samedi 25 décembre 2021
135. Rencontre nocturne
samedi 4 décembre 2021
134. Cache cache
Un matin de février, lors de l'appel matinal, le sergent-major a annoncé l'effectif de la troupe au capitaine, comme tous les matins. "Batterie Etat-Major à l'appel. Effectif 117, présents 66. 6 hommes à la garde, 4 en cuisine, 2 en congé, 2 à l'infirmerie, 37 hommes détachés."
Le capitaine réfléchit une seconde et demande : "Détachés où?"
Nous en avons retrouvé une quinzaine restés dans leur lit, quelques uns squattaient déjà à la cantine. Deux ou trois étaient cachés derrière une baraque pour téléphoner à leur chérie. Trois ont encore profité de l'eau chaude que la douche offrait en abondance le matin, quatre jouaient aux cartes au dépôt matériel.
Le sergent-major a fait et refait les comptes, mais il manquait encore une personne. Mais qui? Tout le monde essayait de se souvenir de la sortie d'hier...
C'est à ce moment-là que le soldat Dupont se glisse sous la barrière, un sachet avec des croissants dans la main, un petit pain dans la bouche. Tout le monde s'en foutait d'où il venait... ce qui comptait c'est qu'on était 117 et qu'on pouvait rentrer à la maison samedi matin.
Changement de sujet.
Nicolas est fan de peluches. Il collectionne tout ce qu'il reçoit, et jamais il n'en perdrait une. Je pense qu'il en a 117 mais je ne les ai pas comptés.
Il a ses favoris, et il y a celles qui passent leur temps dans une caisse ou un sac avec d'autres peluches. Il y a les grandes peluches et les petites, les animaux de la ferme, ceux de la jungle, les héros de BD ou livres... Chaque peluche a un nom et Nicolas s'en rappelle même s'il n'a plus joué avec telle ou telle peluche depuis longtemps.
Il arrive que tout à coup, il cherche Grisou le lapin ou Tinky Winky le Teletubbie. Nicolas vide sa caisse, il cherche dans son armoire, il monte les tours, il se met à pleurer jusqu'à ce qu'il (ou quelqu'un d'autre) trouve la peluche recherchée.
Nous avons essayé de faire un peu de place et donné des vieilles peluches à la charité sans en informer notre fils. Ca a été le drame quelques jours plus tard lorsqu'il n'a plus trouvé Camille le renard et Sophie la perruche. Pour protéger nos nerfs, nous ne procéderons plus à ce genre d'actions à l'avenir.
L'autre soir, Nicolas était dans son lit vers 21 heures, prêt à s'endormir. Avec un regard fatigué, Nicolas demande de dormir avec sa peluche de Georges Pig. Je regarde sur le meuble à côté du lit, sur l'étagère, dans son filet suspendu rempli de peluches... Pas de trace de Georges.
Nicolas se lève et l'appelle : "Georges, où es-tu?"
Nous ouvrons les armoires les unes après les autres. Je pense que Nicolas possède 117 peluches, mais je suis certain que nous avons 42 portes d'armoires et tiroirs dans notre cuisine. Et 14 dans le salon.
"Noooon! Je ne veux pas Pepa! Je veux Georges!!!"
Avec des lampes torches, nous nous mettons à chercher Georges dans le jardin. Nous avons trouvé Petit poilu dans la cabane de jardin et Mickey dans la boîte aux lettres. Georges, lui, n'y est pas.
Nous craignons le pire : est-ce que le chien aurait dévoré ce cochon en peluche?
Désespérés, nous nous apprêtons vers 21h45 à annoncer à Nicolas que Georges ne dormira pas avec lui ce soir, qu'on le trouvera demain... en espérant que Nicolas arrivera quand même à dormir quelques heures.
Fâché mais soulagé qu'il soit bel et bien "vivant", je demande à Nicolas où il a trouvé Georges. Mais Nicolas ne répond pas, il est sur le point de s'endormir. Tant mieux pour lui!
Je sais déjà que demain, il cherchera la peluche de Titeuf ou Simon le lapin et que le même cirque recommencera.
