jeudi 28 décembre 2023

Rétrospective 2023

J'ai quelques jours de congé et je constate sur les réseaux sociaux que certaines personnes profitent des fêtes de fin d'année pour résumer leur année en quelques lignes. Je ne sais pas si c'est pour se vanter, pour donner des nouvelles à leurs connaissances plus ou moins éloignées, pour éviter de dire dix fois la même chose, ou s'il y a d'autres raisons que je n'ai pas encore saisies. 

La télévision aussi nous fait revoir les principaux évènements des douze derniers mois (comme si on ne se rappelait pas des guerres et des catastrophes survenues en 2023). Je vais donc suivre cette tendance et résume mon année en quelques lignes.

Mon année n'a rien eu de spectaculaire. Métro-boulot-dodo, et ce 240 jours par année. Les enfants grandissent, et j'aime toujours leur maman. En novembre, j'ai survécu à mes 50 ans, mon dos va bien et mon genou tient bon. Toujours pas de marathon à l'horizon, et ce malgré de nombreux trajets en Valais pour rendre plus souvent qu'auparavant visite à mes parents. J'ai débuté une formation professionnelle supplémentaire, histoire de garder au moins le cerveau en forme. 

Ces quelques lignes résument mon année écoulée.

Et si on reconduis le même exercice, cette fois-ci avec Nicolas qui a 11 ans ? Par faute de place, je vous livre la version raccourcie :

Le 26 janvier, je n'ai pas eu la logothérapie parce que Nathalie* était malade. Elle aurait dû nous prévenir plus tôt parce que maman n'a pas eu le temps d'adapter mon planning du mois de janvier.
Le 15 février, papa aurait dû venir me chercher à l'institut à 16h45 mais il avait du retard. C'était compliqué pour moi de devoir attendre jusqu'à 16h50 ! 
Le 20 mars, papa a installé une nouvelle box TV avec une nouvelle télécommande. Les boutons de la nouvelle télécommande sont plus petits et certaines chaines sont sous un autre numéro. Heureusement que j'ai réussi à m'adapter. 
Le 22 avril, Sophie*, une copine d'école, est venue jouer chez moi de 16h00 à 19h00. J'étais tellement content... mais fatigué, je me suis caché seul dans ma chambre à 17h15. Maman a fait à manger et je suis descendu à 19h05 quand Sophie* est partie.
Le 16 juin, j'ai participé à la promenade d'école. Maman m'a promis de venir me chercher au cas où ce serait trop compliqué pour moi. Finalement, la maîtresse l'a appelé avant le dîner parce que je ne tenais plus. Du coup, je n'ai pas pu manger mon sandwich en forêt.
Le 22 juin, Winny a tout vomi dans la salle à manger. L'odeur était encore perceptible des jours plus tard. Les huiles essentielles que maman a mis dans le diffuseur m'ont 
beaucoup dérangé.
Du 7 au 13 août, j'ai été à l'UAT** à Yverdon. Je me suis bien amusé mais 6 nuits c'est trop long. L'année prochaine, je ne veux y aller que 5 nuits.
J'ai repris l'école le 22 août à 8 heures, dans la même classe que l'année dernière. Cette année, je m'assois tout devant et j'ai la psychomotricité mardi de de 15h00 à 15h35.
Le 23 septembre, papa a laissé brûler les saucisses sur le grill parce qu'il discutait trop. Ce n'était pas bon du tout. Beurk!
Le 16 octobre, j'ai été couper les cheveux chez Estelle*. C'était compliqué parce que je n'ai pas pu aller sur le même siège que les dernières fois, il y avait une autre cliente. 
Le 5 décembre, ma doctoresse Madame Dupont* a encore annulé le rendez-vous. Ça m'énerve parce que j'aime bien Docteure Dupont* et je ne l'ai plus vu depuis longtemps.
Le 14 décembre, papa a ramené un MacDonald en rentrant du travail. Il s'est trompé et il a acheté des Spicy Chicken Nuggets, je n'ai pas pu les manger parce que ça brûle la langue.
Le 25 décembre, j'ai reçu les cadeaux de Noël que j'ai voulu : les playmobil Astérix et une peluche de Dumbo. J'ai même reçu une puissance 4 géant alors que je ne l'avais pas demandé, je ne comprends pas pourquoi ce cadeau.


