samedi 29 juin 2019

88. Le blog, le miroir de.....

Il y a deux semaines, lors de l’un des neuf week-ends annuels où nous pouvons placer Nicolas à l’internat, mon épouse et moi nous sommes rendus à une rencontre de cousins, à plus d'une heure de voiture de chez nous. Cela a fait des années que je n’ai pas revu une grande partie de la famille, la présence de tout ce beau monde est juste trop pour Nicolas.

Ca fait du bien de se revoir après tout ce temps, de se raconter nos vies... C’était un peu comme chez Patrick Bruel dans la place des grands hommes : « T'as pas changé, qu'est-ce que tu deviens? Tu t'es marié, t'as trois gamins... » mais hélas aussi « On ne peut pas mettre dix ans sur table comme on étale ses lettres au Scrabble! »

J’ai été particulièrement surpris que grand nombre de mes cousines et cousins étaient au courant de notre vie, de notre quotidien... 

« Nicolas a fait des sculptures Land-art? Tu as des photos? »
« Est-ce qu'il joue toujours avec Bruno? »
« Sur quel playmobile as-tu marché en dernier? »
« Tu nous montres une vidéo quand il chante? »

Les clics sur mon blog ne proviennent pas de machines mais bel et bien d'êtres humains. Merci la famille! 
J'ai apprécié les feedbacks reçus, sincères et honnêtes. Il paraît que je suis devenu plus critique, les blogs sont moins rigolos qu'auparavant. C'est vrai, vous avez raison! J’écris moins souvent, c’est juste. Et probablement que je suis devenu un peu aigri.

Ce blog ne raconte pas ce que j'ai vécu hier, il reflète la vie de tous les jours. Entre les lignes, vous ressentirez peut-être l'humeur du jour de l'auteur, vous comprendrez probablement un ras-le-bol contre les systèmes, vous remarquerez certainement une fatigue...

Si la façon d'écrire a changé, c'est que la vie a beaucoup changé. J’ai probablement moins l'envie d'être drôle pour attirer ou amuser les lecteurs. Je veux plutôt expliquer comment se passe la vie pour que vous comprenez peut-être mieux l'autisme. Et j'ai toujours l'espoir que notre vécu pourrait aider d'autres personnes qui vivent quelque chose de similaire.

Ce blog n'est pas le miroir de la vie avec Nicolas, c'est le miroir de moi-même, de mon intérieur. Si ce blog est devenu plus lourd à lire, c'est que le tout est plus lourd à vivre.

Merci à vous, chers cousines et cousins, chers tous, de quand même me lire et suivre les aventures de Nicolas!

Je m'efforcerai de vous faire rire un peu plus souvent :-)

jeudi 20 juin 2019

87. Dent bas, dent haut...

Quel est l'animal qui a le plus de dents? Petit indice : C'est une bête qui me fait peur. Est-ce le requin, le crocodile....?

Loin de là! C'est la petite souris des dents! Oui, elle m'a fait peur depuis des mois. Quand je vois quels drames surviennent dans le quotidien de Nicolas lors de petits changements, comment réagira-t-il lorsqu'il va perdre ses crocs? Bien sûr, les petits garçons autistes perdent aussi les dents. Ce qui est compliqué pour des enfants "normaux" peut l'être beaucoup plus pour des enfants "différents". 

Oh oui, je craignais le jour où Nicolas perdra sa première dent...

Nous avons essayé de le préparer à ces événements avec des livres pour enfants, nous avons enregistré les épisodes de dessin animé où ses héros ont perdu une dent, nous avons essayé de lui parler des dents de lait... rien n'y fit! Nicolas ne voulait pas regarder ces bouquins-là, il a éteint la télé, il a évité le sujet.

Et le jour arriva lorsqu'une incisive en bas a commencé à bouger. Quelques jours plus tard, en rentrant de l'école, la dent n'était plus là. Le comportement de Nicolas était comme toujours. Est-ce qu'il a réalisé qu'il a perdu la dent? Mais où est-elle? Nicolas a ignoré notre question. L'école n'avait rien remarqué, la dent a dû tomber en rentrant dans le bus scolaire.

Pas de dent, pas de souris de dents, pas de petit sou. Le "problème" était donc reporté à la prochaine dent.

C'est finalement arrivé hier soir. Une incisive d'en haut menaçait de tomber depuis plusieurs jours. Tout à coup, au repas du soir, Nicolas se présente à table avec un trou dans la denture. Il aurait pu manger les frites sans ouvrir la bouche. La dent a donc dû tomber à la maison. Où as-tu mis la dent? Comme souvent, Nicolas a ignoré la question ou répondu par quelque chose qui ne donne pas ou peu de sens : "Je prends un bain. Je prends un bain. Je prends un bain." En effet, mon épouse a trouvé la dent dans la baignoire.

Avant le coucher, nous avons donc préparé une assiette avec un morceau de fromage et la dent tombée. La souris des dents viendra chercher la dent, mangera le fromage et donnera un sou pour dire merci à Nicolas. 

Ça tombe bien! Comme c'est la veille d'un jour férié, je pourrai observer la réaction à Nicolas lorsqu'il se lèvera. Et, croyez-moi, ça en valait la peine...

