vendredi 20 août 2021

132. Le bon choix ?

Il y a quelques années, mon épouse et moi avons fait le choix de soutenir notre fils Nicolas afin de lui donner toutes ses chances dans sa vie. Nous avons abandonné d’autres projets pour pouvoir être là pour lui. Ma femme a laissé tomber son ambition de reprendre une activité professionnelle structurée, et mes jours de congés disparaissent petit à petit pour des bilans thérapeutiques ou des rendez-vous médicaux. C’est vrai qu’il vaut mieux être à deux pour se rendre avec Nicolas et son chien d’accompagnement au CHUV à Lausanne ou quand un médecin vous fait patienter une heure en salle d'attente !

Les frères à Nicolas aussi doivent faire des sacrifices en permanence, mais eux n’ont pas pu choisir s’ils le veulent ou pas. Fini les sorties familiales le week-end ou les vacances en famille, Nicolas ne supporte pas les nouveaux endroits. A la maison, ils doivent subir ses crises permanentes, et difficile d’amener des potes ou une copine à la maison dans ces conditions.

Nous avons donc fait le choix de mettre toutes les chances de vivre une vie « normale » de son côté. Nous avons déménagé et changé de canton pour que notre fils puisse aller à l'école, le canton de Fribourg n’offrant pas la possibilité à des enfants comme Nicolas de suivre une scolarisation digne de ce nom.

Nous avons fait ces choix par amour envers notre fils, mais aussi dans l'espoir de pouvoir un jour quitter ce monde sereinement, quand le moment sera venu. En aucun cas, je ne souhaiterai demander à ses frères de s'occuper de Nicolas quand je serai trop vieux pour le faire !

Il y a d'autres parents d'enfants TSA qui ont fait un autre choix. Leur enfant touchera des indemnités des assurances sociales quand il sera adulte, cela permettra de survivre. C'est un choix, je le respecte mais ce n'est pas celui que j'ai fait. Non, je ne veux pas que Nicolas doive survivre, je veux qu'il puisse vivre !


Hélas, avec un tel choix, notre quotidien n'est pas simple tous les jours. Je me suis habitué aux regards malveillants et aux commentaires méchants de certains adultes, mais à neuf ans c'est Nicolas qui doit subir les mêmes commentaires des autres enfants. Cela le perturbe d'être différent, ça le dérange ! Mais il n'arrive pas (encore) à cacher sa différence.

Il y a aussi des tracas administratifs qui nous mettent des bâtons dans les roues et nous rendent notre combat difficile. Si nous avions placé Nicolas dans un institut, nous n'aurions pas tous ces formulaires à remplir, ces lettres à écrire et ces explications à donner.

Pourquoi les écoles veulent remplacer toutes les personnes qui ont accompagné notre fils l'année dernière alors que celles-ci ont émis le désir de continuer dans la volée ? Pourtant, nous sommes intervenus assez tôt et au bon endroit pour maintenir une constance. Mais quand certaines personnes au pouvoir veulent décider, difficile de faire changer d'avis.

Il y a également des mesures que je ne comprends pas. Pourquoi ses camarades de classe qui ont passé des vacances dans les pays à risque Covid peuvent aller à l'école normalement lundi, alors que Nicolas a dû subir des tests Covid toutes les semaines pour aller un ou deux jours dans une institution durant l'été ? Couper les ongles à Nicolas est difficile à cause de son hypersensibilité. Couper les cheveux est presque impossible... imaginez le coton-tige dans le nez toutes les semaines ! Nous avons posé la question à notre ministre de la santé. Pourquoi un enfant avec un handicap doit subir des règles plus sévères qu'un enfant « classique » ? 

Dans une lettre non signée, Monsieur le Ministre nous a remercié par écrit pour nos suggestions constructives. Son staff n'a même pas pris le temps de lire la lettre. Comment voulez-vous que ça change ?


Il y a des jours où nous avons envie de tout plaquer, de recommencer une vie normale, de placer Nicolas en institution. Je n'ai pas honte de le dire. Que ceux qui critiquent ces paroles me prennent Nicolas pendant 48 heures. Je pourrais enfin aller au restaurant ou me payer un week-end prolongé quand ma femme et moi en avons envie. 

J'aurais de l'énergie et le temps pour faire un peu de sport, chanter dans un choeur ou jouer au théâtre... Nous ne serions plus obligés d'écouter des conseils de thérapeutes ou profs style « vous avez l'air fatigué, prenez soin de vous » ou « oui, je sais comment prendre en charge un autiste, j'en avais un dans ma classe en 2010. »


Pour cela, il faudrait déposer Nicolas du lundi au vendredi dans une institution spécialisée... et aussi un week-end par mois. Il apprendrait les bases de la base, et un jour, à sa majorité, il toucherait une rente de l'assurance-invalidité. Pour survivre, du moins économiquement.

Non, je ne veux pas. Il y a quelques années, nous avons fait un choix. Le bon choix, même si je doute par moments...