samedi 19 novembre 2022

144. Corrélations

Lorsque j'étais plus jeune, avant que Nicolas entre dans notre vie, je donnais régulièrement des cours de statistique à des employés de banque romands. Un chiffre-clé que nous abordions était la corrélation : c'est une valeur statistique qui décrit le lien entre deux valeurs, et qui se situe entre +1 et -1.

Un exemple concret, que nous vivons depuis quelques mois en Suisse : Lorsque les taux d'intérêts montent (+), les cours des actions ont tendance à baisser (-). Nous avons donc une corrélation négative.

J'avais tendance à banaliser les choses : plus il y a de pluie, plus les kiosques vendent des parapluies (corrélation positive). 
Plus les températures sont élevées, moins les gens portent d'habits (corrélation négative).
Lorsqu'il n'y a pas de lien, la corrélation est neutre (zéro) ou, statistiquement parlant, faible. En moyenne, il ne fait pas plus chaud un mardi qu'un jeudi.

  



Si je donnais un cours de statistique à des parents d'enfants différents, j'expliquerai la corrélation d'une autre manière : 

Premier exemple :
Plus un médecin ou thérapeute est bon, moins son administration fonctionne (corrélation négative). 

En découle que si l'administration fonctionne bien (prise de rendez-vous, respect des heures, facturation...), je me méfierai de la qualité du thérapeute.

Je veux préciser que les personnes qui s’occupent de Nicolas sont particulièrement bons ! Entre les intervenants pour l’autisme et ceux qui soignent l’arthrite juvénile, il y en a du monde... Nous leur faisons confiance à 100%, certains comptent parmi les meilleurs en Suisse romande.

Vous en déduisez que l’administratif ne suit pas du tout et qu'on passe beaucoup de temps à courir derrière les rendez-vous, les ordonnances ou les résultats. 

"Je vous prescris ces gouttes pour 30 jours. Dites-moi dans deux semaines si vous voyez du changement... Non, pas besoin de téléphoner, écrivez un courriel sur mon mail personnel..." 
Les gouttes fonctionnent bien, mais nous n'en avons plus. Malgré 3 mails et au moins dix téléphones, nous attendons une réponse. Malheureusement, ces gouttes ne s'achètent pas comme ça en pharmacie.

C'est un excellent docteur, il est même révolutionnaire. Mais il ne peut pas être bon partout ! Par contre, pour des raisons que je ne comprends pas, un bon médecin ne peut pas engager du bon personnel du bureau.

Non, ce n'est pas la faute de l'unique secrétaire médicale en congé maternité dont la remplaçante a chopé le Covid. Je vous parle de problèmes récurrents qui durent depuis des années.


Deuxième exemple :
Plus la taille de la structure médicale ou thérapeutique est grande, ou plus elle est petite... cela n'a aucune influence sur le fonctionnement de l'administration (corrélation neutre).

Pour commencer, il y a la difficulté voire l'impossibilité d'atteindre quelqu'un au téléphone. Il n'est pas rare que mon épouse écoute une bande en boucle pendant 45 minutes juste pour prendre rendez-vous. Au moins, la bande nous dit qu'ils essaient de répondre rapidement à notre appel. 

Quand, enfin, nous avons réussi à atteindre le secrétariat ouvert de 14h15 à 14h45 les jours impairs sauf en période de lune décroissante, on nous propose un rendez-vous le 17 mars. 
"Oui, je sais que nous sommes en novembre... c'est urgent, je comprends... vous aimeriez venir plus vite car vous avez besoin d'une ordonnance... laissez-moi regarder... je pourrais vous proposer le 14 mars?" 

Les bons médecins sont très recherchés !

Ils nous appellent deux semaines plus tard : "Le docteur doit malheureusement déplacer le rendez-vous, il a eu un imprévu. Il pourrait vous voir le 28 mars, je peux vous caler entre deux rendez-vous ?" 

Non ! Un imprévu n'est pas prévisible cinq mois à l'avance. Et attendre cinq mois pour être casé entre deux rendez-vous, ça ne va pas. Et pourquoi ne pas nous caler entre deux rendez-vous la semaine prochaine ? Parce qu'il a déjà calé quelqu'un d'autre entre deux consultations...

On ira donc voir ce médecin en avril, en sachant aujourd'hui déjà qu'il nous prendra en retard parce qu'il a calé une urgence avant nous. 
Nous venons de mettre les pneus d'hiver, nous remettrons les pneus d'été pour aller à Lausanne expliquer que Nicolas a toujours ses comportements défis et que nous aimerions savoir si on peut le mettre sur une liste d'attente pour commencer une psychothérapie à la rentrée 2023...


L'autre jour, le secrétariat du service qui s'occupe de l'arthrite juvénile au CHUV nous appelle. Il y a des médecins extraordinaires au CHUV (...corrélation négative...) !

"Est-ce que vous êtes dans les bouchons ? Nous vous attendons depuis une heure pour le contrôle bi-annuel de Nicolas." 
Quel contrôle ? Nous n'avons pas reçu de convocation...

Ce n'est pas la première fois que cela arrive. La lettre envoyée en courrier B a tendance à arriver par poste une semaine après la date en question. Une fois encore, nous leur demandons de nous avertir par mail, mais cela ne semble pas être possible en 2022.

Nous attendrons donc encore quelques mois avant de savoir si l'arthrite s'est stabilisée, sauf si Nicolas aura des poussées d'ici-là. Et non, pas de possibilité de programmer le prochain rendez-vous six mois à l'avance, les plannings des médecins ne sont pas connus. Nous essayons donc d'appeler le CHUV cinq mois après le dernier rendez-vous pour programmer le prochain dans un mois. Hélas, nos interlocuteurs là-bas n'ont pas de bande d'annonce... trop souvent personne ne répond.


Vous vous posez la question pourquoi nous roulons une heure pour aller voir quelqu'un à Lausanne? Parce qu'il n'y a personne de libre dans cette spécialité plus près de chez nous !

De plus, les autistes ont besoin de continuité, ils détestent les changements. Nous avons quand même essayé de changer certains médecins, et nous avons regretté. 

Ce qui m'amène au troisième exemple
Plus un médecin est disponible rapidement, moins il est à conseiller... (corrélation négative). 

- Une pédopsychiatre a réduit son activité pour des raisons de santé et ne peut plus s'occuper de notre fils, et ce après quatre consultations pour connaître notre fils. Pas de chance...
- Une psychothérapeute a réussi à nous dire au bout de six consultations qu'elle ne connaissait pas l'autisme et qu'elle n'avait pas les compétences de le prendre en thérapie. 
Cette psychothérapeute travaillait en délégation d'un psychiatre que nous n'avons jamais vu. Il a dû partir d'urgence en Espagne  avec l'arrivée du Covid en 2020... il n'est pas encore revenu. Mais il délègue les thérapies à plusieurs psychologues qui travaillent dans son cabinet.
- Notre tout premier pédopsychiatre - le seul qui était disponible à Fribourg en 2014 - a acquis ses connaissances dans les années 80. Son diagnostic posé au bout d'une bonne année, après nous avoir envoyé voir une logopédiste parce que Nicolas ne parlait pas, n'a pas été accepté par les assurances sociales.

Vous trouvez que je suis trop négatif ? Vous avez probablement raison. Comme chaque règle, il y a bien sûr des exceptions. Il paraît que cela existe, je n'ai juste pas encore trouvé d'exemples.

Je vais quand même terminer cette publication avec quelque chose de positif : Plus je râle dans ce blog, plus je me sens soulagé (corrélation positive).