vendredi 26 janvier 2018

45. Le choix

Je fais partie de ceux qui mettent de temps en temps un "like" quand je vois une belle citation sur Facebook, quelque chose qui me parle ou que j'aime. Il y a une phrase que j'ai tellement aimé que depuis plus d'un an, je l'ai affichée en grand format dans mon bureau :

Dans la vie, on a toujours le choix :
aimer ou détester,
assumer ou fuir,
avouer ou mentir,
être soi-même ou faire semblant.
          Nelson Mandela (1918-2013)

Je ne suis pas spécialement fan de M. Mandela malgré tout ce qu'il a fait, mais je trouve que ses mots sont tellement vrais ! Cela me parle beaucoup car j'y trouve des parallèles par rapport à mon chemin des ces trois dernières années.

Aimer ou détester
On ne choisit pas si on aime son enfant ou si on ne l'aime pas. C'est son enfant, on l'aime... même si l'enfant n'est pas comme les autres... surtout s'il n'est pas comme les autres ! 

Par contre, on peut choisir si on aime ou on déteste tout ce qu'il y a autour. Je ne sais pas si cela fait partie de ma situation de vie ou si j'ai changé (muri) avec l'âge, mais tout est devenu plus contrasté. J'aime ou je déteste, le neutre devient de plus en plus rare.

Mon choix est fait : J'ai décidé d'aimer (ou de continuer d'aimer) mon épouse, mes enfants... Je "like" aussi quelques personnes qui nous soutiennent moralement quand on en a besoin, qui prennent des nouvelles de temps en temps. Des thérapeutes qui se donnent à fond. Mon travail qui me permet de de m'évader 10 heures par jour (y compris les trajets) de mon quotidien familial. Notre maison que nous avons aménagé de façon à pouvoir vivre au mieux notre quotidien... J'apprécie certainement plus de choses mais je n'ai pas la place de tout citer ici.

Par contre, à défaut de catégoriser dans l'autre groupe certaines choses ou des personnes, j'ai tendance à les ignorer.

Assumer ou fuir
Le choix d'assumer ou de fuir son enfant, sa famille, ses responsabilités... existe. Le taux de survie des couples avec un enfant handicapé est - parait-il - trois fois plus petit que celui d'une famille "normale". Je connais des familles avec un enfant autiste qui n'ont plus de papa. Oui, en général, c'est le mec qui se barre...

J'ai choisi d'assumer ma famille, mes fils. Je continuerai à le faire, c'est mon rôle et il y a bien une raison pourquoi j'ai décidé de fonder une famille. Assumer cette famille, ce n'est pas facile tous les jours, il faut énormément d'énergie, et ce presque 24 heures par jour. Combien de fois je me pose des questions : pourquoi, combien de temps, tiendrais-je...? Mais j'ai fait mon choix, il est irréversible. 

Avouer ou mentir
Pour moi, avouer est lié directement à une faute. L'autisme n'est pas une faute commise. C'est plutôt la nature qui devrait avouer.

Mais le fait de parler ouvertement de sa situation, de l'autisme, signifie qu'on "avoue" même s'il n'y a rien à avouer. 

Par contre, ceux qui cachent ou qui essayent de cacher mentent. Ils mentent à soi-même, ils mentent aux autres. Ces autres (qui voient que quelque chose ne tourne pas rond) interprètent puis, sans le vouloir, diffusent le mensonge.

Être soi-même ou faire semblant
En écricant ce blog, je peux être moi-même. Pas besoin de faire semblant. Je dis ce que je pense, personne n'est obligé de me lire. Cela me fait du bien !

Quand je n'écris pas, je suis aussi moi-même. Certaines personnes me fuient parce qu'ils n'ont pas envie d'entendre ce que j'ai à dire. Ils font un tri, je n'ai donc pas besoin de le faire.

Je connais d'autres parents d'autistes qui cachent le handicap de leur enfant pour des raisons qui sont les leurs. Ils font semblant d'être bien mais cela se voit sur eux qu'ils ne le sont pas.


Merci, Monsieur Mandela, d'avoir prononcé ces mots qui m'ont permis de réfléchir un peu plus profondement que d'habitude! Vous avez gagné en 1993 le prix Nobel de la paix, vous m'avez aidé 25 ans plus tard de trouver un peu plus de paix intérieure aussi.