Sur les dates, Nicolas est incollable ! Vous constaterez également les détails et surtout le manque de profondeur de ses souvenirs. Ce sont des éléments qui caractérisent son TSA***. Les intérêts restreints (pour son calendrier par exemple) et la focalisation sur le détail font partie de la différence de Nicolas. 

Le fait de se rappeler surtout des mauvaises choses n'est pas dû à l'autisme ; cela est humain.

Malgré les thérapies et toute la bonne volonté, l'autisme ne changera pas en 2024. Mettons nos forces là où on peut changer quelque chose. 

Commençons le changement en nous rappelant nos bons souvenirs !

Vous pouvez relire le résumé de mon année 2023. Vous n'y trouverez rien de négatif :-)

Bonne année 2024, remplie de souvenirs positifs !



*noms et prénoms d'emprunt
**Unité d'accueil temporaire; institution qui garde les enfants avec un handicap pour laisser les parents se ressourcer
***trouble du spectre de l'autisme

vendredi 15 septembre 2023

Teddy bear toss

En ce début de saison de hockey, je souhaite vous parler du "Teddy Bear toss". Cette tradition nord-américaine a lieu dans les patinoires d'Amérique et du Canada depuis quelques dizaines d'années, en période de Noël. Lors du premier but marqué par l'équipe recevante, tous les fans sont invités à lancer une peluche sur la glace. Toutes ces peluches sont ensuite ramassées puis distribuées à des enfants dans le besoin.

Ainsi, début 2023, 52'341 peluches ont été jetées sur la glace en Pennsylvanie le 22 janvier 2023, dépassant le précédant record de presque 7'000 jouets. Il paraît qu'il y a beaucoup de gens pauvres sur le continent américain, j'espère que ces jouets, même refroidis par la glace, auront réussi à réchauffer le coeur de beaucoup d'enfants.

Certains clubs de hockey sur glace suisses ont repris cette belle tradition. Même si nous ne sommes pas à des dizaines de milliers de peluches récoltées - les patinoires suisses sont plus petites ou le public moins généreux - j'ai de la peine à croire qu'il y a des milliers d'enfants sans peluche dans une ville comme Genève ou Lausanne. Et même s'il y en avait autant, comment les peluches arrivent-elles auprès des bons destinataires?

Que deviennent donc tous ces nounours, toutous, minons, Mickeys et consorts, une fois ramassés par un hockeyeur? Mystère...

Un regard dans notre maison, principalement la chambre à Nicolas, pourrait laisser croire que nous avons ramassé bon nombre de ces animaux en peluches. Je ne les ai pas comptés, il doit en avoir plus d'une centaine, mais je vous rassure que cela ne provient pas des stades de glace. Nicolas aime ses peluches, chaque peluche a sa propre histoire, un nom et même un anniversaire. Si certaines peluches ont bel et bien été achetées, d'autres proviennent de collections de points dans des supermarchés, des étagères de voisins ou de cadeaux de copains.

Par le passé, nous avons fait le tri à plusieurs reprises et allégé les étagères. Chaque peluche jetée (même la charité ne prend plus ces objets parce qu'il y en a trop) a provoqué un drame quelques semaines ou quelques mois plus tard. "Ou est Caroline ma tortue? C'est son anniversaire, on doit le fêter!" Nicolas était loin de se douter que Caroline avait trouvé une fin de vie dans un sac jaune taxé... et pourtant, l'histoire se répéta avec Blacky, Pingu, Rosalie et bien d'autres.

Lorsque notre fils était plus jeune, il utilisait ses peluches comme objet de transition. Pour aller d'un endroit à un autre, ou pour pouvoir se rendre chez le médecin ou une thérapie, Nicolas avait besoin de quelques peluches sur lesquelles il se focalisait, ce qui rendait le changement possible. Nous avons travaillé des années pour qu'il ne prenne plus que 2 peluches avec lui lors de déplacements, puis encore 1 peluche. Aujourd'hui, une peluche l'accompagne tous les jours à l'école, mais elle reste cachée dans son sac d'école pour que les camarades de classe ne rigolent pas de lui.

Depuis une bonne année, Nicolas commence à remplacer les peluches par des figurines. A onze ans, ça fait moins "bébé" de promener un super-héro en plastic qu'un cochon en peluche. Spiderman a été parmi les premiers à gagner sa place dans la vie à Nicolas, avant d'être rejoint par des playmobiles, puis Harry Potter et ses amis puis bien d'autres. Chaque figurine a aussi son nom et son anniversaire... 

