dimanche 7 juillet 2024

Eurofoot, Questions pour un champion ou les deux ?

Ces temps-ci, on rencontre des enfants de tout âge avec leur maillot de Ronaldo, Torres, Kane ou Müller. L'Eurofoot est le centre d'intérêt de beaucoup de fans de foot, ils savent tout sur leurs idoles. Le petit voisin veut qu'on l'appelle Kilian un jour puis Cristiano le jour suivant, en fonction du maillot qu'il porte, calqué sur le programme des matchs au calendrier. Son grand-père, lui, reste fidèle au maillot de la squadra azzurra.

Une caractéristique des personnes autistes est l'intérêt restreint pour l'une ou l'autre thématique. Nicolas est très intéressé par certains sujets mais le football n'est définitivement pas son dada. L'Eurofoot ne l'intéresse pas, même si son papa allume régulièrement la télé pour suivre un match.

Il ne s'intéresse pas au foot, il n'y connait rien. Pas besoin de lui expliquer la règle du hors-jeu, il sait à peine que l'équipe qui marque le plus de buts gagne. Dans le jardin, il tape trois fois dans le ballon avant de retourner sur sa balançoire. Ses playmobils jouent à cache-cache ou se courent après, mais jamais avec un ballon.

Je vais donc pouvoir regarder les match en paix le soir lorsqu'il est couché. C'était sans compter que seul les imbéciles ne changent pas d'avis.

Depuis vendredi, jour de retour de quelques nuits à l'unité d'accueil temporaire (UAT), Nicolas semble avoir eu un lavement de cerveau.

Samedi matin, après le réveil, il me demande :
Papa, est-ce que la France a gagné?
La France? Oui.
Est-ce que Mbappé a marqué un but?
Heu... non.
Donc, le Portugal a été éliminé?
Oui.
Ronaldo a donc perdu? Il ne peut plus jouer?
Ben... le Portugal a été éliminé, Ronaldo ne joue plus.
S'il ne joue plus, il part à la retraite?

J'imagine qu'il a parlé de Ronaldo avec un copain de l'UAT, et qu'il savait que le Portugal allait jouer vendredi soir lorsque Nicolas sera couché.

Mais mon fiston me surprend en reprenant le sujet :

L'Italie a perdu contre la Suisse, je suis triste parce que j'étais pour l'Italie. L'Allemagne a aussi perdu, c'est dommage, je voulais que les allemands gagnent.

Bla bla bla... Je suis certain qu'il ne sait pas me citer un joueur allemand.

Papa, pourquoi l'Allemagne et l'Italie sont éliminés après avoir perdu un match, alors que les Pays-Bas peuvent continuer à jouer?
Parce que les Pays-Bas ont battu la Roumanie en huitièmes.
Oui mais ils ont perdu contre l'Autriche.

Pourquoi ce gamin me pose des questions alors qu'il sait tout?
Pourquoi ce gamin s'intéresse au football d'un jour à l'autre?
Pourquoi ce gamin se rappelle des choses dont il n'avait pas connaissance trois jours en arrière???

Samedi soir à 18h00, Nicolas s'installe à côté de moi pour regarder Suisse-Angleterre avec moi. Hop Suisse!
Ah non, je suis pour l'Angleterre.
Comment ose-t-il...
Je n'aime pas la Suisse, je suis pour les Anglais. Mes frères sont nés à Londres, je suis donc pour l'Angleterre.
No comment...
C'est lequel Ronaldo?
Il ne joue pas. C'est la Suisse contre l'Angleterre. Ronaldo joue pour le Portugal.
Non, comme il est parti à la retraite, il pourrait jouer pour l'Angleterre.
Non.

Coup d'envoi. Je n'ai pas entendu les hymnes nationales. God save the Queen... enfin le King... mais Hop Suisse quand même!

Papa, est-ce que le Liechtenstein a gagné?
Ils ne jouent pas. Pas qualifiés.
Et l'Inde?
C'est le championnat d'Europe. Seules les équipes européennes jouent. L'Inde est en Asie.
Lecury vient d'Inde?
Je ne sais pas, je ne connais pas les joueurs indiens.
Non, mais le curry qu'on met dans la sauce?
Je ne sais pas. Oui, mais il y en a aussi ailleurs.
Le Japon s'est-il qualifié?
Le Japon n'est pas européen.
Et Madrid?
C'est une ville, pas un pays. L'Espagne est qualifiée.
Et la Russie?
Ils ne peuvent pas jouer à cause de la guerre.
Papa, qui va gagner ce soir?
Je ne sais pas. Le match vient de commencer.