J'ai fait mon choix. J'aime, j'assume, j'avoue, je suis moi-même.

jeudi 18 janvier 2018

44. Un coup de chance?

L’autre jour, en parlant de Nicolas, quelqu'un m’a dit que Nicolas semblait avoir fait d'énormes progrès et que j’avais de la chance que ça se développe ainsi. Il y a eu d'autres commentaires qui vont dans cette direction.

Je ne suis pas d’accord. Oui, Nicolas a fait des progrès phénoménaux ces derniers mois! Non, ce n’est pas de la chance! Celui qui gagne à un concours a de la chance. Si Nicolas progresse, c’est le résultat du travail que nous accomplissons tous les jours depuis trois ans! Et de son travail à lui, aussi!

Nicolas s’est ouvert au monde. Il a commencé à parler - je dirais même que c’est devenu une batoille! Il arrive à s’exprimer quand il veut quelque chose, du coup fait beaucoup moins de crises nerveuses comme il les faisait tous les jours quelques mois en arrière.

Mais est-ce vraiment de la chance?
  • Toute la famille a suivi une thérapie intensive spécialisée de trois semaines pendant les vacances d'été 2016 (qui a de plus couté une fortune). Ceci nous a appris à mieux "lire" le comportement à Nicolas. Cette thérapie nous a demandé des grands sacrifices - autant au niveau financier qu'au niveau des vacances "perdues".
  • Ce sont Francine et moi qui faisons la thérapie individuelle avec Nicolas une heure par jour depuis 18 mois pour appliquer ce que nous avons appris dans cette thérapie intensive.
  • Ce sont aussi elle et moi qui rencontrons quasi tous les mois les spécialistes de l'autisme, soit par Skype, soit à Bâle (sur mes jours de congé).
  • Ce sont ma femme et moi qui vont avec Nicolas chez la pédopsychiatre chaque trimestre à Lausanne, à une heure de route d'ici.
  • C'est toute la famille qui sort de sa zone de confort tous les jours pour faire revenir Nicolas dans notre sphère. Nous supportons ses cris et ses crises quand il doit redescendre sur terre.
  • Ce sont nous qui attirons son attention et son intérêt pour qu'il ait envie de s'ouvrir, d'apprendre, de jouer avec d'autres personnes.
  • Ce sont mes fils, mais aussi ma femme et moi qui parlons avec Nicolas pour qu'il répète... qu'il ait envie de répéter et d'apprendre à parler.
  • C'est toute la famille qui a accepté de prendre un chien d'accompagnement pour autistes pour que Nicolas puisse - on l'espérait - faire plus de progrès.
  • Avant d'obtenir le chien, il y avait de l'administratif à faire, des visites à l'école de chiens, accueillir les instructeurs des chiens... Non, nous n'avons pas de secrétaire personnelle qui nous a déchargé.
  • C'est Francine qui, en plus de toutes ses tâches ménagères et la gestion familiale, fait tous les jours une grande promenade avec le chien, le brosse, contrôle ses oreilles, ses dents etc. C'est un investissement de trois heures quotidiennes au minimum.
  • C'est moi qui me lève tous les matins à cinq heures pour sortir le chien qu'il puisse faire ses besoins. Nous n’avons pas engagé un promeneur de chien.
  • C'est aussi moi qui me couche une demie-heure plus tard le soir, justement pour sortir avec le chien.
  • C'est notre premier fils qui, pendant la pause de midi et au lieu de faire ses devoirs, sort régulièrement avec le chien.
  • C'est ma femme qui, au lieu de profiter du ramassage scolaire organisée par l'école, fait les trajets avec Nicolas et le chien en bus et à pied, justement pour créer ce lien entre l'animal et l'autiste.
  • C'est toujours mon épouse qui amène Nicolas plusieurs fois par semaine à la logopédie ou d'autres thérapies, toujours à pied et avec le chien. C'est aussi elle qui attend patiemment sur place parce que la thérapie risque de durer quinze ou cinquante minutes - selon la forme et l'humeur à Nicolas.
  • Ce sont Francine ou moi qui conduisons nos deux autres fils à des thérapies pour frères d'autiste. Pour eux, c'est aussi lourd à porter! Non, il n'y a pas une grande offre sur Fribourg.
  • C'est moi qui ai abandonné mon travail pourtant intéressant et bien payé pour un autre job juste parce que celui me donne avant tout la flexibilité dans les heures de travail, nécessaire pour accompagner Nicolas.
  • C'est aussi moi qui sacrifie plus de la moitié de mes vacances annuelles, justement pour rencontrer les thérapeutes et assister aux différents réseaux.
  • Nous avons aussi investi beaucoup de temps dans notre bataille avec l'assurance-invalidité pour qu'ils comprennent ce qu'est l'autisme. Non, toujours pas de secrétaire personnelle. Pas d'avocats non plus, juste nous!
  • Nous essayons aussi, d'une façon ou d'une autre, de faire connaître l'autisme dans la région. Personne ne nous oblige de le faire, mais si nous arrivons à éviter à d'autres parents de vivre la même chose que nous parce qu'il y a(vait) tellement d'ignorants parmi les professionnels de la santé et la population, nous le faisons.
Nous n'avons pas besoin de félicitations ou d'une tapette amicale sur les épaules pour ce que nous faisons. Nous le faisons pour le bien de notre fils, de notre famille. Mais s’il vous plaît, arrêtez de nous dire que nous avons de la chance parce que notre fils se développe bien. Cela devient agaçant. 

