sur je ne sais pas quel arbre, probablement parce que le chat du voisin s'y trouvait. Mais la grande échelle est bien trop lourde pour lui.

Résultat: je vais devoir acheter un cadenas pour fixer l'échelle contre la cabane de jardin, il n'arrivera plus à la décrocher.

Nous faisons un tour en voiture, je m'arrête à dix mètres d'une boîte aux lettres pour envoyer un courrier. Quinze pas pour y aller, quinze pour revenir, je ne coupe donc pas le moteur. Tuuuuuuuuuuuuut! Nicolas s'est détaché de son siège, a filé devant, s'est installé devant et klaxonne. Pire encore, il ferme la porte et ne veut plus me laisser rentrer! Heureusement qu'il n'a pas encore trouvé le bouton qui enclenche le verrouillage central... 

J'ai compris la leçon du jour: Je ne laisserai plus Nicolas tout seul dans le véhicule allumé, même pas une seconde!

Nicolas est donc un casse-coup et un filou. 

Mais il y a aussi du positif: Nicolas découvre des choses, il essaie, il cherche à résoudre les problèmes devant lesquels il est confronté. 

Comme un enfant normal...

Sauf que Nicolas est différent! Et ce pas, c'est un grand pas en avant dans le développement d'un autiste!

Essayons donc de le garder en vie... pas qu'il s'éclate en tombant de l'échelle ou qu'il fasse une accident à 180 sur l'autoroute...


jeudi 17 septembre 2020

120. Des nouvelles de Nicolas

Voici quelques nouvelles de notre petit garçon (qui a grandi!) après notre déménagement. Juste des nouvelles, rien d’exceptionnel, parce que plusieurs personnes en ont demandé.

Nicolas a déjà commencé la quatrième semaine d’école dans le canton de Vaud. Tout n’est pas parfait, mais tout est fait pour que ça se passe bien! 

Si, à Fribourg, nous nous sommes battus contre l’exclusion, la nouvelle école est avant-gardiste pour l’inclusion des enfants différents. Nicolas bénéficie d’un nombre confortable de leçons avec une aide à l’intégration (géniale!) et d’une enseignante spécialisée le vendredi matin. Grâce à la persévérance de mon épouse et un coup de bol, il pourra commencer la logopédie et l’ergothérapie deux après-midis par semaine très bientôt, et ce malgré des listes d’attente.

Toutefois, nous remarquons une grande fatigabilité chez Nicolas. La maîtresse nous dit pareil. Est-ce dû au rythme scolaire plus poussé que ce qu’il avait avant? Est-ce a cause de son traitement de cortisone? Est-ce le déménagement qui l’a épuisé? Y a-t-il trop de changements à la fois pour son cerveau d’autiste?

A mon avis, Nicolas ne dort pas assez. Avant 19h00 déjà, il veut se coucher. Nous le retenons, le stimulons pour qu’il reste debout encore une petite heure. Hélas, bien souvent, il s’endort bien avant 20h00. Vers 5-6 heures du matin, il se réveille et ne veut plus s’endormir. Il veut aller à l’école... laquelle commence à 8h42 précise. Alors, il joue, il court, il se fatigue! Je comprends pourquoi il n’en peut plus le soir!

Ce qui ne facilite pas notre vie, c’est qu’il n’arrive plus à dormir seul. Nous avons relooké sa chambre, réaménagé ses meubles, expulsé ce qu’il y avait à faire disparaître... rien! Si ni ma chérie ni moi nous couchons sur le matelas déposé dans sa chambre, il vient nous chercher avant minuit. Puis, il est agité durant la nuit. Il parle, se tourne, rigole, s’assied puis se recouche. Impossible de se reposer comme ça... ni lui ni nous!

Mais Nicolas va bien, il est heureux, il rigole beaucoup! Il joue à ses jeux bien à lui, il veut découvrir des nouvelles choses - ce qui est assez rare chez un autiste! Il s’ouvre envers nos voisins, va chez eux quand ils lui proposent de voir leur chien, alors qu’avant il ne fallait surtout pas que quelqu’un lui adresse la parole! 

Est-ce vraiment notre Nicolas? Les déménageurs auraient-ils déposé le mauvais garçon chez nous???

Puis je me rappelle qu’il a eu des troubles du sommeil depuis sa naissance déjà. La mélatonine nous a sauvé il y a bientôt quatre ans. Nous lui donnons l’hormone du sommeil tous les soirs car celle-ci n’est pas produite en suffisance chez les autistes.

Nous constatons que ce n’est pas la solution à tous les problèmes :-(

Récapitulation: Nicolas aime le nouveau lieu de vie, il va bien et est fatigué. 

Les parents aiment aussi le nouveau lieu de vie, ils vont bien et sont très fatigués!


mercredi 2 septembre 2020

119. Mémoire vivante

Que s’est-il passé le 14 juillet 1789? La révolution française, prise de la Bastille! Facile!

Et le 16 juillet 1969? L’homme a marché sur la lune, Neil Armstrong (ou Lance... Louis?), Mission Apollo 11.

Ce sont des questions auxquelles je pourrais répondre lors d’un quiz. Non pas parce que j’y étais mais parce que je l’ai appris à l’école. Je saurai aussi vous dire ce qu’il y a eu le 11 septembre 2001 (World Trade Center) ou le 5 novembre 2012 (naissance de Nicolas) parce que je l’ai vécu très intensément. Et aussi la date du mariage et les naissances des autres fils bien sûr!

Au niveau des dates, ça s’arrête là.

Nicolas grandit, il change et avec lui ses centres d’intérêts. Avant, nous avons fait des plannings mensuels à Nicolas pour qu’il puisse se préparer à ce qui l’attend. « Le 17, je vais à l’école. Le 28, je vais au CHUV. »

Depuis quelques mois, Nicolas retient pas seulement ce qui l’attend mais aussi ce qui s’est passé. Et il m’impressionne!

« Le 28 juillet, nous avons été manger une glace à la Coop. » Possible...

« Le 1 août, j’ai pris le train avec papa, nous avons bu un verre à la gare de Moudon. J’ai pris un thé froid. Pêche! »

Je suis installé dans mon bureau au télétravail et raccroche le téléphone. Nicolas entre par la porte. « Le 28, papa a été travailler au bureau à Berne. » Je vérifie mon agenda et le corrige, avec un petit sourire parce que cette fois-ci, il s’est trompé. Le 28 août, j’ai fait du télétravail. Nicolas me reprend, les mains appuyés sur sa hanche: « Mais papa! Je parle du 28 juillet, tu as été travailler à Berne! » je vérifie... Monsieur Je-sais-tout a raison!

Ça marche aussi dans l’autre sens: Nicolas, quand as-tu été piqué la dernière fois par une guêpe? La réponse ne se fait pas attendre: le 3 août! Oui oui; c’est juste.

Dimanche passé, sous la pluie, j’ai emmené Nicolas faire un tour en voiture. On passe devant un bistrot à 20 bornes de chez nous. On s’arrête boire un verre? Nicolas regarde et répond: « Non, ici il y a des mouches » avant de rajouter « Ici, j’ai mangé une glace à la fraise. » Je me répète, Nicolas m’impressionne! Et il me fait pitié, sa tête doit être pleine!!!

Si ça continue, je vais chercher toutes les saisons d’ « Unforgettable » qui doit se trouver au galetas. La femme qui a réussi à résoudre les crimes parce qu’elle se rappelait de chaque petit détail...