vendredi 19 juin 2020

115. Du changement

Il y a du changement dans l'air. Non, je ne parle pas de notre déménagement annoncé dans la dernière publication. Je ne parle pas non plus des progrès que Nicolas a réalisé depuis qu'il va un jour par semaine à la "vraie" école... quoique, le tout est probablement lié.

Il y a du changement chez Nicolas. Il n'est plus le petit garçon dépendant, il est devenu un grand garçon... mais toujours dépendant. Nicolas aura bientôt huit ans. De plus, il est grand pour son âge et on lui donne facilement neuf ou même dix ans. 

Si nous avons reçu beaucoup de méchantes remarques de la part d’adultes ces dernières années (style "votre enfant est mal élevé" ou "pourquoi vous ne faites pas taire votre enfant?"), ces commentaires se font rares. Nicolas est toujours autiste, le commun des mortels réalise que notre fils est différent.

Nicolas fait des choses que d'autres enfants ne font plus à cet âge. Que ce soit l'imitation des bruits entendus dans la rue, les déplacements avec une peluche dans ses mains, la répétition à haute voix des annonces des haut-parleurs dans le bus ou le train ou des cris stridents lorsqu'un bruit inattendu surgit, par exemple une moto ou un coup de claxon, les gens n'ont pas l'habitude de voir un enfant comme ça. Ils ont aujourd'hui la sagesse de ne plus nous faire des remarques car un adulte moyennement intelligent réalise que Nicolas n'est pas comme les autres.

Ceci est donc un changement en bien. Il y a malheuresement le revers de la médaille, ce sont certains autres enfants!

Si, quelques années en arrière, les autres enfants acceptaient qu'un petit garçon crie quand on s'approchait de lui sur une place de jeu, ceci devient plus complexe aujourd'hui. Dès son arrivée au parc, souvent avec son chien guide et maman, les enfants le regardent bizarrement. Un si grand enfant avec une peluche, qui en plus parle fort et agite les bras, qui joue pendant une heure au même jeu, c'est bizarre.

Si Nicolas a un chien d'accompagnement, c'est pour sa sécurité. Si Nicolas se promène avec des peluches, c'est qu'il a besoin d'un point de repère. Si Nicolas réagit massivement aux bruits ou aux odeurs, c'est parce qu'il est hypersensible. S'il répète son jeu tout ce temps, c'est qu'il a besoin de créer et revivre une situation connue. 
Tout c'eci n'est pas écrit sur son front.

Il y a des enfants qui viennent poser des questions, d'autres qui lui proposent de jouer avec lui. Il y en a aussi qui l'ignorent. Ca va bien comme ça.

Et il y a, hélas, ceux qui se moquent ouvertement de lui. Il s'agit là d'enfants qui qui sont en train de devenir grands. Ceux qui veulent forger leur caractère, ceux qui veulent montrer aux autres qu'ils sont meilleurs. Du coup, ce sont des enfants et plus les adultes qui disent des méchancetés.

Nicolas est autiste, il n'est pas bête! Son âge mental correspond au bon âge. Il comprend donc, il réalise que certains autres sont méchants. Ces méchancetés envers lui le rendent triste, il souffre de ce genre de commentaires. Il aimerait être autrement mais il ne l'est pas.

J'ai essayé de dire aux jeunes d'arrêter, de leur expliquer pourquoi Nicolas est comme ça. Il m'est même arrivé d'aller parler aux parents qui clopaient à quelques mètres de là pour qu'ils interviennent auprès de leur enfant, qu'ils lui disent d'arrêter. 

Parfois, en discutant avec les parents, on comprend pourquoi leurs enfants sont cruels! La pomme ne tombe jamais loin du pommier...

mardi 9 juin 2020

114. Je te quitte!

J’en ai assez, j’en ai marre. Marre de toi, de tes manies, de ta façon de (ne pas) communiquer, de tes promesses non tenues, des airs que tu te donnes et que tu n’as pas. Il vaut mieux une fin brutale qu’une brutalité sans fin.

Ça fait quinze ans que nous partageons notre chemin. Il n’y aura pas de seizième année. Dans quelques semaines, j’irai voir un peu plus loin, à 20 bornes d’ici. 

En quittant quelqu'un, on sait ce que l'on perd, on ne sait pas ce que l'on retrouve de l'autre côté. Je n'ai pas d'illusions. La nouvelle sera moins belle que toi, moins attractive. Mais je sais qu’elle sera plus à mon écoute, elle répondra mieux à mes besoins que toi !

Au bout de deux ans déjà, les premiers soucis sont apparus, lors de la scolarisation de notre premier enfant. Nos appels à l'aide sont restés sans réaction de ta part. Suite à notre insistance, des faits ont été détournés et cachés. Avec le recul et l’expérience gagnée, je me dis que ce cas aurait dû être porté devant les tribunaux. Aujourd’hui, c’est trop tard. De toute façon, c’est toujours toi qui gagnes parce que c’est toi qui fais la loi, c’est toi qui qui les interprètes à ta guise.

