vendredi 17 juillet 2020

117. Déménager avec un autiste

Notre déménagement s'approche à pas de géants. Entre la gestion du « chantier » (il y a quand même 6 corps-métiers sur 2 semaines dans la nouvelle maison), la préparation des cartons dans l’ancien appartement et le travail à 100% cette semaine encore, tout demande beaucoup d‘organisation et encore plus d’énergie! 

La médaille d’or en termes de résistance parvient à ma femme qui, en plus de tout cela, gère Nicolas et le chien! Je ne sais pas dans quelles ressources elle puise... mais elle en a, de l’énergie! Elle trouve probablement cette puissance quelque part en elle parce que nous partons pour un avenir meilleur!

Comment réagit Nicolas à ce changement imminent? Un autiste a besoin de stabilité, d’automatismes, de repères fixes...

La réponse: Nicolas s’en sort très bien pour l’instant! Je suis persuadé que c'est parce que nous l’avons bien préparé.

Dès le début, nous avons parlé ouvertement de la possibilité de déménager cet été, et en avons expliqué les raison positives de ce changement: Nicolas pourra aller dans une nouvelle école qui sera mieux adaptée à lui. 

Ensuite, après avoir choisi la maison, nous ne l’avons pas forcé de sortir de la voiture lors des passages au nouveau domicile. Il a pu rester dans la voiture lorsque nous avons été prendre les mesures etc. C'était comme lors des vacances en Italie: Nicolas a mis du temps avant de pouvoir entrer dans la maison.

Ensuite, maman lui a fait un petit livre avec les photos de la maison, et un autre qui explique ce que c'est un déménagement. C’est devenu la pro de l’illustration! Le calendrier mensuel indique les jours qui restent avant le changement. 

Nous en parlons à table et en jouant, Nicolas à pu poser toutes les questions:
« Est-ce que papa viendra avec nous? » Oui, la famille reste réunie!
« Je peux prendre mes jouets avec moi? » Oui (en espérant que le camion sera assez grand pour tout ça...)
« On aura une télé dans la nouvelle maison? » Oui, même si tu ne la regardes presque jamais.
« Je dormirai avec mon frère? » Non, tu auras une chambre pour toi.

Son expression du visage montre clairement qu’il réfléchit à chaque réponse. Les questions montrent aussi que d’autres enfants ont dû lui parler de déménagements, de changements de dynamique familiale...

Au bout de quelques secondes de réflexion, Nicolas se détend... il sort son grand sourire filou, il commence à faire de l'humour: 
« On laisse le chat à Fribourg! » Mais non!
« Si, il n’y a pas de place pour le chat! »

Le lendemain, ce sont ses frères qui n’ont pas le droit de venir avec nous, le surlendemain le chien puis papa. Le gag reste le même, les personnages changent. Seule maman reste épargnée. Elle est trop importante, on ne rigole pas!

Lors des deux derniers week-ends, nous avons chargé la voiture et déménagé des cartons et petits meubles dans la nouvelle maison. Et là, surprise! Tout à coup, Nicolas était prêt: il est pour la première fois entré dans la maison, il voulait savoir laquelle était sa chambre et a commencé à s’inquiéter: « Mais... il n’y a pas de lit dans ma chambre! »

Explication: son cahier photo montrait les déménageurs qui transportaient une armoire, une chaise, des cartons... mais pas de lit! Nicolas s'imaginait donc que le lit était déjà sur place. C’est comme ça, le fonctionnement d’un petit TSA!

Donc: comment déménager avec un enfant autiste? 

Précisons d'abord que chaque autiste est différent. 
Je répondrai: en étant ouvert avec lui, en lui expliquant, en le rassurant! 

Ce sont d’ailleurs les mêmes réponses que je donnerais à n'importe quel parent d'un enfant neurotypique!

Ils ne sont pas si différents, les autistes...


samedi 4 juillet 2020

116. Rien que des mensonges?

Mensonge 1?

L'école est finie. Le déménagement approche. Dans moins de trois semaines, nous aurons quitté le canton de Fribourg et serons installés dans le canton de Vaud.

Lorsque nous parlons du déménagement à nos collègues ou connaissances, nous leurs expliquons les raisons de ce déménagement: Nicolas pourra aller à l'école publique, il y aura droit à une assistante d'intégration pour les moments difficiles. Ce système d'intégration des enfants différents n'existe pas dans le canton de Fribourg, ce qui veut dire que Nicolas aurait suivi sa scolarité en institution spécialisée. Nous sommes convaincus qu'une scolarité "normale" lui permettra un jour de choisir le métier qu'il aura envie de faire.

