jeudi 23 août 2018

64. Monsieur 100’000 volts

Vous connaissez Monsieur 100'000 volts? Non, pas Gilbert Bécaud... l'autre!

Il tourne, il court, il saute... il arrive probablement à 30'000 pas sur la journée. Et ce n'est pas exagéré!

Il va chercher une chaise pour chercher le paquet de biscuits "caché" au sommet de l'armoire puis il me l'amène au salon en courant pour l'ouvrir. Pendant que je lui ouvre ce sésame, j'entends la chaise se déplacer vers les armoires hautes de la cuisine. Il veut un autre verre, et les verres sont fragiles donc rangés en hauteur...


Après le premier biscuit, il va sur le trampoline et saute trente secondes. Il revient en courant boire un peu d'eau puis repart sauter sur le trampoline. Une minute plus tard - taptaptaptaptap - j'entends ses pas qui l'amènent vers le prochain biscuit.


"Il", c'est Nicolas. Il ne s'arrête jamais. Même trois (petites) doses quotidiennes de neuroleptiques n’arrivent pas à le freiner.


Si la Suisse a de la peine à réaliser la sortie nucléaire pour 2050, je suggère aux ingénieurs de gagner de l'énergie en se branchant sur les semelles de Nicolas. Nous pourrions éteindre toutes les centrales nucléaires rapidement!

Mais voilà... 


Depuis une semaine, l’impensable est arrivé : Monsieur 100’000 volts s’est calmé! D’un coup! Pour la deuxième fois de sa vie, Nicolas est tombé malade. Une mononucléose qui l’a assommé!

D’un jour à l’autre, Nicolas ne s'est plus levé de la journée, ou juste pour aller se coucher sur un autre lit, le notre. Puis retour sur le sien dès qu’il fait nuit. Il faut bien distinguer le jour de la nuit...


Dix-huit, non vingt heures de sommeil par jour! Et beaucoup de fièvre. Il n’a rien mangé pendant cinq jours. Nous lui avons juste donné de l’eau à la cuillère pour qu’il ne se déshydrate pas trop. Le toubib, c'était par téléphone. La prise de sang pour le diagnostic était programmée le soir, après la fermeture du cabinet médical. Il ne faut pas contaminer les autres enfants quand on a un mononucléose, et notre pédiatre est très flexible. Merci à elle!


Imaginez-vous Nicolas qui dort, Nicolas qui est calme: c'est un nouveau gamin! Après plus de cinq ans, nous nous sommes retrouvés avec un enfant... différent! Oui il est différent tout le temps - mais la c'était différent. Un sentiment de jamais-vu!


J'ai pris gout au calme, à l'enfant silencieux qui me laisse lire un livre à côté de lui sans me l'arracher.

Cette situation a duré cinq jours. Et Nicolas est redevenu l’ancien après même pas une semaine. Même Roger Federer a mis deux mois en 2008 pour se remettre de sa mononucléose!


Nicolas est de nouveau celui que nous connaissons. L’avenir énergétique de la Suisse est sauvé...


lundi 13 août 2018

63. Les vrais héros

Très régulièrement, des gens me disent que ce que nous (les parents) faisons au quotidien pour Nicolas était super. Je leur réponds que nous n’avons pas le choix, et que nous assumons juste notre rôle de maman et de papa.

Nicolas fait beaucoup plus que nous. Il s’investit dans l’apprentissage de nouvelles choses, il s’adapte au quotidien dans un monde qui n’est pas le sien, il progresse dans un contexte difficile. Bravo à toi !

Mais les vrais héros, ce sont les frères à Nicolas ! Ils subissent beaucoup de choses depuis que Nicolas est né, et ce à leur insu ! Personne ne leur a demandé s’ils veulent un frère autiste. Ils doivent vivre avec cet handicap qui n'est pas le leur, vivre avec ses cris au quotidien, son influence sur et sa non-participation à la vie familiale. 

Certes, ses frères ont chacun leur chambre pour s’isoler, mais chez nous certaines choses se font en famille, par exemple les repas. Croyez-moi, ses frères ont eu besoin de l’isolement bien plus vite que les autres enfants de leur âge.

L'un d'eux vit aussi avec une forme d'autisme, le syndrome d'Asperger. Cela rend la vie plus compliquée, mais n'a (à mon avis) rien à avoir avec l'autisme infantile de Nicolas. 

Les deux doivent faire beaucoup de sacrifices! Comme maman et papa doivent concentrer leur énergie pour cadrer Nicolas, c’est du temps qu'ils ne passent pas avec ses frères. Des devoirs à vérifier ou un examen à répéter pour demain? Ca attendra neuf heures quand Nicolas sera couché. 

Sans parler qu’il n’y a presque plus de sorties au restaurant ou au cinéma, plus de vacances à l’hôtel ou en avion. Depuis quatre ans, nous partons en vacances là où la voiture nous amène en trois heures max, et nous y louons un appartement insonorisé ou une maison dans un endroit perdu. 

Un ado préfèrerait visiter une belle ville, des vacances au bord de la mer ou un hôtel avec de l’animation. Et non, Nicolas ne supporterait pas tout ce monde et ce bruit qui va avec. Quand nous visitons une ville, nous nous séparons : un parent part avec les grands, l'autre se rend avec Nicolas à une place de jeux. Lors des dernières vacances, nous avons même déposé ses frères devant un musée intéressant à Milan ou à Turin pour les chercher quelques heures plus tard.