Ce qui m'épate, c'est que Nicolas se rappelle de l'anniversaire de chacune de ses peluches et figurines. Quand je pense qu'il y a des hommes qui oublient leur date de mariage ou d'anniversaire de leur chérie... ce ne sera pas le cas chez Nicolas.

Pourquoi je vous raconte tout cela? Pour parler de notre quotidien avec un enfant autiste, des intérêts restreints d'un jeune TSA et de sa capacité exceptionnelle de retenir des dates! Et pour donner espoir à tous les parents d'autiste(s) : votre enfant a certainement un super-pouvoir de super-zéro, même si vous ne l'avez pas encore découvert.

Aujourd'hui, Nicolas a reçu la troisième et dernière peluche du grand supermarché orange. Nous n'avons pas dépense autant d'argent pour recevoir 120 vignettes pour les échanger en 3 cadeaux, des collègues ont participé en nous filant leurs vignettes. Nicolas a donc reçu un deuxième Pluto d'une série Disney. Son anniversaire est le 23 mars, l'autre Pluto est du 11 avril. Le Pluto qui a fini dans une poubelle était du 12 mars.

Lorsque Nicolas aura 18 ans, on ira ensemble au Casino. Il comptera les cartes au Blackjack... pour que je lui offre un huitième Mickey.




dimanche 20 août 2023

Ca monte et ça descend...

Chaque personne avec autisme est différente, il y a probablement autant de formes d'autisme que d'autistes. 

L'un des faits marquants chez les autistes est un intérêt restreint pour certaines choses ou thématiques. Cela peut être un intérêt particulier pour les dinosaures chez un enfant. Au fil des années, le centre d'intérêt peut changer et l'autiste adulte pourrait se retrouver avec une obsession pour un autre univers, par exemple celui de Disney, de Harry Potter ou vouloir apprendre une langue étrangère que personne ne parle en Europe... ni au monde !

Cela ne veut pas dire que chaque personne avec un intérêt particulier est autiste. Néanmoins, il paraît que les plus grands contributeurs Wikipedia sont des autistes parce qu'ils savent tout, mais tout, sur tel et tel sujet.

Nicolas, lui, adore les ascenseurs. A défaut d'en avoir un dans notre maison, nous avons installé des faux boutons d'ascenseur dans la cage d'escaliers. Nicolas appuie, il fait semblant que la porte s'ouvre, il monte sur la première marche, il appuie sur le "1", la porte imaginaire se ferme, puis il monte à pied. Arrivé à l'avant-dernière marche, Nicolas s'arrête. Il imite l'ouverture des portes avant de monter la quinzième marche, puis il referme la porte.

Il lui arrive, à bientôt onze ans, de jouer avec sa maison de poupées... équipée d'un ascenseur. Sa tablette contient plusieurs applications d'ascenseurs, des commandes d'ascenseur ou un simulateur d'ascenseur dans un centre commercial. Grâce à ces applis, Nicolas a appris à compter en japonais - ou est-ce du chinois? En effet, en appuyant sur un bouton, la voix lui indique qu'il va à l'étage "vou", "liou" ou "sanne".

En promenade, lorsque notre fils sait qu'une maison dispose d'un ascenseur, il ne peut pas monter les escaliers parce qu'il a mal aux genoux à cause de son arthrite. Par contre, s'il n'y a que des escaliers, il les utilise sans ronchonner.

Quand nous habitions Fribourg, Nicolas adorait sa promenade standard qui passait par la gare puis 3 centres commerciaux avec de nombreux ascenseurs. Il savait - et sait toujours - quel ascenseur est équipé d'un étage "0", d'un "R" pour rez-de-chaussée ou "S" pour sortie. Il sait également si le bouton est coloré en vert ou juste métallique, et il se rappelle bien sûr si le parking se trouve au "P", au "SS" (sous-sol) ou au "-1". 

Il sait aussi qu'il ne faut jamais appuyer sur la cloche sauf en cas d'urgence. Il est obéissant car il n'a jamais appelé les secours parce qu'il n'y a pas encore eu de situation qui aurait demandé une telle action.

Hélas pour lui, la ville dans laquelle nous habitons maintenant est bien plus petite et ne dispose que de très peu d'ascenseurs publics, ce qui limite sa motivation pour des sorties.

Il y a quelques jours, la visite annuelle chez la pédiatre était au programme. Avant de partir, Nicolas s'est réjouit de prendre l'ascenseur pour aller du parking au "05". J'ai bien rigolé parce qu'aucun ascenseur ne dispose d'un étage zéro cinq sans point ni virgule... sauf celui chez la pédiatre où il y a effectivement un demi-étage avec des toilettes publiques au zéro cinq. 