Est-ce qu'il faut commencer à mettre des GPS dans toutes ses peluches pour les traquer et éviter un tel cirque?
samedi 11 septembre 2021
133. Vax
J'ai entendu dans une chronique radio que les premiers anti-vaccins sont arrivés en même temps que les premiers vaccins. Il paraît qu'à la fin du 18e siècle déjà, des chercheurs se sont injectés des petites doses de virus afin de provoquer la production d'anticorps et ainsi stimuler leur immunité. Le fait de s'injecter un produit "étranger" au propre corps a rapidement provoqué des réactions négatives dans leur entourage. Heureusement qu'à l'époque il n'y avait pas encore internet et les réseaux sociaux, la haine est donc restée très locale... mais elle existait déjà.
Changement de sujet. De nos jours, plus d'un enfant sur cent nait avec des troubles autistiques, et les chiffres ne cessent d'augmenter. J'ai même lu cette semaine que des récentes études démontrent qu'une naissance sur 54 est touchée par ces troubles! Les causes de l'autisme ne sont pas encore connues. Une théorie (parmi d'autres) est que les vaccins infligés à un nouveau-né favoriseraient l'autisme. Les métaux lourds contenus dans les vaccins provoqueraient une disfonction du cerveau.
Je ne suis ni médecin ni pharmacien, je suis juste un papa d'autistes. Je ne peux pas juger du bien-fondé de cette théorie, mais je clame haut et fort que Nicolas n'a jamais été vacciné. Au moins chez lui, l'autisme provient d'une autre source!
C'est un choix que nous avons fait neuf ans en arrière, lors de sa naissance, bien avant qu'on sache qu'il ait des troubles quelconques et avant qu'on entende parler du Covid. A chaque rentrée de crèche ou scolaire, nous avons dû expliquer que Nicolas ne possédait pas de carnet de vaccination parce qu'il n'a jamais eu de vaccin.
En cette période où la population se partage de plus en plus en deux camps - les pro-vaccin et les anti-vaccin - les propos tenus deviennent de plus en plus extrêmes. En dehors de tout contexte, un anti-vax m'a accusé que mon fils ne serait certainement pas autiste si on ne l'avait pas vacciné, que c'est ce poison qu'on lui aurait injecté quand il était bébé, que c'était de notre faute.
Arrêtez, s'il vous plaît! J'en ai marre de ces théories non fondées.
Je n'ai pas peur du "poison" dans le vaccin, je sais qu'il n'y a pas de métaux lourds dans les vaccins Covid administrés en Suisse, je ne crois pas à la micropuce contenue dans les dosettes. J'ai donc accepté la première dose (et bientôt la deuxième) dans l'unique but d'obtenir le pass Covid. On parle déjà de troisième dose, je ne la recevrai pas tant que seulement 2% des Africains sont vaccinés. Après tout, cela reste du business.
Je ne suis pas fan de notre président de la Confédération, mais il a dit quelque chose de très bien : "L'ennemi, ce n'est pas la partie de population qui ne pense pas comme nous. L'ennemi, c'est le virus." A réfléchir...
Non, l'autisme n'est pas né d'un vaccin.
En tous les cas pas chez Nicolas!
vendredi 20 août 2021
132. Le bon choix ?
Il y a quelques années, mon épouse et moi avons fait le choix de soutenir notre fils Nicolas afin de lui donner toutes ses chances dans sa vie. Nous avons abandonné d’autres projets pour pouvoir être là pour lui. Ma femme a laissé tomber son ambition de reprendre une activité professionnelle structurée, et mes jours de congés disparaissent petit à petit pour des bilans thérapeutiques ou des rendez-vous médicaux. C’est vrai qu’il vaut mieux être à deux pour se rendre avec Nicolas et son chien d’accompagnement au CHUV à Lausanne ou quand un médecin vous fait patienter une heure en salle d'attente !
Les frères à Nicolas aussi doivent faire des sacrifices en permanence, mais eux n’ont pas pu choisir s’ils le veulent ou pas. Fini les sorties familiales le week-end ou les vacances en famille, Nicolas ne supporte pas les nouveaux endroits. A la maison, ils doivent subir ses crises permanentes, et difficile d’amener des potes ou une copine à la maison dans ces conditions.
Nous avons donc fait le choix de mettre toutes les chances de vivre une vie « normale » de son côté. Nous avons déménagé et changé de canton pour que notre fils puisse aller à l'école, le canton de Fribourg n’offrant pas la possibilité à des enfants comme Nicolas de suivre une scolarisation digne de ce nom.