Cela vous paraît possible qu'une telle différence de traitement peut avoir lieu d'un canton à l'autre? Beaucoup de gens ne le croient pas. La Suisse est un pays civilisé! Et pourtant, c'est vrai...

Nous sommes donc confrontés à des réactions style "pourquoi vous n'avez pas essayé de discuter avec la direction des écoles?" ou "vous auriez dû intervenir auprès des bonnes personnes..."

Nous avons tout essayé, par tous les canaux imaginables. Nous avons même été en contact avec le conseiller d'état en charge de l'instruction publique, nous en avons parlé à la télé et dans les journaux. Beaucoup de gens ne nous croient pas. Pour eux, nous ne cherchons qu'à faire le buzz.

Vous avez compris? Nous dépensons une somme astronomique en frais de notaire, d'agence immobilière et entreprise de déménagement pour aller habiter dans un village cinq ou dix fois plus petit que le lieu de vie actuel, tout ceci pour déstabiliser nos enfants et doubler le temps de trajet pour aller à mon travail.



Mensonge 2?

Afin de pouvoir transmettre un dossier thérapeutique et scolaire complet aux autorités scolaires vaudoises, nous avons demandé un scan du dossier à Nicolas au Service de l'enseignement spécialisé et des mesures d'aide du canton de Fribourg.

Nous avons régulièrement essayé de communiquer avec ce service qui décide de la scolarisation des enfants différents, mais nous sommes toujours restés devant des portes fermées. Ils argument que tel et tel article de telle et telle loi leur donne la possibilité de ne pas devoir nous parler. Eux, les spécialistes, se basent sur les rapports des thérapeutes et enseignants pour prendre les décisions importantes.

Par contre, la loi sur la transparence nous donne le droit d'avoir accès à nos propres dossiers dans tous les cantons et au niveau de la Confédération. Ils ne peuvent pas refuser cette demande.

A la maison, nous avons toujours soigneusement classé tous les rapports pédagogiques, psychologiques et thérapeutiques de Nicolas. En cinq ans, nombreux ont été les professionnels qui ont été en contact avec notre fils, nous avons rempli un classeur avec ce genre de documents. 

Au bout de quinze jours, le service a répondu par mail. Ma surprise fut grande en ne découvrant que 8 documents qui totalisaient une quinzaine de pages.

Stupéfaction: Leur tableau d'analyse, sur lequel le service se base pour prendre les décisions de (non-)scolarisation de l'enfant, est truffé d'erreurs:

Nicolas vit dans une famille qui parle le portugais, il a un frère hyperactif. Le dernier rapport psychologique date de 2016. Il ne suit ni logo ni ergothérapie. Lorsqu'il est intégré à l'école publique, il bénéficie d'une enseignante spécialisée qui prépare des pictogrammes pour faciliter le déroulement de la journée à Nicolas et la maîtresse. 

En lisant ce rapport, je me pose la question pourquoi nous, les parents, laissons végéter ce gamin. Pourquoi personne n'intervient?

Je réponds donc à l'inspectrice en lui disant que le téléchargement des documents a fonctionné, qu'ils peuvent faire suivre le reste. Je leur indique également que leur tableau d'analyse contient beaucoup d'erreurs et que je cherche à comprendre comment ils peuvent prendre des décisions sur de telles bases erronées.

Une collaboratrice m'a ensuite appelé pour expliquer que ce n'était pas leur rôle de courir après les rapports des thérapeutes. Si c'est écrit que nous sommes portugais, ils ne l'ont pas inventé, ça a dû être écrit quelque part. Ils ont tout fait juste, et ils seraient intervenus rapidement parce que le dernier rapport psychologique date de 4 ans alors qu'il en faudrait un tous les 2 ans.

La dame a même proposé de modifier le tableau et de réanalyser la situation, nous n'avons donc plus besoin de déménager dans un autre canton pour la prochaine rentrée qui a lieu dans sept semaines.



Mensonge 3?

Même si nous savons pertinemment que cela ne changera rien, nous mettrons encore l'énergie nécessaire pour écrire une dernière fois au conseiller d'état en charge de l'instruction publique. Nous avons gardé ses courriers dans lesquels il a fait des promesses. Nous le rendrons attentifs sur le fonctionnement de certains de ses services. Nous lui ferons part notre désillusion totale.

Je parie qu'il ne nous croira pas? La Suisse est un pays civilisé, le canton de Fribourg est avant-gardiste!