Pour un frère, ça doit être ultra-difficile d’avoir un frère autiste comme Nicolas. Tu as un chien, tout le monde t’adore. Si tu as une jolie soeur, tu as plein de copains. Mais si tu as un frère autiste... les gens te contournent. Ça pourrait être contagieux...

Chaque copain qui pourrait potentiellement nous rendre visite a d’abord droit à une théorie sur le comportement de Nicolas, sur l’autisme et sur ce qu’il ne faut surtout pas faire. On doit passer pour des parents débiles! Qui en fait les frais? Exact, les frères à Nicolas parce qu’ils ne peuvent (presque) pas inviter d’amis.

Pour faire face à une vie pareille, il existe des groupes de parole pour frères d’autistes, menés par un psychiatre ou une psychologue. A Zürich (en allemand), à Genève et même à Lausanne. Mais pas dans le canton où nous habitons. Au rythme où Fribourg s’adapte à l’autisme, ils auront quelque chose à l’âge de la retraite. Notre deuxième va donc régulièrement à Lausanne pour aller parler de sa vie avec ses frères. Donc, des samedis "perdus" à cause du frangin. 

Malgré tout cela, ils adorent leur frère. Ils jouent avec lorsqu'il est "ouvert", ils le surveillent quand maman cuisine. Et le grand autiste arrive des fois même à calmer le petit ! A croire qu'ils naviguent sur le mêmes ondes...

Bravo donc à nos deux premiers enfants ! Vous avez du mérite ! Vous êtes des héros !!!

jeudi 2 août 2018

62. Fare la spesa (faire les courses)

Nous voilà, enfin, en vacances. Toute la famille, nous avons même pris Winny avec nous. Il y a juste les chats qui sont restés à la maison où ils sont entre de très bonnes mains de nos amis house-sitters. Merci à eux!

J'aime les vacances, mais je ne me rappelle pas les avoir attendues autant que cette année-ci. Les combats pour la prochaine rentrée scolaire (pour laquelle nous n'avons toujours pas de réponse définitive) m'ont vidé émotionnellement.

Après avoir traversé le tunnel du Grand Saint-Bernard en voiture, j'ai annoncé aux enfants que nous sommes maintenant en Italie. Nicolas a fait sa première crise: "Non, je ne veux pas aller en Italie! JE - NE - VEUX - PAS - ALLER - EN - ITALIE !!!" Au moins, cette fois-ci, nous savons pourquoi il crise parce qu'il sait parler.

Nous avons donc changé d'itinéraire parce que seul le fait d'aller en France a calmé Nicolas. Au lieu de passer par Aosta et Torino pour aller près de Casale Monferrato, nous avons passé par Aoste et Turin pour aller quelque part au Piémont. Par chance, Viviana qui nous loue la maison parle très bien le français ce qui a facilité un peu l'arrivée au nouveau lieu.

Non, il ne faut pas mentir à ses enfants. Mais comme Nicolas est intelligent, il s'est très vite rendu compte que nous sommes en Italie, et il l'a accepté. J'imagine que le fait de ne pas être au même endroit que l'année passée (en Italie donc) l'a rassuré même s'il dit avoir bien aimé les vacances en 2017.

Pour l'instant, ce qui est le plus difficile, c'est la chaleur. Trente-sept degrés et beaucoup d'humidité, avec les moustiques qui vont avec. Winny, ce pauvre chien-guide, souffre deux fois plus des températures élevées même si nous le faisons pas travailler. 

Comme nous ne tentons plus l'expérience avec Nicolas d'aller dormir dans un hôtel et manger dans un restaurant, nous louons une maison et cuisinons nous-même ou allons chercher des pizzas. Le lendemain de notre arrivée, nous avons donc fait les stocks de nourriture: fruits et légumes, pain et viande, et beaucoup à boire. La vieille dame devant moi  à la caisse m'a dit (je crois) qu'elle n'avait encore jamais fait une si grande "spesa" de toute sa vie. Il faut s'organiser... j'essaie de grouper mes courses parce que je ne veux pas passer mes vacances dans le centre commercial!

Je ne pensais pas dire si vrai... Tous les centres commerciaux ici sont climatisés, ils ont tous un grand coin jeux pour les enfants, voire même une garderie. Et ils acceptent les chiens. 

Le résultat des courses (façon de parler) est que nous allons quasiment tous les jours faire des courses. Oh que non, nous ne sommes pas des adeptes du shopping! J'en connais d'autres qui passent leur vacances à choisir un t-shirt qu'ils ne mettront plus jamais ou des boucles d'oreilles en toque qui infectera l'organe dans une semaine. Ce n'est pas notre style. Nous mangeons une glace à la sortie des caisses du supermarché, bien au frais, Winny allongé à nos pieds, pendant que Nicolas grimpe sur un avion ou monte un cheval. Et nous attendons patiemment l'ouverture de la garderie pour y déposer notre garçon.

Oui, c'est bête de faire six cent kilomètres pour boire des verres dans un hypermarché. On avait l'espoir que cela se passera autrement. L'espoir fait vivre...

Quoique... les glaces italiennes sont bien meilleures que chez nous!!!