Ca m'énerve aussi que des gens croient que tout va bien maintenant parce que Nicolas fait des progrès. Nicolas reste autiste, son comportement reste, le quotidien reste lourd à porter.

Est-ce que vous dites au vigneron qui plante sa vigne, qui l’arrose, la taille, la sulfate, l’attache et la vendange qu’il a de la chance parce que le raisin pousse? Est-ce que le fermier qui rentre son blé à de la chance parce que la nature a fait pousser les céréales? Non!

Alors, pourquoi nous on aurait de la chance?

samedi 6 janvier 2018

43. Merci Père Noïel !

6 janvier, jour des rois. Même si Balthazar, Melchior et Gaspard n'étaient pas des rois mais des sages venus de l'est, j'adore manger les galettes des rois... miam!

Entre deux galettes de rois, c'est le jour idéal pour défaire le sapin et enlever la décoration de Noël autour de la maison. Chose faite même si je n'aurais pas parié là-dessus deux jours en arrière... des fois, il faut avoir le courage d'oser!

Pourquoi cette peur? Non, ce n'est pas parce qu'il y a du travail. C'est juste que je crains toujours les cris stridents de Nicolas quand quelque chose ne va pas comme il se l'imagine. 

Les dernières années, le changement a introduit les cris. Le sapin, les guirlandes lumineuses, les cadeaux... c'est du changement. Et enlever le tout trois semaines plus tard, ça induit de nouveau du changement. Et oui! C'est notre quotidien!

Tout enfant "normal" devient impatient avec l'annonce d'arrivée du Père Noël. Tout enfant "normal" a presque oublié l'arrivée du Père Noël autour du 26 quand il aura ouvert ses cadeaux... sauf quand il joue avec la dernière XBox ou la nouvelle Switch qu'il a reçu.

Pas Nicolas. Cette année, c'est la première fois que Nicolas a adoré Noël. Et il aime encore! En fait, je pense que c'est la première fois que Nicolas a réalisé que c'était Noël! 

Nous avons tout fait pour, à commencer par un nouvel emplacement du sapin, bien plus discret dans le salon cette fois-ci. Nous avons pré-visionné des dessins animés parlant du sujet pour mettre Nicolas dans l'ambiance. C'était un succès! Il a dû regarder cinquante fois "Didou - dessine-moi un Père Noël". Les autistes aiment bien répéter les choses même si cela ne fait pas de sens... on parle de stéréotypies





Le fait que tous les cadeaux (sauf ceux à Nicolas) ont été ouverts le 24 au soir, après le coucher de Nicolas, a également aidé Nicolas à gérer la situation. Dès qu'il s'est levé le 25, il a eu la pleine liberté d'ouvrir ou non les cadeaux qui restaient. Et là, surprise : Nicolas a ouvert trois cadeaux le premier matin. Les trois étaient dorés avec un ruban rouge... et il a joué avec le contenu des trois paquets! Et Nicolas a bien dit, sans qu'on le lui demande "Merci Père Noïel!"

Les autres paquets sont restés bien emballés sous le sapin et ont attendu patiemment leur tour d'être ouverts. Normal... un cadeau sans emballage n'est plus un cadeau! Au bout de deux jours, nous avons expliqué à Nicolas ce qu'il y avait dans les paquets, histoire de ne pas trop le stresser par l'imprévu. Les cadeaux sont restés emballés. De temps en temps, Nicolas en prenait un, le promenait dans l'appartement en chantant "Merci Père Noïel" et le reposa, bien millimétré, sous le sapin.