Question pour un champion : Où se trouve l'ascenseur qui va à l'étage E5 ? Vous trébuchez sur cette question ? Posez-là à Nicolas, il le sait !

Dans notre jardin, je devais remblayer un trou de douze mètres cubes. Pour ménager les efforts, j'ai opté d'utiliser ce vide pour la construction d'un jardin enterré. Pendant les travaux, mon fils m'a fait des frayeurs lorsqu'il tournait autour du trou profond d'un mètre. J'ai donc construit un escalier et ai annoncé la bonne nouvelle à Nicolas. Sa réponse fut démoralisante : "Je ne veux pas un escalier, je veux que tu me construises un ascenseur." 
Je lui ai expliqué que je ne savais pas construire un ascenseur. 
Cinq minutes plus tard, chrono en main, Nicolas est venu me voir avec sa tablette sur laquelle il avait chargé quelques tutoriels comment construire un ascenseur. Il m'a montré ces vidéos, à vitesse accélérée, avant de conclure au bout de trois minutes : "Voilà, maintenant tu sais tout, j'attends mon ascenseur !"

Nicolas a donc un intérêt restreint pour les ascenseurs. S'il était né il y a quelques décennies, il aurait pu devenir lift-boy... Est-ce que Schindler ou OTIS auraient du travail pour Nicolas, par exemple comme testeur d'ascenseurs ?

En attendant, cela nous arrangerait bien s'il pouvait développer son intérêt pour les aspirateurs ou le lave-vaisselle. Pour cette problématique, rien n'est dû à l'autisme mais probablement à la pré-adolescence... 





mercredi 12 juillet 2023

Jongleurs

Sans vouloir nous vanter, je ne peux pas le nier : en tant que parents d'autistes, on développe des compétences dont on n'avait pas connaissance avant. 

Perso, j'arrive à "éteindre" mes oreilles lorsque je n'ai plus envie d'écouter un bruit qui m'énerve ou de couper court à une discussion qui ne m'intéresse pas. J'ai aussi réussi à élargir mon regard sur la vie en général. Parlant du regard, j'ai appris à ignorer le regard des autres lorsqu'ils me dérangent. J'ai également renforcé mon esprit de combattant pour des choses auxquelles j'estime avoir droit, par exemple le droit de scolariser mon fils ou d'obtenir qu'on tienne compte de sa différence.

En plus de cela, un parent d'autiste apprend à jongler. Pas avec des quilles ou des balles sous un chapiteau, mais dans la vie réelle. "Jongler" consiste à garder toute composante de votre quotidien en l'air pour éviter qu'un élément tombe par terre et se brise... et souvent provoque des réactions en chaîne. Je vous ai régulièrement parlé de notre combat avec les assurances sociales, les autorités ou l'organisation avec les médicaments, voici les dernières réussites de ma chère et tendre épouse.

Nicolas va à l'école primaire ordinaire à environ 50%. Peut-on parler qu'un enfant est scolarisé s'il passe la moitié de son temps ailleurs qu'à l'école? C'est une question que nous nous posons aussi, mais ce n'est pas le sujet de cette publication.

D'un côté, vu son besoin de soutien et d'encadrement, l'école ne veut et ne peut pas accueillir notre fils plus souvent. De l'autre côté, il faut avouer que Nicolas est très fatigué par la stimulation permanente dans la classe, la cour de récréation et surtout les transitions lors du trajet scolaire.

Les demi-journées non scolarisées, il va chaque semaine à la logothérapie et l'ergothérapie. Cette année-ci, il a également participé à un groupe de compétences sociales afin d'apprendre les bases d'une vie avec d'autres enfants.

Cela demande du temps pour l'amener et le chercher, certes, mais aussi pour différentes réunions avec les thérapeutes avant et après une thérapie. Le fait de préparer Nicolas aux thérapies, de faire le taxi tout en promenant le chien pendant la thérapie, puis de débriefer fiston après chaque séance est un travail à plus de 50%, qui lui n'est pas valorisé. Mais avant tout, tout cela demande un talent d'organisation!

