jeudi 24 janvier 2019

77. Sème, et tu récolteras



Séquence émotions quelques jours en arrière :
 
En cherchant une clé USB, je suis tombé sur cette clé rouge cachée dans un tiroir à la maison. En visionnant les fichiers, j’ai réalisé que c’était la clé avec les vidéos de notre thérapie précoce.
 
La thérapie précoce?


En août 2016, notre famille a suivi une thérapie intensive de trois semaines à Muttenz, près de Bâle, dans l’un des six centres en Suisse agréés par l’AI. Nous avons commencé à neuf heures du matin, nous sommes sortis à seize heures avec des devoirs : aller au zoo avec Nicolas, faire des courses avec lui, aller au restaurant, etc. Durant les trois semaines, nous vivions dans un appartement mis à disposition par le centre thérapeutique, avec des jouets pour un enfant comme Nicolas.
 
Nicolas était suivi par 5 thérapeutes, au maximum 90 minutes le même à la fois. Les grands frères étaient avec les stagiaires pour jouer ou faire des sorties. Francine et moi avons eu droit à la responsable thérapeutique.
 
Nous avons observé Nicolas par des faux miroirs, analysé les vidéos car tout était filmé. On a une autre vision sur une vidéo : play, pause, play, retour sur image, stop...
Qu'est-ce qu'a fonctionné ? A quel moment se lâche-t-il ? Après quel mouvement son visage a commencé à se crisper ? C'était presque comme à la télé où des anciens champions analysent à quel virage ou saut le descendeur a perdu deux dixièmes de secondes...

 
Par le biais des vidéos, nous avons appris à « lire » Nicolas. Nous avons appris à réagir et, mieux encore, à agir avant qu'il hurle.
 
A part cela, les trois semaines étaient remplies de psychanalyse de tout un chacun, beaucoup de discussions, leçons d'organisation du quotidien... Cela s’appelait une thérapie intensive, et croyez-moi : c’était intensif ! Du 24/24, 7/7.
 
Au bout de trois semaines, nous sommes rentrés avec l'obligation de continuer la thérapie pendant une heure tous les jours, et ce pendant deux ans. En plus d'un skype mensuel, nous nous sommes rendus au centre de thérapie deux fois par année pour recevoir des piqûres de rappel.
 


Je suis retombé sur la vidéo quand Nicolas est entré la première fois dans la salle de thérapie avec les faux miroirs. Oh ! ce qu'il était petit ! Comme ses frères étaient jeunes. Comme j'étais maigre... Quelles émotions de revoir ces images !
 
Au secours, ce qu'il criait à l'époque. Non, il hurlait ! Rien n'allait. Et il sautait comme un kangourou. On dirait une balle en caoutchouc. Je le prenais sur mes épaules pour qu'il arrête de sauter.
 
En visionnant quelques minutes des vidéos en accéléré, je réalise aussi que nous avons bien fait de lui donner - enfin - la ritaline. Ceci n'a rien à avoir avec la thérapie à Muttenz, c'est juste pour le calmer. Ce n'est plus un kangourou, c'est un petit garçon maintenant.
 
Nous avons bien fait d'investir dans cette thérapie. Nous avons investi beaucoup de temps et beaucoup d'argent (même si elle était payée à moitié par l'assurance invalidité et en partie par une fondation).
 
Nicolas se comporte complètement différent aujourd'hui parce que nous avons appris à mieux anticiper. Parce que nous avons appris à organiser les journées et les semaines pour qu'un autiste puisse mieux les vivres. Parce que nous nous donnons les moyens de le faire.
 
Qui ne fait rien n'a rien.
100% des gagnants ont tenté leur chance.

jeudi 10 janvier 2019

76. Rita & Lynn

Depuis septembre, notre quotidien est co-dirigé par Rita et Lynn. Non, ce ne sont pas des nouvelles peluches à Nicolas, ni des connaissances à ma femme.

Rita et Lynn sont deux copines inséparables. Pour moi, l’une représente le côté angélique, l’autre le côté diabolique. Je ne sais pas qui est qui, mais cela ne change rien étant donné qu’elles sont toujours ensemble.

L’ange calme Nicolas, le laisse s’assoir et écouter pendant des longs moments, jouer seul dans un coin pendant une demi-heure, voire même plus. Nous n’avons jamais vécu ceci avec Nicolas. Je l’imagine assis sur le banc d'école en train d'écouter le prof, se concentrer pour faire un bricolage ou juste écouter ce que la maîtresse raconte, tout ça parce que l'ange assis sur sur épaule lui dit "reste tranquille, Nicolas". C'est presqu’un enfant normal, et j'apprécie énormément!

Le diable agit plus discrètement. Il coupe la faim. Au point que Nicolas ne mange plus jusqu’au soir après avoir eu sa dose du matin. Le démon est assis sur l'autre épaule: "Non, ne mange pas! Encore des calories, c'est mauvais pour toi!" Nicolas a maigri en trois mois, au point que nous pouvons compter ses côtes à l’oeil nu.

C’est un effet connu mais notre fils semble réagir plus fort que ce que nous entendons des autres enfants assistés par Rita & Lynn. Il paraît que les autres enfants mangent quand même une mini-portion à midi ou se régalent aux quatre heures. Nicolas ne mange rien jusqu'à la tombée de la nuit, puis volontiers deux assiettes. Hélas, cela ne compense pas le manque de calories du reste de la journée.

Voici donc ma perception de Rita & Lynn qui sont - vous l'aurez deviné - la ritaline!

Je n’ai jamais été fan de médicaments. Jeune adulte, je préférais avoir mal au crâne plutôt que de prendre une aspirine. Un dafalgan? Je ne connaissais même pas le nom.  Oui, j’ai eu de la chance d’être en bonne santé et d’avoir pu passer plus de trente ans sans trop de chimie.

Quand mon premier fils a montré des signes de comportements "différents" à l’école enfantine, nous nous sommes battus parce qu’ils nous ont parlé de ritaline. Oh non! Ne mettons surtout pas ce poison dans le corps de mon fils, il sera shooté tout le long!

Aujourd'hui encore, je suis content de ne jamais lui avoir donné ce produit, je suis convaincu que ceci n’aurait pas été la bonne solution à l’époque!

Avec Nicolas, la situation de départ a été différente. Nicolas est très actif, il tourne comme un ventilateur, sans arrêt, sans fatigue. On pourrait alimenter en énergie un quartier d’habitation avec ce qu’il dégage. Ceci est probablement un effet lié à l’autisme.

Logiquement, la pédopsychiatre a proposé que Nicolas prenne de la ritaline. Non merci, nous ne voulons pas "droguer" notre enfant. Nous essayerons à l’avenir aussi de le maîtriser, le canaliser.

L’argument de la pédopsychiatre "Mais comment voulez-vous qu’il se concentre à l’école, qu’il apprenne, s’il est tout le temps au taquet?" nous a fait changer d’avis. Depuis l’automne passé, Nicolas est donc accompagné de Rita & Lynn. Il se pourrait qu'on les vire rapidement.

Calme et apprentissage contre faim et santé physique. Pourquoi avons-nous à prendre une décision pareille? L'ange me dit d'écouter mon intérieur...