Nous avons fait ces choix par amour envers notre fils, mais aussi dans l'espoir de pouvoir un jour quitter ce monde sereinement, quand le moment sera venu. En aucun cas, je ne souhaiterai demander à ses frères de s'occuper de Nicolas quand je serai trop vieux pour le faire !
Il y a d'autres parents d'enfants TSA qui ont fait un autre choix. Leur enfant touchera des indemnités des assurances sociales quand il sera adulte, cela permettra de survivre. C'est un choix, je le respecte mais ce n'est pas celui que j'ai fait. Non, je ne veux pas que Nicolas doive survivre, je veux qu'il puisse vivre !
Hélas, avec un tel choix, notre quotidien n'est pas simple tous les jours. Je me suis habitué aux regards malveillants et aux commentaires méchants de certains adultes, mais à neuf ans c'est Nicolas qui doit subir les mêmes commentaires des autres enfants. Cela le perturbe d'être différent, ça le dérange ! Mais il n'arrive pas (encore) à cacher sa différence.
Il y a aussi des tracas administratifs qui nous mettent des bâtons dans les roues et nous rendent notre combat difficile. Si nous avions placé Nicolas dans un institut, nous n'aurions pas tous ces formulaires à remplir, ces lettres à écrire et ces explications à donner.
Pourquoi les écoles veulent remplacer toutes les personnes qui ont accompagné notre fils l'année dernière alors que celles-ci ont émis le désir de continuer dans la volée ? Pourtant, nous sommes intervenus assez tôt et au bon endroit pour maintenir une constance. Mais quand certaines personnes au pouvoir veulent décider, difficile de faire changer d'avis.
Il y a également des mesures que je ne comprends pas. Pourquoi ses camarades de classe qui ont passé des vacances dans les pays à risque Covid peuvent aller à l'école normalement lundi, alors que Nicolas a dû subir des tests Covid toutes les semaines pour aller un ou deux jours dans une institution durant l'été ? Couper les ongles à Nicolas est difficile à cause de son hypersensibilité. Couper les cheveux est presque impossible... imaginez le coton-tige dans le nez toutes les semaines ! Nous avons posé la question à notre ministre de la santé. Pourquoi un enfant avec un handicap doit subir des règles plus sévères qu'un enfant « classique » ?
Dans une lettre non signée, Monsieur le Ministre nous a remercié par écrit pour nos suggestions constructives. Son staff n'a même pas pris le temps de lire la lettre. Comment voulez-vous que ça change ?
Il y a des jours où nous avons envie de tout plaquer, de recommencer une vie normale, de placer Nicolas en institution. Je n'ai pas honte de le dire. Que ceux qui critiquent ces paroles me prennent Nicolas pendant 48 heures. Je pourrais enfin aller au restaurant ou me payer un week-end prolongé quand ma femme et moi en avons envie.
J'aurais de l'énergie et le temps pour faire un peu de sport, chanter dans un choeur ou jouer au théâtre... Nous ne serions plus obligés d'écouter des conseils de thérapeutes ou profs style « vous avez l'air fatigué, prenez soin de vous » ou « oui, je sais comment prendre en charge un autiste, j'en avais un dans ma classe en 2010. »
Pour cela, il faudrait déposer Nicolas du lundi au vendredi dans une institution spécialisée... et aussi un week-end par mois. Il apprendrait les bases de la base, et un jour, à sa majorité, il toucherait une rente de l'assurance-invalidité. Pour survivre, du moins économiquement.
Non, je ne veux pas. Il y a quelques années, nous avons fait un choix. Le bon choix, même si je doute par moments...
samedi 10 juillet 2021
131. Les visiteurs
vendredi 30 avril 2021
130. Dès qu'on pense
jeudi 1 avril 2021
129. Boum!
Nicolas grandit, Nicolas se développe bien, Nicolas fait des grands progrès. C’est super ! Le déménagement dans un canton où il peut aller à l’école lui fait du bien !