En effet, ça vient de commencer. Trois minutes de joués. Les Anglais dominent.

Est-ce que l'Amérique joue demain?
L'Amérique n'est pas en Europe.
Et l'Autriche?
<Soupir> Je ne sais pas.
Mais non, l'Autriche est éliminée, ils ont perdu contre les Turcs.

Le match va être long... Cinq minutes sur le compteur!

Est-ce qu'ils jouent au football en Chine?
Oui.
Ils mangent quoi en Chine?
Chinois.
Mais papa, tu sais. ils mangent du riz, des nouilles, de la viande, des légumes...

Monsieur Je-sais-tout part dans la chambre parce que le match n'est pas intéressant. Ouf!

...

Je reste devant la télé pendant que Nicolas mange son souper. GOAL!!! GOOOOAAAAALLLLL!!!!!!! La Suisse a marqué à un quart d'heure de la fin.

Ah non! Je ne veux pas que la Suisse gagne. Je suis pour l'Angleterre.
Je m'en fiche, la Suisse mène un zéro :-)
Allez l'Angleterre! Allez l'Angleterre! ALLEZ L'ANGLETERRE!!!

...

Les joueurs auront écouté Nicolas, les Britanniques ont battu les Helvètes aux penalties. Quand j'informe Nicolas que la Suisse a perdu, il répond du tac au tac : L'Angleterre va donc jouer contre les Pays-Bas ou la Turquie.

Mais comment il sait cela? Où trouve-t-il ces informations? Il n'a pas l'air de s'intéresser à ça, il n'a pas l'air de connaître quoique ce soit mais il connait la suite. Un vrai théoricien...

Après bientôt douze ans, chaque semaine amène ses surprises et relève des nouvelles questions : Comment fonctionne son cerveau? Quels branchements ont été faits à l'envers?

J'essaie de voir le bon côté des choses : 
1) Nicolas aura eu un cours de géographie pendant ses vacances.
2) On aura regardé ensemble la télé pendant au moins cinq minutes.
3) Les Anglais ne vont pas klaxonner jusqu'à deux heures du matin dans les rues de notre ville.

Allez l'Angleterre!!!

lundi 1 avril 2024

Oeil de lynx, cerveau d’éléphant

Il y a autant de formes d'autisme que d'autistes. Cette phrase, je l'entends régulièrement, et pas seulement le 2 avril, journée mondiale de l'autisme. Ce n'est pas parce que vous connaissez un autiste que vous pouvez transférer ses forces et capacités à tous les autres.

Lorsque le diagnostic à Nicolas est tombé, nous ne savions pas comment son autisme allait influencer sa vie... ni la notre ! Sera-t-il un génie qui révolutionnera le monde ou plutôt quelqu'un qui allait passer ses journées à charge de ses parents (comme des ados...) ? Et même aujourd'hui, neuf ans après son diagnostic, nous ne savons toujours pas de quoi son avenir sera fait.

Je sais qu'il maîtrise les calendriers comme s’il s’appelait Outlook, je sais également qu'il est à l'aise avec des gens comme un poisson... à l'air frais. Non, la socialisation, ce n'est pas son dada.

On nous a expliqué, il y a quelques années, que quelques autistes avaient une mémoire photographique extraordinaire. Certaines armées se servaient de ces personnes TSA pour interpréter les images satellites. Les capacités d'analyses de ces soldats étaient supérieures à l'intelligence artificielle pour observer et analyser les mouvements des troupes adverses.

Depuis quelques semaines, je réalise que Nicolas semble avoir la même capacité. Explications :

Nous avons permis à Nicolas de squatter la table basse du salon. C'est le seul endroit en dehors de sa chambre où il peut déposer des jouets sans les ranger, les autres pièces doivent être libérées lorsqu'il a terminé son jeu. Nicolas a donc déposé sa prison Playmobil reçue en 2021 ainsi que quelques figurines. Par "quelques", je précise qu'il y en a à peu près soixante : Les gardiens de prison bien sûr, mais également la Reine des Neiges, Obélix et quelques légionnaires romains, Capitaine América et les autres y passent leurs journées, que ce soit sous forme de lego, playmobil, surprises Kinder ou autres sortes de figurines.

