vendredi 28 septembre 2018

67. Pris au mot

La vie nous apprend qu’on peut faire entièrement confiance à certaines personnes, mais qu’il faut se méfier des autres. 

On dit que les autistes vous prennent toujours au mot. Le mot prononcé, pas celui du sens figuré. Leur compréhension est basée sur ce qui est dit. Un chat est un chat, point final. Le mensonge, ils ne connaissent pas.

Si quelqu’un tombe dans les pommes, l’autiste comprendra que cette personne a dû glisser dans le rayon « fruits et légumes » du supermarché. Une langue de bois doit faire mal dans la bouche. Une équipe de foot n’aura aucune chance de gagner la coupe s’ils ont un pied en finale... l’autre équipe aura deux pieds pour jouer et gagner.

Ne placez pas du sarcasme quand vous communiquez avec un autiste. Ne faites pas d’allusions cachées, évitez l’humour. Certes, l’intelligence de l’autiste lui permettra peut-être de comprendre qu’il pourrait y avoir un autre sens, mais il ne le comprendra pas forcément. 

Depuis que Nicolas parle, je confirme que ce qu’il comprend est autre chose que ce qu’un enfant neurotypique interprèterai. Voici deux exemples de ces derniers jours:

Vendredi, après avoir subi une gastro toute la nuit, nous n’avons pas envoyé Nicolas à l'école. Comme il était affaibli, il est resté sur notre lit à regarder des dessins animés une partie de la journée. Il a dû avoir mal aux bras à force de s’appuyer dessus; en tout cas il a changé de position chaque trente secondes.
Comme j’étais couché à côté de lui, je lui ai suggéré de s’appuyer sur moi - il serait mieux. Tout à coup, il a commencé à presser sur mon ventre avec son doigt. L’air déçu que rien ne se passe, il touche mon genou puis mon nez... Mais que fais-tu là? « J’appuie sur papa pour guérir! »

Dimanche, dans la voiture, nous avons passé devant l'école à Nicolas. Oh! Regarde dehors! Tu sais où nous sommes ici? Nicolas regarde dehors la vitre puis répond très court: « oui, nous sommes dans la voiture. »

Résultat : Ce n’est pas parce que l’enfant a commencé à parler que la communication devient plus facile! Le reste non plus, d’ailleurs...



jeudi 13 septembre 2018

66. Rencontre des chiens d‘accompagnement pour autiste

Samedi passé a eu lieu la rencontre annuelle des familles qui vivent avec un chien d’accompagnement pour autiste. Il y en a une trentaine en activité en Suisse, dont notre Winny.

Winny a eu la possibilité de renifler d’autres chiens dans un lieu très familier. Pour nous, c’était l’occasion de retourner à l’école des chiens à Allschwil près de Bâle, pour voir les formateurs et les bébés labradors. Pour moi en plus - je n’arrive pas à m’en abstenir - c'était l'occasion d'observer les autres enfants atteints d’autisme.

Quand on a un enfant neurotypique*, on peut comparer tous les jours avec les autres enfants du quartier, les grands cousins, les enfants de collègues etc.
Quand on a un enfant autiste, on a beaucoup de doutes, et l'occasion de comparer à des paires est plus rare.

Je sais bien qu’il ne faut pas comparer parce que chaque enfant et chaque autiste est différent. Je le fais quand même lors de ce genre de sorties avec l'assocation Autisme Suisse, au cabinet de pédopsychiatrie ou tout simplement là où nous rencontrons des autistes. J’imagine Nicolas à dix ans comme tel enfant, à douze ans comme celui-ci, à quinze ans... C’est plus fort que moi.


Nous sommes arrivés à l'école des chiens avant l'heure fixée afin d'éviter à Nicolas de devoir entrer dans un grand groupe de personnes avec beaucoup de bruit. Nous avons vu arriver  les familles avec leur enfants et leur chien d’accompagnement. Première surprise: Personne n’a mis le harnais de travail au chien. Certes, on était entre nous dans un lieu qu'on connaissait. 
Les chiens ont tous passé les trois premiers mois de leur vie ici, et ils y ont effectué leur formation de huit mois. 
Les parents et enfants ont également tous passé par ce bâtiment à de nombreuses reprises pour les tests, les formalités puis la prise en charge du labrador.

Prochaine surprise: la quasi-totalité des enfants avec autisme se tenaient à la laisse du chien lequel était dirigé par un parent. Nicolas ne fait jamais ceci! Soit il suit Winny quand celui-ci porte son bleu de travail, soit Nicolas marche à quelques mètres de Winny, chacun son chemin. Ils font les deux la distinction entre travail et loisirs.