Si certains thérapeutes demandent depuis février déjà quel jour de semaine et à quelle heure la thérapie pourrait avoir lieu à la rentrée, les écoles ne font pas leur horaire avant les vacances d'été. Sans insister, insister et insister encore, impossible de savoir quel sera l'horaire à Nicolas en août. Je comprends que les salles spéciales comme halle de gymnastique ou piscines sont attribuées aux classes fin juin seulement pour la prochaine rentrée, je comprends que l'horaire de classe sera établi par la maîtresse une fois que l'emploi des salles est connu seulement. J'ai plus de peine à comprendre pourquoi il n'est pas possible de faire tout ce travail durant le printemps déjà. Un travail prévisible peut être fait en avance.

En parallèle, nous ne savons pas avant le mois de mai si Nicolas aura encore telle ou telle thérapie l'année prochaine, pourtant jugée importante pour un enfant sur le spectre de l'autisme, mais peut-être pas nécessaire pour les décideurs parce qu'il a déjà bénéficié de la logothérapie ces deux dernières années, par exemple.

S'ajoute à tout cela le fait que les créneaux horaires disponibles se font rares chez la logothérapeute. Certaines écoles savent en avril déjà quel enfant ira quand à l'école à quel endroit, ou alors le planning de leurs enfants sera fait sur la base du planning des thérapeutes.

Et il y a aussi des bonnes surprises de dernière minute : une unité hebdomadaire de psychomotricité scolaire a été octroyée, et ce sur le temps d'école. C'est du super-flexible, à dispo, on trouvera un créneau horaire qui conviendra à Nicolas... ou pas. 

Afin de ne pas surcharger notre fils, nous avons décidé de biffer l'ergothérapie. Il en aurait toujours besoin mais cela ne sert à rien de le surcharger. C'est pour la même raison qu'on attend toujours avant de l'inscrire au cours de piscine ou un autre sport.

La fin de l'année scolaire se rapproche. Il ne reste donc plus qu'à établir l'horaire, avec des casses-tête style "ah non, le mardi je ne travaille pas", "mercredi mon cabinet est plein", "s'il va à l'école jeudi après-midi, il aura forcément la piscine" ou "j'enseigne dans une autre école le vendredi matin", tout ceci combiné avec des restrictions de ne pas l'envoyer 2 jours entiers de suite à l'école, ni moins d'une heure et demie à la fois car les transitions sont trop compliquées. Aucune restriction par contre de notre part, on calque notre vie sur les besoins de Nicolas.

Etant restée sans nouvelles, mon épouse a donc pris le bâton de pèlerin la dernière semaine de cours pour établir l'horaire à la prochaine rentrée de Nicolas. Au bout de xx mails, appels téléphoniques et messages WhatsApp, elle a tenu en main, l'avant-dernier jour de l'année scolaire, un planning qui tient la route et qui ne surchargera pas Nicolas à la rentrée, tout en lui permettant de suivre les thérapies nécessaires. 

Lorsque Nicolas aura fini sa scolarité, ma chérie pourra s'engager au Cirque Knie ! Là au moins, ses talents d'organisatrice et de jongleuse seront reconnus. Bravo !


Pour ceux qui veulent connaître son programme, voici quelques indices pour connaître son planning :
- Nicolas ira à l'école tous les jours du lundi au vendredi pendant au moins 2 unités.
- Il n'ira pas à la logopédie le mardi et pas à la psychomotricité le vendredi.
- Le psychométricien ne fait pas de thérapies le jeudi.
- Nicolas n'ira pas à l'école le lundi et mercredi après-midi.
- En tout, il suivra 18 unités scolaires par semaine, réparties sur 5 demi-journées. 
- Pour plus d'infos, si vous voulez connaître les disponibilités des personnes s'occupant de Nicolas, veuillez faire un e-mail pour le thérapeute A, WhatsApp pour B, téléphone pour C et D (en dehors des heures de bureau mais pas trop tard le soir), sans oublier de mettre la direction de l'école en copie si cela concerne le scolaire... 

Vous êtes d'accord qu'il faut des talents ni connus ni reconnus?




samedi 1 avril 2023

14 mai

Le 14 mai, nous fêtons la fête des mères en Suisse. L'année dernière, c'était le 8 mai et l'année prochaine, ce sera le 12 mai. Comme quelques autres pays, la Suisse a défini qu'on célèbrera celles qui nous ont mis au monde le deuxième dimanche de mai.

En France, ce sera le 4 juin 2023 et le 26 mai 2024. Les Anglais, eux, l'ont déjà fêtée le 19 mars, les Portugais le feront le 7 mai. Si tout le monde est d'accord qu'il faudrait mettre à l'honneur notre maman, la date ne semble pas faire l'unanimité.

