vendredi 24 janvier 2020

103. Quand Harry rencontre Nicolas...

Lors de l’entrée à la fameuse école de magiciens à Poudlard, les nouveaux élèves mettent le Choixpeau qui définit dans laquelle des quatre maisons l’élève résidera pendant sa scolarité : Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle ou Serpentard. Et même si le Choixpeau a hésité à placer Harry Potter chez les Gryffondor, sa décision a été définitive et irrévocable.

A l’enseignement spécialisé à Fribourg, il se passe un peu la même chose. En se basant sur un dossier en papier, un service de l’état définit avant le début de scolarité si votre enfant est apte de suivre un cursus scolaire classique ou s’il commence dans l’enseignement spécialisé. Contrairement à Poudlard, le canton de Fribourg permet de changer de voie après chaque année scolaire et, si nécessaire, même pendant l’année scolaire. C’est ce qu’ils nous avaient dit, haut et fort.

Chez Nicolas, le choix était vite fait : Lors de la prise de décision en février 2017, Nicolas ne parlait pas, il s’exprimait par des cris, il n’était pas propre, il s’automutillait. Il a donc commencé son cursus scolaire dans un institut spécialisé. Notre ambition prononcée très clairement depuis le début, c’est que Nicolas puisse rapidement suivre un programme scolaire classique même s’il aura peut-être besoin d’un peu plus de temps qu’un autre enfant.

Nous y croyons car tous les thérapeutes qui s’occupaient de Nicolas nous ont dit qu’il n’avait pas de retard mental, qu’il était même très intelligent, mais qu’il fallait juste ce déclencheur pour la parole qui allait libérer plein d’autres choses dans son développement.

Ils avaient raison ! Trois mois après le début de l’école, avec l’arrivée de Winny, Nicolas a commencé à parler. Il est devenu propre quelques mois plus tard, il s’est ouvert au jeu, il apprend de nouvelles choses par le jeu.

Depuis l’automne, il va un jour par semaine à l’école primaire, accompagné d’une bénévole qui le supervise principalement pendant les changements et la récréation. Et comme Nicolas a envie de progresser, il s’y rend même deux jours depuis le début de cette année. Le deuxième jour a lieu sans accompagnante – l’état n’a pas d’argent pour payer des auxiliaires de vie, et les bénévoles ne courent pas les rues. Néanmoins, Nicolas joue avec d’autres enfants pendant la récréation, il apprend à lire, à écrire et à calculer.

Ce sont d’énormes progrès que je n’aurais pas osé espérer si vite !

Si Nicolas a pu intégrer l’école classique un jour puis deux, c’est parce que sa maman est exemplaire ! Elle lui prépare les plannings, elle crée des scénarios sociaux, elle prévoit les journées avec la maîtresse qui, elle aussi, est très dévouée à sa tâche ! Cela demande un grand effort aux personnes concernées, le résultat est juste formidable !

La prochaine étape est donc d’intégrer Nicolas complètement à l’école « normale », et ceci à la rentrée scolaire 2020.

« Stop ! Le Choixpeau fribourgeois ne veut pas. Tu as été mis dans l’enseignement spécialisé, tu resteras dans l’enseignement spécialisé ! »

Ils ne l’ont pas dit comme ça, mais nous le percevons ainsi. Nous recevons depuis peu des signaux de différentes personnes de l'enseignement spécialisé qui disent que Nicolas serait mieux à l'institut. Il s'agit des mêmes personnes que celles qui ont salué le deuxième jour d'intégration en décembre !

De plus, nous venons d'apprendre que les services scolaires veulent envoyer Nicolas trois semaines en stage dans une classe ordinaire, sans accompagnement, pour voir s'il arrive à suivre en classe. Si cela se passe mal, ce sera le retour à l'institut.

Imaginez-vous... Nicolas est autiste, il a de la peine à accepter les changements, mais il y parvient petit à petit. Il faudra justement augmenter sa dose d'école à petites doses et avec un accompagnement plus intensif au début pour que cela puisse se passer bien.

Pire encore: Si un jeune autiste vivra un échec (par exemple ne pas réussir son stage), il mettra beaucoup plus de temps pour remonter !

En ce moment, nous ne comprenons plus le monde… Tout le monde était tellement enthousiaste il y a deux mois, maintenant tout se corse. L’institut vient de nous écrire que d’autres enfants mériteraient aussi une intégration scolaire mais que le système Fribourgeois ne la prévoyait pas. A croire qu’ils ont perdu toute illusion d’obtenir un transfert en si peu de temps ?

Est-ce que l’enseignement spécialisé aurait de la peine de se détacher de notre fils et de tous ces enfants différents qui mériteraient une intégration ? Ils sont tellement adorables !

Ou est-ce qu’il faut garder assez de monde dans l’institut afin de le rentabiliser ? C’est vrai que l’enseignement spécialisé coûte beaucoup plus cher qu’un parcours classique.

Je ne sais pas… je ne veux pas le savoir !

Le principal intéressé - Nicolas - veut aller à l'école primaire comme les autres enfants de sa classe. Il n'a plus envie d'aller à l'institut. Il veut faire des efforts avec les devoirs afin de maintenir le rythme imposé.

J’appelle à l’aide Harry Potter et ses compères : Venez avec vos baguettes magiques, vos sorts et vos potions afin de raisonner ces moldus !