Comme partout, nous avons rencontré des parents très attentionnés, et d'autres qui ont profité pour poser leur chien et leur gamin dès qu'ils le pouvaient. C'est pratique quand il y a une personne pour garder les chiens et un clown pour distraire les enfants... mais je les comprends, un enfant différent demande énormément de travail.

Nous avons aussi rencontré des enfants de six à quinze ans. Quelques uns m'ont tendu la main en arrivant, tout en tournant la tête quand ils m'ont dit bonjour. On leur a appris qu'on dit bonjour en arrivant même quand on ne connait pas la personne. Trop chou!

J'ai rapidement pu identifier certains autistes à leur état d'être général, leur regard, leur comportement. D'autres, je ne me suis aperçu qu'au troisième ou quatrième contact que c'était eux l'autiste de la famille! Des sacrés gamins qui donnent de l'espoir!

Je ne veux ni juger ou comparer. J'ai juste besoin de me rassurer quant à l'avenir de Nicolas et son développement. Mon impression était qu'il y avait une corrélation entre les parents et leur enfant autiste: Plus les parents donnaient de l'attention à leur enfant pendant cette sortie, moins on remarquait la différence de l'enfant par rapport aux neurotypiques*. En d'autres termes: les autistes perceptibles au premier regard étaient souvent ceux dont les parents se sont assis pour boire des verres sans trop s'occuper du gamin.

J'ai donc beaucoup d'espoir pour l'avenir de Nicolas!

La suite de notre après-midi: Nicolas a tenu une bonne heure avant de vouloir partir à la maison. Il a dit au revoir aux autres ("Au revoir aux autres") en faisant un signe de la main puis nous a attendu patiemment dans la voiture du temps que nous disions au revoir aux autres.

Bilan de la journée: On pourrait voir les côtés négatifs. Nous avons fait plus de quatre heures de route pour rester une heure sur place. Nous n'avons que très peu pu discuter avec d'autres parents parce que nous sommes partis quand d'autres sont arrivés (ce n'est pas facile de se déplacer pour une heure fixe quand on a un enfant différent).

Je vois le côté positif, outre les quelques rencontres faites: Une année en arrière, Nicolas n'aurait pas tenu plus d'un quart d'heure lors d'une sortie pareille! L'année prochaine, on restera deux heures, et dans trois ans ils devront nous chasser quand il fait nuit...





*neurotypique: les personnes qui ne sont pas atteintes d'autisme

mardi 4 septembre 2018

65. Bruno

Contre toute attente, notre famille vient encore de s'agrandir. Bruno nous a rejoint samedi passé et participe à toutes les activités familiales depuis.
Heureusement que notre table propose une sixième place pour Bruno.
Une chance qu'il y a un grand matelas dans la chambre à Nicolas pour lui et Bruno.
Nous avons bien fait d’acheter un mini-bus lors de l’arrivée de Winny, notre chien-guide. Bruno arrive à s'assoir à côté de Nicolas.

Nous ne savons pas quel âge a Bruno, il a à peu près la même taille que Nicolas. Il doit être asiatique, probablement chinois. Nicolas lui prête donc ses t-shirts et son pyjama. Non, pas les culottes... quand même! Mais Nicolas se charge d’habiller Bruno.

Il est non verbal comme l’était Nicolas un an en arrière. Du coup, Nicolas se charge de tout. Il parle pour Bruno. Il sait ce que Bruno veut, et il le sert comme si c'était son petit frère. Il doit y avoir un lien, mais je ne sais pas lequel.

Bruno, c'est le grand ours brun (d'où son nom) en peluche que nous avons acheté chez IKEA la semaine passée. Pour faire connaissance, nous l'avons assis sur la chaise à Nicolas samedi matin au lever. Nicolas s'est joint à lui dès son réveil, comme si c'étaient les meilleurs copains depuis toujours!

Nous nous en doutions, nous avons maintenant la certitude grâce à Bruno: Nicolas est entré dans la phase du jeu symbolique. En moyenne, un enfant joue à faire semblant à partir de l'âge de trois ans. Notre grand garçon vient de commencer à imiter des situations de vie, vers cinq ans et demi.

C'est super! Nous avons un petit autiste qui arrive à s'ouvrir, à faire fonctionner son imagination, à créer des situations de vie, à renforcer ses habilités sociales. Nicolas s'occupe de son compagnon comme si c'était son petit frère. Il lui donne à manger, il lui attache la ceinture de sécurité, il l'habille. En d'autres termes, Nicolas se développe, il découvre des nouveaux aspects de la vie, il se rend compte qu'il n'est pas seul.

Je m'en fiche que Bruno n’est qu’une peluche. Je m’en balance des classements, des statistiques et des moyennes. Ce qui compte, c'est que Nicolas a fait un pas en avant - un grand pas même!

A quand Brunette? Ce sera probablement la prochaine étape. Nous ne sommes pas pressés, nous apprécions trop observer les deux potes!