Il m'arrive, le soir avant de me coucher, de faire une "rocade" entre la princesse Elsa et un Angry Bird ou de sortir John de sa cellule pour le laisser passer du temps avec les autres occupants. Lorsque je rentre du travail le lendemain, chacun a retrouvé sa place d'origine. Idem lorsque Spiderman aurait eu l'idée de se retourner... il se sera à nouveau dirigé vers le sud car, lui, n'est pas à l'ouest.

Il y a deux semaines, nous avons placé notre fils à la structure d'accueil le samedi soir, ceci afin de permettre à notre deuxième de fêter dignement ses 18 ans à la maison avec des potes. Pour qu'ils puissent profiter du salon, nous avons débarrassé la table basse, non sans l’avoir photographiée de TOUS les côtés, afin d'éviter un drame au retour de Nicolas en posant la moindre figurine au mauvais endroit.

Le dimanche, une fois la fête terminée, nous avons passé un long moment à recomposer le "puzzle" et placer chaque figurine au bon endroit. Pas si facile avec quatre photos... Es-tu sûr que ce bonhomme vert était bien sur la table? Il sort d'où cet oiseau? Tu savais que les prisonniers avaient des gobelets? Nous avons terminé au bout d'une heure, juste à temps pour aller chercher Nicolas et le ramener à la maison.

La routine du retour est toujours pareille : Nicolas enlève ses chaussures, sa veste, tous ses habits, il se met en pyjama et il se cache dans la chambre pendant environ trois quarts d'heure. Les retours sont difficiles, il a besoin de se ré-approprier les lieux. 

Ce jour-là, c'était différent. Nicolas passe la porte, il se dirige directement vers la table basse du salon. Il regarde... une seconde, deux secondes... trois secondes... 

Et pourtant, nous avons fait tout notre possible pour reconstruire la scène au détail près. 

Quatre secondes... ma vie entière défile devant moi. Est-ce qu'il allait hurler? Pleurer? Détruire tout ce qui se trouvait sur la table?

Les cinq secondes les plus longues de ma vie...

Puis Nicolas pose la question : "Pourquoi Astérix n'a plus sa gourde sur sa ceinture ?"


Je pense que ceci répondra aux prochaines questions de certains : "Vous êtes sûrs qu'il est autiste ?" Ou celles de l'assurance-invalidité : "Il est toujours autiste?"



jeudi 28 décembre 2023

Rétrospective 2023

J'ai quelques jours de congé et je constate sur les réseaux sociaux que certaines personnes profitent des fêtes de fin d'année pour résumer leur année en quelques lignes. Je ne sais pas si c'est pour se vanter, pour donner des nouvelles à leurs connaissances plus ou moins éloignées, pour éviter de dire dix fois la même chose, ou s'il y a d'autres raisons que je n'ai pas encore saisies. 

La télévision aussi nous fait revoir les principaux évènements des douze derniers mois (comme si on ne se rappelait pas des guerres et des catastrophes survenues en 2023). Je vais donc suivre cette tendance et résume mon année en quelques lignes.

Mon année n'a rien eu de spectaculaire. Métro-boulot-dodo, et ce 240 jours par année. Les enfants grandissent, et j'aime toujours leur maman. En novembre, j'ai survécu à mes 50 ans, mon dos va bien et mon genou tient bon. Toujours pas de marathon à l'horizon, et ce malgré de nombreux trajets en Valais pour rendre plus souvent qu'auparavant visite à mes parents. J'ai débuté une formation professionnelle supplémentaire, histoire de garder au moins le cerveau en forme. 

Ces quelques lignes résument mon année écoulée.

Et si on reconduis le même exercice, cette fois-ci avec Nicolas qui a 11 ans ? Par faute de place, je vous livre la version raccourcie :