Mais pourquoi fêter nos mamans qu'une seule fois par année? Est-elle moins gentille et appréciée les 364 autres jours? L'aimons-nous moins le jour qui précède ou celui qui suit la fête des mères? Pourquoi ne pas lui amener un bouquet de fleurs en avril ou en juin? Je suis persuadé que votre mère - comme la mienne - est une personne extraordinaire et unique toute l'année! C'est presque honteux de lui faire la fête qu'une seule fois dans l'année...


Le 2 avril, c'est la journée mondiale de l'autisme. En Suisse, en France, au Portugal, en Angleterre, en 2023 comme en 2020 et en 2025, les milieux concernés essaient de sensibiliser la grande population à ce trouble avec lequel plus de 1% de la population vit. Le bleu, la couleur de l'autisme, est mis en avant pour parler d'autisme. En cette journée bleue, des gens s'habillent en bleu, l'Hôtel de Ville ou la Cathédrale est éclairé en bleu, des conférences sont organisées, on parle d'autisme à la télévision ou à la radio.

Qu'en est-il des autres 364 jours de l'année?

Est que la vie d'un autiste est moins compliquée le 3 avril? 
Est-ce qu'une personne avec un TSA (trouble du spectre de l'autisme) se sent mieux en juillet que début avril? 
Est-ce que nos autorités, ceux qui illuminent en bleu le siège de leur gouvernement le 2 avril ou un autre bâtiment public, décideront par la suite d'octroyer des budgets pour enfin suivre les recommandations de la Confédération datant de 2018 afin de mieux intégrer les personnes autistes?
Est-ce que, parce que tel ou tel politicien se met en avant pour défendre la cause des autistes le 2 avril, il soutiendra les besoins des TSA en mai aussi?
Pourquoi, à la télévision, nous retrouvons chaque année une émission spéciale autisme début avril, mais jamais en septembre ou en janvier?

Je n'ai pas besoin qu'on parle d'autisme toute l'année. Mais j'ai besoin, comme 1% de la population ainsi que les gens qui les entourent, qu'on se mette enfin à la page et qu'on donne la possibilité aux autistes de vivre une vie digne de ce nom!


Vous pouvez partager ce message avec les gens qui pourraient, d'une manière ou d'une autre, avoir une influence (politiciens et autres décideurs, gérants de supermarchés, professeurs, directeurs d'école...)




samedi 18 mars 2023

Réflexions sur notre système de santé

Voici un blog en 2 parties : 
- quelques réflexions sur le système de santé en Suisse, puis
- nos expériences avec ce même système de santé dans notre quotidien avec Nicolas (10 ans) qui vit avec un autisme et une arthrite juvénile.


Réflexions

Ayant habité presque cinq ans en Angleterre, pays dans lequel le système de santé était au bord du gouffre il y a vingt ans déjà, j'ai toujours été fier du système de santé suisse qui tient encore debout. Je ne dirai pas que je suis content de payer mes primes de caisse maladie qui augment d'année en année, mais au moins je sais que je reçois quelque chose en retour lorsque j'en ai besoin.

D'après l'office fédéral de la santé public, nous avons trop de médecins en Suisse, surtout des spécialistes. Trop de médecins veut dire trop de coûts, car chaque médecin qui pratique coûte de l'argent au système de santé.

Afin d'y remédier, le nombre d'étudiants admis en médecine a été réduit (numérus clausus). Suite à cela, la Suisse ne "produit" plus assez de médecins depuis une bonne dizaine d'années

Le nombre d'habitants en Suisse augmente en flèche, nous allons franchir les 9 millions d'habitants en 2023, une augmentation de 20% en vingt ans. Le nombre de médecins en Suisse, lui, baisse.

Une ordonnance fédérale a été établie récemment qui définit le nombre maximal de médecins admis par spécialité et par canton. En croyant ce qui est écrit noir sur blanc par nos autorités, nous avons trop de médecins dans notre pays.

Je connais de plus en plus de personnes qui n'ont plus de médecin traitant... parce qu'il n'y en a pas. Dans certaines villes, il faut plus de trente appels pour trouver un médecin disponible. Ces personnes sans médecin traitant se rendent donc aux urgences dans les hôpitaux pour une simple grippe parce que leur employeur exige un certificat médical dès le troisième ou cinquième jour d'absence.