Nicolas s'est levé comme si rien n'était. Il a commencé à jouer comme tous les matins. Quand nous lui avons demandé si la souris lui a laissé de l'argent, Nicolas a couru dans la chambre. Il a porté l'assiette dans une main, l'autre main a essayé de placer le sou dans sa bouche. 

En fait, Nicolas a pensé que le sou remplacerait la dent perdue... La petite souris aurait dû lui laisser un centime et pas une tune...

Certes, Nicolas n'a pas la notion de l'argent. Mais ce vécu montre une fois de plus qu'il comprend les choses à sa façon, qu'il vit dans son monde, qu'il a une autre perception des choses. Ceci démontre que ce que nous lui expliquons n'est pas toujours perçu comme cela le serait par un autre enfant.

Je trouve cela mignon, ça me fait rire. Et rire, c'est bon pour la santé!


PS: Voici encore la bonne réponse : L'animal qui a le plus de dents est le poisson chat avec 9280 dents.

dimanche 9 juin 2019

86. Ouvertures

Nicolas a maintenant six ans et demi. En calculant grossièrement, il a dû passer deux ou trois mille heures sur les places de jeu, été comme hiver, en train de se balancer sur des structures à ressort. Durant des milliers d’heures, ma femme ou moi nous sommes posés la question quel pouvait bien être le plaisir que ces balancements pouvait lui procurer. 

On dit que les autistes aiment se balancer, cette auto-stimulation les calme, et ceci est important pour leur apprentissage à découvrir des choses.

A la place de jeux, c’est difficilement acceptable par beaucoup d’enfants (et certains parents). Ils ne comprennent pas pourquoi ce gamin bloque la grenouille à ressorts depuis une heure, et pourquoi il ne veut pas jouer au ballon avec les autres. 

Heureusement que j’ai assez bien appris à ignorer les commentaires blessants des adultes ignorants. Il y en a eu. Nicolas, lui, ne remarque pas ces regards. Il vit dans sa bulle, enfermé dans son monde.

Les enfants et certains adultes s'intéressent à ce comportement bizarre et nous posent des questions. Cela nous permet d’expliquer ce que nous vivons, de quoi est fait notre quotidien.

Il y a du changement dans l'air! Depuis quelques semaines, Nicolas semble passer à une prochaine étape. Il est en train de s'ouvrir!!! Une place de jeu? Oui, mais plutôt toboggan ou balançoire. Et une petite heure au maximum, mais seulement en cas de beau temps. Après, il faut rentrer à la maison pour jouer!

Et il en joue à la maison... il reproduit des histoires, il imite des situations de vie vécues à l’école ou à la maison. C’est trop mignon!

Il soigne ses peluches, il baigne ses playmobiles dans une cuvette d'eau. Il fait l’école aux figurines, il donne à manger aux animaux en bois.

C’est la socialisation avec ses jouets! C’est génial! Le prochain pas sera la socialisation avec des êtres humains!

S’il veut de temps en temps que maman ou papa s'assiet à côté de lui quand il est fatigué, il vient nous demander. Cette interaction avec nous est aussi nouvelle. J'adore!

Dimanche passé, il y a eu une autre grande ouverture. Nicolas est venu me chercher pour regarder le film avec lui! Quel film? Le golf (en fait, j’avais allumé la télé pour écouter le match de Wawrinka en arrière-plan). Chaque fois qu'une balle a atterri dans le filet, Nicolas a crié "goal!" Il doit exister bien des papas qui se seraient énervés parce que leur fils de six ans ne comprend pas les règles du tennis. Moi pas, je savoure ces moments avec mon fils!

La pédopsychiatre dit que pour faire autant de progrès, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en matière. Le tout est lié. Nous nous occupons beaucoup et bien de Nicolas, et il va à l'école "normale" deux après-midi par semaine. Là, il interagit avec des camardes de son âge qui sont neurotypiques (qui ne sont pas autistes). Il joue avec eux, il reproduit ce jeu à la maison avec nous. En jouant, il développe son langage et son imagination, ce qui sera de nouveau un bénéfice à l’école.

Cette semaine, les responsables scolaires se sont réunis pour parler de la prochaine année scolaire de Nicolas. Les parents n’ont pas été invités. Il nous ont dit par la suite que tout le monde trouverait bien que Nicolas puisse continuer à fréquenter l'école publique un jour par semaine. Il passerait à l'école primaire tout comme les autres enfants de son âge. Comme cette année, il serait accompagné par une aide d'intégration ce jour-là, histoire de gérer l'interaction avec les autres enfants et de ne pas trop charger la prof.

Super! Tout est donc clair. 

Il y a juste un seul "petit" souci: Il faut qu'ils trouvent un enseignant prêt à accepter cet enfant différent dans sa classe. Ils ne peuvent pas obliger un prof à travailler avec un enfant différent. Et là, nous avons bien compris que ce n'est pas gagné d'avance. 

L'année passée, après avoir mené un combat durant tout l'été pour le scolariser, nous avons appris moins d'une semaine avant la rentrée scolaire si et quand Nicolas pouvait aller à l'école. Ils nous ont dit que cette année, ça ira plus vite.

J'attends... et j'espère qu'il n'y aura pas de porte qui se ferme!