Le 26 janvier, je n'ai pas eu la logothérapie parce que Nathalie* était malade. Elle aurait dû nous prévenir plus tôt parce que maman n'a pas eu le temps d'adapter mon planning du mois de janvier.
Le 15 février, papa aurait dû venir me chercher à l'institut à 16h45 mais il avait du retard. C'était compliqué pour moi de devoir attendre jusqu'à 16h50 ! 
Le 20 mars, papa a installé une nouvelle box TV avec une nouvelle télécommande. Les boutons de la nouvelle télécommande sont plus petits et certaines chaines sont sous un autre numéro. Heureusement que j'ai réussi à m'adapter. 
Le 22 avril, Sophie*, une copine d'école, est venue jouer chez moi de 16h00 à 19h00. J'étais tellement content... mais fatigué, je me suis caché seul dans ma chambre à 17h15. Maman a fait à manger et je suis descendu à 19h05 quand Sophie* est partie.
Le 16 juin, j'ai participé à la promenade d'école. Maman m'a promis de venir me chercher au cas où ce serait trop compliqué pour moi. Finalement, la maîtresse l'a appelé avant le dîner parce que je ne tenais plus. Du coup, je n'ai pas pu manger mon sandwich en forêt.
Le 22 juin, Winny a tout vomi dans la salle à manger. L'odeur était encore perceptible des jours plus tard. Les huiles essentielles que maman a mis dans le diffuseur m'ont 
beaucoup dérangé.
Du 7 au 13 août, j'ai été à l'UAT** à Yverdon. Je me suis bien amusé mais 6 nuits c'est trop long. L'année prochaine, je ne veux y aller que 5 nuits.
J'ai repris l'école le 22 août à 8 heures, dans la même classe que l'année dernière. Cette année, je m'assois tout devant et j'ai la psychomotricité mardi de de 15h00 à 15h35.
Le 23 septembre, papa a laissé brûler les saucisses sur le grill parce qu'il discutait trop. Ce n'était pas bon du tout. Beurk!
Le 16 octobre, j'ai été couper les cheveux chez Estelle*. C'était compliqué parce que je n'ai pas pu aller sur le même siège que les dernières fois, il y avait une autre cliente. 
Le 5 décembre, ma doctoresse Madame Dupont* a encore annulé le rendez-vous. Ça m'énerve parce que j'aime bien Docteure Dupont* et je ne l'ai plus vu depuis longtemps.
Le 14 décembre, papa a ramené un MacDonald en rentrant du travail. Il s'est trompé et il a acheté des Spicy Chicken Nuggets, je n'ai pas pu les manger parce que ça brûle la langue.
Le 25 décembre, j'ai reçu les cadeaux de Noël que j'ai voulu : les playmobil Astérix et une peluche de Dumbo. J'ai même reçu une puissance 4 géant alors que je ne l'avais pas demandé, je ne comprends pas pourquoi ce cadeau.


Sur les dates, Nicolas est incollable ! Vous constaterez également les détails et surtout le manque de profondeur de ses souvenirs. Ce sont des éléments qui caractérisent son TSA***. Les intérêts restreints (pour son calendrier par exemple) et la focalisation sur le détail font partie de la différence de Nicolas. 

Le fait de se rappeler surtout des mauvaises choses n'est pas dû à l'autisme ; cela est humain.

Malgré les thérapies et toute la bonne volonté, l'autisme ne changera pas en 2024. Mettons nos forces là où on peut changer quelque chose. 

Commençons le changement en nous rappelant nos bons souvenirs !

Vous pouvez relire le résumé de mon année 2023. Vous n'y trouverez rien de négatif :-)

Bonne année 2024, remplie de souvenirs positifs !



*noms et prénoms d'emprunt
**Unité d'accueil temporaire; institution qui garde les enfants avec un handicap pour laisser les parents se ressourcer
***trouble du spectre de l'autisme

vendredi 15 septembre 2023

Teddy bear toss

En ce début de saison de hockey, je souhaite vous parler du "Teddy Bear toss". Cette tradition nord-américaine a lieu dans les patinoires d'Amérique et du Canada depuis quelques dizaines d'années, en période de Noël. Lors du premier but marqué par l'équipe recevante, tous les fans sont invités à lancer une peluche sur la glace. Toutes ces peluches sont ensuite ramassées puis distribuées à des enfants dans le besoin.

Ainsi, début 2023, 52'341 peluches ont été jetées sur la glace en Pennsylvanie le 22 janvier 2023, dépassant le précédant record de presque 7'000 jouets. Il paraît qu'il y a beaucoup de gens pauvres sur le continent américain, j'espère que ces jouets, même refroidis par la glace, auront réussi à réchauffer le coeur de beaucoup d'enfants.