Les soucis ont continué après la naissance de Nicolas. Je n’ai pas aimé ta passivité, ton manque de soutien dans le quotidien avec cet enfant, et ce depuis sept ans. Pire, tu jettes la faute sur nous, tu nous as menacés. Et là aussi, lorsque nous avons signalé le cas, tout a été caché par tes soins… Aujourd’hui, tu vas même à l’encontre des recommandations du Conseil fédéral ! Tu recules !!!

Tu ne me regretteras pas. Au contraire, tu seras contente de ne plus avoir ce petit récalcitrant qui trop régulièrement te sollicite.

Je te quitte donc, Fribourg. Je parle de la ville, mais surtout du canton de Fribourg. Bien sûr, toute la famille partira avec moi. L’appartement est vendu, notre nouvelle maison nous attend.

Ceci n'est pas un règlement de comptes. Je ne t'en veux pas. Je ne te supporte juste plus, ton attitude hautaine, celle de tes "hauts fonctionnaires". Je m'en veux à moi. Je m'en veux d'avoir attendu tout ce temps avant de franchir le pas.



Bonjour, canton de Vaud. Je sais que tu ne seras pas parfait, mais tu donneras sa chance à Nicolas. Il pourra aller à l’école et y acquérir les bases pour une vie un peu plus normale. Tu mets les moyens en place pour soutenir la cause des autistes. Tu suis la législation fédérale, je dirai même que tu es avant-gardiste.

Si vous avez aussi un enfant avec un trouble du spectre autistique, n’envisagez pas d’aller habiter à Fribourg. Et si vous y êtes déjà… je pense qu’une réflexion de déménager vaudrait la peine.
 

lundi 1 juin 2020

113. Autiste ou coquin?

Nicolas est notre troisième enfant, il a deux frères ados. Nous avons éduqué les deux premiers à notre façon, et je pense que nous avons fait du bon travail.

Nicolas est le petit dernier, il a sept et dix ans de moins que ses frères. En plus il est différent ce qui laisse pas mal de place pour faire des erreur dans l'éducation.

Le fait d'être autiste a certainement donné plus de droits à Nicolas qu'à un autre enfant. Nous en avons souvent parlé avec mon épouse. Jusqu'où est-il autiste, à partir de quand est-il coquin? Chez moi, hélas, le bénéfice du doute prend le dessus, et ce depuis des années. 
"A-t-il bien compris ce que j'ai dit?" 
"C'est certainement trop compliqué pour lui de sortir de ses routines." 
Mais aussi des réflexions style "il a mis cinq ans pour s'ouvrir, il a juste besoin de se rattraper..." ou 
"le pauvre aura assez de difficultés dans sa vie, je le laisse faire maintenant."

De plus, les nombreux commentaires blessants des autres m'ont probablement renforcé dans mon opinion de ne pas suivre les "conseils" de ces gens:
"Ne le laissez pas crier comme ça!" 
"Forcez-le à dire bonjour!" 
"Votre fils est mal élevé voire pourri-gâté!" 

J'avoue, il y a eu un peu de laisser-aller de ma part. Je n'accepterai des critiques à ce propos uniquement de ceux qui ont élevé un enfant autiste.

Ces derniers mois, Nicolas a fait des grand progrès. Le fait d'aller à l'école "normale", d'apprendre à lire et à écrire, mais aussi le fait d'être dix semaines à la maison à cause du confinement ont beaucoup fait murir Nicolas. Je le dis encore une fois: mon épouse fait un travail extraordinaire avec Nicolas! Après le retour à l'école, nous avons reçu plusieurs feedbacks d'enseignants ou thérapeutes qui ont avoué n'avoir presque pas reconnu Nicolas, tellement qu'il a fait un saut en avant.

Le fait de "grandir" a au moins un désavantage pour Nicolas: les parents s'aperçoivent de ses vraies capacités. Et du coup, le bénéfice du doute diminue... et disparaît. Nous analysons autrement le faire-semblant-de-ne-pas-avoir-entendu et les "non". Nous apercevons même des similitudes avec le comportement de ses frères quand ils avaient son âge... ce qui est normal, ce sont (ou ils ont été) des enfants!

C'est normal... mais qu'a-t-il de normal dans l'autisme? Nicolas est différent. J'aimerais bien qu'il y ait plus de normalités, nous l'entraînons donc dans cette optique. Si un jour Nicolas veut suivre un cursus scolaire normal, il faudra qu'il s'habitue à ce qui est "normal". 

Nous le sortons donc régulièrement de sa zone de confort, tout en sachant qu'il y aura une réaction. Souvent, ce sont des cris stridents. Oui, stridents, pas comme ceux d'un enfant "normal".

Si, ces prochains temps, votre verre d'eau vous explose dans la main, votre vitre se brise sans raison ou le fusible de votre appareil auditif lâche, il y a des chances que Nicolas n'était pas loin de chez vous!