Le 28, surprise! Le quatrième paquet a pu être ouvert! Trop chou, il a mis du temps à franchir le pas, il y avait de l'expression dans son regard en découvrant la grande peluche! 

Voyant arriver le week-end des rois, j'ai dit à Nicolas que j'allais bientôt ranger toute la déco de Noël. Cette annonce a fait effet car le 4 au matin, Nicolas a été chercher les deux cadeaux restants et les a ouverts avec nous. Un camion pompiers et un bateau pirates! "Merci Père Noïel!"

La maison est donc redevenue "normale" et nous avons de nouveau un bon mètre carré de plus à notre disposition. Mes oreilles n'ont pas eu à subir les cris et les pleurs à Nicolas. Merci Père Noïel! Merci surtout que Nicolas ait pu faire un pas vers la normalité ce Noël! C'était mon plus beau cadeau! 


mardi 2 janvier 2018

42. Lendemains d'hier

Bonjour. Ca fait deux semaines que je ne vous ai plus écrit, et pourtant j'aurai voulu vous souhaiter une bonne fin d'année autour du 26, ou alors un bon passage à l'an nouveau autour du 30, ou une bonne année à minuit une le premier janvier... mais je n'arrivais pas! J'avais des lendemains d'hier, et ce tous les matins.

Vous connaissez les lendemains d'hier? Tout vous fait mal. Vous sentez chaque pas effectué la veille, tout en ayant la tête qui tourne, les articulations qui craquent... La gueule de bois, en gros. Avec, en plus, des courbatures comme si vous veniez de courir le marathon de New York.

Non, nous n'avons pas fait la fête. Au contraire, plus aucune goutte d'alcool depuis le 26 décembre à midi. Le 31 décembre, nous avons été nous coucher bien avant minuit. Mais d'où viennent-elles, ces douleurs? Quels gnomes nous rendent la vie si difficile?

Ce ne sont pas des gnomes mais des bactéries et des microbes. Je parle de la grippe qui est arrivé en force chez nous après Noël. Après avoir passé quatre jours au lit, c'était au tour de Francine. Et bien sûr les enfants aussi, en parallèle et à tour de rôle.

Rien de spécial donc: Une famille atteinte par une épidémie de grippe!

Chez nous, cela fait mal. Nous vivons toute l'année avec des automatismes afin de faire tourner les engrenages, comme ceux d'une montre suisse, dans le but que le quotidien arrive à être absorbé et être viable. Le moindre grain de sable arrive à perturber la marche correcte de la machinerie. Cette fois-ci, ce n'était pas qu'un grain de sable mais carrément un caillou... voire une pelle entière remplie de gravier!

Mais pourquoi ces complications? Comment font les autres familles?

En plus de Nicolas, bien dans le spectre de l'autisme, nous avons son frère qui est aussi TSA (type Asperger). Et il y a leur frère qui n'a pas de diagnostic mais qui a aussi besoin d'attention. Au moins, pour eux, ce sont les vacances scolaires! 
Depuis deux mois, il y a Winny qui s'en fiche de la grippe - il veut être promené, lui. Et il en fait à sa tête pour obtenir ce qu'il veut.

Croyez-moi, à deux adultes (dont un en activité professionelle rémunérée), nos journées normales sont très bien remplies! Voire trop remplies. Il suffit qu'un parent lâche pour que tout le système s'effondre comme une tour de legos. Nous avons choisi de nous éloigner géographiquement de la famille, donc pas de grand-maman qui pourrait s'occuper 2-3 heures des enfants, pas de tatie pour donner un coup de main à la cuisine. Et notre seule baby-sitter attitrée (donc acceptée par Nicolas) n'est pas forcément disponible pendant les vacances scolaires...

J'ai donc lâché en toute fin d'année. La tour de lego s'est effondrée parce qu'elle n'est pas tenable par un seul adulte. Nous avons commencé l'année avec les pièces de lego étalés par terre. 

En 2018, nous allons recommencer à construire une nouvelle tour avec les mêmes legos. On tâchera à penser mettre des sécurités par-ci par-là. La nouvelle tour sera encore plus belle que l'ancienne, plus stable, plus pratique, plus... mieux :-)

Rappelons-nous que le lendemain d'hier est forcément la veille de demain! Que demain est un autre jour et que nous pouvons participer activement à faire de ce jour un meilleur jour!

Sur ce fond de pensée, je vous souhaite à toutes et à tous, une excellente année 2018 remplie de petits moments de bonheur et surtout de beaucoup de santé!