Certains clubs de hockey sur glace suisses ont repris cette belle tradition. Même si nous ne sommes pas à des dizaines de milliers de peluches récoltées - les patinoires suisses sont plus petites ou le public moins généreux - j'ai de la peine à croire qu'il y a des milliers d'enfants sans peluche dans une ville comme Genève ou Lausanne. Et même s'il y en avait autant, comment les peluches arrivent-elles auprès des bons destinataires?

Que deviennent donc tous ces nounours, toutous, minons, Mickeys et consorts, une fois ramassés par un hockeyeur? Mystère...

Un regard dans notre maison, principalement la chambre à Nicolas, pourrait laisser croire que nous avons ramassé bon nombre de ces animaux en peluches. Je ne les ai pas comptés, il doit en avoir plus d'une centaine, mais je vous rassure que cela ne provient pas des stades de glace. Nicolas aime ses peluches, chaque peluche a sa propre histoire, un nom et même un anniversaire. Si certaines peluches ont bel et bien été achetées, d'autres proviennent de collections de points dans des supermarchés, des étagères de voisins ou de cadeaux de copains.

Par le passé, nous avons fait le tri à plusieurs reprises et allégé les étagères. Chaque peluche jetée (même la charité ne prend plus ces objets parce qu'il y en a trop) a provoqué un drame quelques semaines ou quelques mois plus tard. "Ou est Caroline ma tortue? C'est son anniversaire, on doit le fêter!" Nicolas était loin de se douter que Caroline avait trouvé une fin de vie dans un sac jaune taxé... et pourtant, l'histoire se répéta avec Blacky, Pingu, Rosalie et bien d'autres.

Lorsque notre fils était plus jeune, il utilisait ses peluches comme objet de transition. Pour aller d'un endroit à un autre, ou pour pouvoir se rendre chez le médecin ou une thérapie, Nicolas avait besoin de quelques peluches sur lesquelles il se focalisait, ce qui rendait le changement possible. Nous avons travaillé des années pour qu'il ne prenne plus que 2 peluches avec lui lors de déplacements, puis encore 1 peluche. Aujourd'hui, une peluche l'accompagne tous les jours à l'école, mais elle reste cachée dans son sac d'école pour que les camarades de classe ne rigolent pas de lui.

Depuis une bonne année, Nicolas commence à remplacer les peluches par des figurines. A onze ans, ça fait moins "bébé" de promener un super-héro en plastic qu'un cochon en peluche. Spiderman a été parmi les premiers à gagner sa place dans la vie à Nicolas, avant d'être rejoint par des playmobiles, puis Harry Potter et ses amis puis bien d'autres. Chaque figurine a aussi son nom et son anniversaire... 

Ce qui m'épate, c'est que Nicolas se rappelle de l'anniversaire de chacune de ses peluches et figurines. Quand je pense qu'il y a des hommes qui oublient leur date de mariage ou d'anniversaire de leur chérie... ce ne sera pas le cas chez Nicolas.

Pourquoi je vous raconte tout cela? Pour parler de notre quotidien avec un enfant autiste, des intérêts restreints d'un jeune TSA et de sa capacité exceptionnelle de retenir des dates! Et pour donner espoir à tous les parents d'autiste(s) : votre enfant a certainement un super-pouvoir de super-zéro, même si vous ne l'avez pas encore découvert.

Aujourd'hui, Nicolas a reçu la troisième et dernière peluche du grand supermarché orange. Nous n'avons pas dépense autant d'argent pour recevoir 120 vignettes pour les échanger en 3 cadeaux, des collègues ont participé en nous filant leurs vignettes. Nicolas a donc reçu un deuxième Pluto d'une série Disney. Son anniversaire est le 23 mars, l'autre Pluto est du 11 avril. Le Pluto qui a fini dans une poubelle était du 12 mars.

Lorsque Nicolas aura 18 ans, on ira ensemble au Casino. Il comptera les cartes au Blackjack... pour que je lui offre un huitième Mickey.




dimanche 20 août 2023

Ca monte et ça descend...

Chaque personne avec autisme est différente, il y a probablement autant de formes d'autisme que d'autistes. 

L'un des faits marquants chez les autistes est un intérêt restreint pour certaines choses ou thématiques. Cela peut être un intérêt particulier pour les dinosaures chez un enfant. Au fil des années, le centre d'intérêt peut changer et l'autiste adulte pourrait se retrouver avec une obsession pour un autre univers, par exemple celui de Disney, de Harry Potter ou vouloir apprendre une langue étrangère que personne ne parle en Europe... ni au monde !