Pour remédier à ce manque de médecins, les docteurs travaillent de plus en plus longtemps (j'ai même entendu à la radio qu'il y a des chirurgiens de plus de 80 ans qui opèrent encore). Heureusement, des médecins avec des diplômes étrangers viennent s'installer en Suisse (37,4% des médecins pratiquant en Suisse ont un diplôme étranger selon la FMH), même si je ne crois pas que ceci est une solution durable.



Comme ce blog parle du quotidien d'un papa d'autistes, je vais parler Autisme. Je réalise que nous avons eu beaucoup de chance de trouver une pédopsychiatre spécialisée en autisme il y a sept ou huit ans pour poser un diagnostic. Nous avons également une logopédiste et Nicolas va régulièrement à l'ergothérapie, après avoir attendu presqu'un an qu'une place se libère.

Aujourd'hui, selon les statistiques, entre 1 enfant sur 65 et 1 enfant sur 100 est touché par l'autisme. Ces statistiques tiennent uniquement compte des personnes diagnostiquées. 

Dans notre canton, lorsqu'un diagnostic d'autisme est posé par une entité spécialisée, les parents reçoivent une liste de plusieurs pages avec des pédopsychiatres, logo- et ergothérapeutes ou psychomotriciens à contacter. Débrouillez vous ! Mais il n'y a que peu de chances de trouver des intervenants rapidement, tout le monde a des listes d'attente d'une voire deux années... et pas certain que le prochain pédopsychiatre disponible connaisse bien l'autisme. 

Dans un canton voisin, le temps d'attente pour un tel diagnostic est de deux ans. Le parlement cantonal vient d'octroyer des fonds publics pour pouvoir diagnostiquer l'autisme chez les enfants. Tout reste à faire.

Je vous ai dit, nous avons de la chance !


Notre quotidien

Nous bénéficions de la prise en charge médicale de Nicolas par l'assurance invalidité (AI), du moins pour tout ce qui touche à l'autisme. L'AI paie les traitements et médicaments, mais ils ne nous trouvent pas les médecins ou thérapeutes.

Comme bon nombre d'autistes, Nicolas n'a pas ou pas assez de production de mélatonine, hormone du sommeil. Depuis bon nombre d'années, nous lui donnons quelques millilitres d'un sirop pour qu'il arrive s'endormir une petite heure plus tard.

Je ne considère pas ceci comme un médicament, la mélatonine est librement disponible dans les pharmacies dans de nombreux pays afin de remédier, par exemple, au Jet-lag.

Et soudain : STOP ! L'AI s'interroge pourquoi Nicolas a besoin de mélatonine depuis toutes ces années. Une petite demande écrite à notre pédopsychiatre, copie aux parents, pour qu'elle établisse un rapport médical pour justifier ces frais (environ Fr. 40.- par mois).

Comme notre pédopsychiatre est très compétente et surtout très occupée, ce rapport n'a pas été établi dans les délais octroyés. Un premier rappel (copie aux parents) puis un deuxième, puis une missive de l'assurance invalidité aux parents pour qu'on intervienne de suite auprès de notre médecin pour qu'elle établisse toute de suite ce rapport. 

A croire que c'est le travail des parents de courir après les médecins pour qu'ils répondent aux questions basiques des assurances sociales. 

Comme j'aime bien écrire, j'ai donc posé cette question à l'AI, en précisant que 1) il devient impossible de trouver un pédopsychiatre, 2) ces derniers sont très occupés, 3) la majorité des personnes autistes - enfants et adultes - ont besoin de mélatonine pour pouvoir s'endormir et finalement 4) nous les parents sommes déjà au bord du gouffre sans devoir courir derrière les médecins.

Environ six semaines plus tard, nous recevons un appel d'un service de médiation de l'AI qui 1) s'excuse du retard dans leur réponse à notre courrier, 2) nous informe que la demande de mélatonine a été validée et 3) qu'ils vont adapter le texte de leurs futurs courriers aux parents, ceci afin de ne pas offusquer d'autres parents. Ils ont en effet constaté que les médecins répondent de moins en moins aux demandes de l'assurance invalidité. Résultat principal de cet appel : Nicolas a toujours droit à la mélatonine.


Vous n'allez pas me croire mais c'est vrai : Quinze jours après avoir reçu la confirmation de la prise en charge de la mélatonine, l'AI nous envoie une copie de la lettre adressée à la pédopsychiatre. L'assurance invalidité demande à la doctoresse d'établir un rapport médical qui justifie les besoins de Nicolas en ergothérapie.