« Mais ce que votre fils est sage ! »
« Il a fait des grands progrès ces derniers mois ! »
« Je ne l’ai pas reconnu, tellement il a changé en bien depuis la dernière fois ! »
Que ce soit sa maitresse, des amis, l’ergothérapeute, la dentiste ou la voisine, tout le monde en a plein des louanges pour notre fils. On pourrait presque croire qu’il n’est plus autiste…
Mais détrompez-vous ! On naît autiste, et jusqu’à preuve du contraire, on meurt autiste. Et nous nous rendons compte tous les jours que Nicolas est bien autiste.
Nicolas se contient. Il respecte les règles imposées. Il absorbe tout comme une éponge, et il retient tout ce qu’il a absorbé. Et il se retient…
Pendant les heures de cours à l’école, on ne parle pas ; on écoute, on travaille.
A la récréation, les enfants sortent, courent, crient. Nicolas le sait même s’il ne supporte pas ce bruit. C’est comme ça.
Après la pause, c’est de nouveau le silence et la concentration.
A la fin du cours, quand la cloche sonne, les enfants courent dehors en criant.
Nicolas rentre à pied avec sa maman. Il est courageux, il se retient.
Dès qu’il a franchi le pas de porte à la maison, Nicolas explose. Il tape sur les meubles, il crie, il court dans la maison. Toute l’énergie qui s’est accumulée en lui, qu’il a retenu en lui, tout doit sortir. Vous ne vous rendez pas compte ce que ceci signifie. Pour nous qui habitons avec Nicolas, c’est comme l’effet de détonation d’une bombe. Et boum !
Idem lorsque nous avons des invités. Cela n’arrive pas trop souvent avec ce sale virus qui traine, mais nous estimons avoir droit à une vie de temps en temps tout en assumant les conséquences.
Nous prévenons Nicolas des invités lorsque nous lui présentons son planning mensuel. Il sait que cela fait partie du mois en cours, et il en parle tous les jours. Oui, nous planifions les visites de mai en avril.
La veille de la visite, Nicolas commence à monter les tours : « Je ne dis pas bonjour ! », « Je ne veux pas manger avec eux ! », « Ils vont partir après avoir mangé ! »
Lors de l’arrivée de nos invités, il s’isole dans sa chambre.
Il mange dans un coin loin de nous.
Après le repas, il dit aux invités qu’ils peuvent partir parce qu’ils
ont fini de manger.
Dès que nos invités ont franchi le pas de la porte, la sirène se met en marche à 120 décibels : « Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! » En fait, c’est Nicolas qui crie parce qu’il doit laisser sortir tout ce qu’il a accumulé en lui ces dernières heures. Une situation en dehors de la normalité, des gens qui ne font pas partie de notre maison et probablement un repas qui a duré trop longtemps, tout cela l’a trop stressé.
Après la sirène, c’est l’explosion : Boum !
Maman ou papa fera office de démineur chez Nicolas pendant que l’autre range la cuisine…
La semaine passée, nous avons été au CHUV pour voir le développement de son arthrite juvénile. Je tiens à préciser que l’équipe du CHUV est extraordinaire : A chaque contrôle, Nicolas dispose du même box au onzième étage. Nous pouvons y aller avec notre chien d’accompagnement, rare sont les attentes supérieures à cinq minutes même en période de Covid. Bravo !
La dernière fois par contre, ils avaient du retard parce qu’un médecin était malade. Du coup, tous les boxes étaient occupés et nous avons dû patienter quelques minutes à la réception avant de poursuivre l’attente dans un box. Nous avons dit à Nicolas que tout allait rentrer dans l’ordre sous peu, mais on a pu apercevoir sur son visage qu’il en souffrait. Dès que nous avons pu entrer dans le box, Nicolas a tout lâché. Le stress de l’hôpital, mais surtout le fait que ça se passe autrement que d’habitude, tout cela l’a poussé au-delà de ses limites. Des cris, des pleurs…
Et là, quelque chose d’inattendu arriva : La doctoresse est venue tout de suite pour la consultation parce qu’elle connait bien Nicolas. Du coup, elle s’est rendue compte que c’était compliqué. Elle n’a pas dit « oh ce qu’il est sage » ou « quel gentil garçon qui grandit » ou quelque chose de ce genre.
Un être humain autre que papa, maman ou ses frères s’est rendu compte de la difficulté de la situation. Même si elle n’a rien pu changer, cela fait du bien !