Cela ne veut pas dire que chaque personne avec un intérêt particulier est autiste. Néanmoins, il paraît que les plus grands contributeurs Wikipedia sont des autistes parce qu'ils savent tout, mais tout, sur tel et tel sujet.

Nicolas, lui, adore les ascenseurs. A défaut d'en avoir un dans notre maison, nous avons installé des faux boutons d'ascenseur dans la cage d'escaliers. Nicolas appuie, il fait semblant que la porte s'ouvre, il monte sur la première marche, il appuie sur le "1", la porte imaginaire se ferme, puis il monte à pied. Arrivé à l'avant-dernière marche, Nicolas s'arrête. Il imite l'ouverture des portes avant de monter la quinzième marche, puis il referme la porte.

Il lui arrive, à bientôt onze ans, de jouer avec sa maison de poupées... équipée d'un ascenseur. Sa tablette contient plusieurs applications d'ascenseurs, des commandes d'ascenseur ou un simulateur d'ascenseur dans un centre commercial. Grâce à ces applis, Nicolas a appris à compter en japonais - ou est-ce du chinois? En effet, en appuyant sur un bouton, la voix lui indique qu'il va à l'étage "vou", "liou" ou "sanne".

En promenade, lorsque notre fils sait qu'une maison dispose d'un ascenseur, il ne peut pas monter les escaliers parce qu'il a mal aux genoux à cause de son arthrite. Par contre, s'il n'y a que des escaliers, il les utilise sans ronchonner.

Quand nous habitions Fribourg, Nicolas adorait sa promenade standard qui passait par la gare puis 3 centres commerciaux avec de nombreux ascenseurs. Il savait - et sait toujours - quel ascenseur est équipé d'un étage "0", d'un "R" pour rez-de-chaussée ou "S" pour sortie. Il sait également si le bouton est coloré en vert ou juste métallique, et il se rappelle bien sûr si le parking se trouve au "P", au "SS" (sous-sol) ou au "-1". 

Il sait aussi qu'il ne faut jamais appuyer sur la cloche sauf en cas d'urgence. Il est obéissant car il n'a jamais appelé les secours parce qu'il n'y a pas encore eu de situation qui aurait demandé une telle action.

Hélas pour lui, la ville dans laquelle nous habitons maintenant est bien plus petite et ne dispose que de très peu d'ascenseurs publics, ce qui limite sa motivation pour des sorties.

Il y a quelques jours, la visite annuelle chez la pédiatre était au programme. Avant de partir, Nicolas s'est réjouit de prendre l'ascenseur pour aller du parking au "05". J'ai bien rigolé parce qu'aucun ascenseur ne dispose d'un étage zéro cinq sans point ni virgule... sauf celui chez la pédiatre où il y a effectivement un demi-étage avec des toilettes publiques au zéro cinq. 

Question pour un champion : Où se trouve l'ascenseur qui va à l'étage E5 ? Vous trébuchez sur cette question ? Posez-là à Nicolas, il le sait !

Dans notre jardin, je devais remblayer un trou de douze mètres cubes. Pour ménager les efforts, j'ai opté d'utiliser ce vide pour la construction d'un jardin enterré. Pendant les travaux, mon fils m'a fait des frayeurs lorsqu'il tournait autour du trou profond d'un mètre. J'ai donc construit un escalier et ai annoncé la bonne nouvelle à Nicolas. Sa réponse fut démoralisante : "Je ne veux pas un escalier, je veux que tu me construises un ascenseur." 
Je lui ai expliqué que je ne savais pas construire un ascenseur. 
Cinq minutes plus tard, chrono en main, Nicolas est venu me voir avec sa tablette sur laquelle il avait chargé quelques tutoriels comment construire un ascenseur. Il m'a montré ces vidéos, à vitesse accélérée, avant de conclure au bout de trois minutes : "Voilà, maintenant tu sais tout, j'attends mon ascenseur !"

Nicolas a donc un intérêt restreint pour les ascenseurs. S'il était né il y a quelques décennies, il aurait pu devenir lift-boy... Est-ce que Schindler ou OTIS auraient du travail pour Nicolas, par exemple comme testeur d'ascenseurs ?

En attendant, cela nous arrangerait bien s'il pouvait développer son intérêt pour les aspirateurs ou le lave-vaisselle. Pour cette problématique, rien n'est dû à l'autisme mais probablement à la pré-adolescence...