Je commence donc à comprendre pourquoi notre pays manque de médecins. Ce n'est pas la faute d'une population vieillissante. Les hypochondriaques n'en sont pas la cause ni le nombre restreint de nouveaux médecins formés. Si, aujourd'hui, la Suisse manque de médecins, c'est la faute à une bureaucratie qui prend le dessus !


lundi 20 février 2023

146. Des découvertes

En 1492, Christophe Colomb a découvert l'Amérique. On dit que c'était le premier même si ce continent était déjà habité par des indiens et que - paraît il - les Vikings avaient fait des traversées bien avant lui.

Au 16e siècle, Galileo Galilei a découvert que la terre était ronde. Et pourtant, Colomb était parti à l'ouest 150 ans plus tôt en pensant se rendre en Inde. Soit Colomb était suicidaire et voulait se jeter avec ses trois vaisseaux du bord du plateau terrestre parce qu'il n'avait pas envie de chercher des épices indiennes, soit il a dû avoir une idée précise que la terre n'était pas plate. Malgré tout, la découverte que nous habitons sur une immense boule d'eau et de feu est attribuée à Galilée.

En 2023, Nicolas a découvert la télévision. Du haut de ses dix ans, il a commencé à s'intéresser à ces images qui bougent accrochés au mur.


Il n'a pas de retard de développement, il n'a juste pas croché à la télévision. Ses figurines, ses peluches et sa tablette lui ont suffit jusqu'à présent. A croire qu'il se sent prêt à mettre son regard un peu en dehors de sa bulle, son spectre bien à lui.

Mais d'où vient cet intérêt soudain? Il n'a certes pas souvent eu l'occasion de regarder la télé parce que notre unique téléviseur est d'habitude éteint jusqu'à l'heure du coucher à Nicolas. Nicolas a profité de l'une des rares occasions de regarder la télé avec papa pendant le mundial au Qatar, et ça a éveillé sa curiosité.

Si, les premiers jours, Nicolas voulait regarder le football avec papa, j'en ai eu marre de voir et revoir l'équipe de Suisse encaisser six goals contre le Portugal (et encore plus d'entendre les commentaires des commentateurs...)

Nicolas a rapidement découvert l'interrupteur de la télé et le fonctionnement de la télécommande. Au bout de quelques jours, il a compris quelles chaines diffusaient quel dessin animé à quelle heure. Et il se fait un grand plaisir d'appuyer sur le bouton rouge qui enregistre des émissions.

L'autre jour, lorsque Nicolas était couché, on a voulu regarder un épisode de l'une de nos séries enregistrées. Horreur - nos enregistrements avaient disparu! Une centaine d'épisodes des lapins crétins, septante épisodes de Michka et Maska et une dizaine de TFou, émission qui prend la matinée sur TF1, ont occupé toute la place disponible sur notre boitier TV. Nos enregistrements de séries on été éjecté par des dessins mal faits de rongeurs débiles qui rigolent sans arrêt.

Il faut dire que Nicolas passe plus de temps à étudier le programme TV sur l'écran et à appuyer sur le bouton rouge qu'à regarder les programmes. En fait, il s'amuse à bouger le curseur du programme TV et à appuyer sur les boutons comme s'il jouait au Tétris!

Nicolas a donc découvert la télévision et le bouton d'enregistrement. Avec tout ceci, il a aussi découvert la pub.
"Tiens Nicolas, je t'ai acheté un Joujou Chips quand j'ai fait les courses." 
"Je ne veux pas tes chips, je veux une Switch!" Un mot qu'il ne connaissait pas avant la découverte de la pub et qui rime avec chips... 

"Papa, tu m'achètes une PS5?" 
Silence. Je l'ignore pour éviter la prochaine crise.
"Mais papa, je veux une PS5. J'ai vu à la télé, c'est super une PS5!"

Hélas, avec l'arrivée de la télé arrivent aussi les disputes sur le temps d'écran. Nicolas ne comprend pas pourquoi il ne peut pas regarder la télévision pendant des heures. Il a la tête dure, il contrarie, il se bat contre nous et pour plus de télé. Mais comme c'est lui l'enfant et nous les parents, il cède après de longues discussions : "Ok, vous avez gagné. J'arrête de regarder la télé!" 

Il tape des pieds et part fâché dans sa chambre... la tablette sous la main! Comme un renard rusé!